Conclusion :

Le parcours théorique jusqu’ici présenté peut paraître fastidieux notamment par la relative hétérogénéité des références. Néanmoins, son intérêt est, selon nous, de rendre compte du cheminement de notre réflexion.

Dans un premier temps, nous sommes revenu sur le rapport entretenu par le discours médiatique au réel. Vaste programme au sein duquel nous nous sommes modestement situé en adoptant un constructivisme qualifié de raisonné. Que le monde phénoménal existe, qu’il s’offre à nos perceptions et à nos sensations ne fait aucun doute. Mais, sans provocation, nous avançons que celui-ci ne nous intéresse pas ; du moins au sens où nous ne nous posons pas la question de son existence mais celle des processus d’objectivation permettant l’institution collective d’un monde commun fondant la communauté et, par là même, la possibilité du conflit.

La conception du constructivisme à laquelle nous souhaitons échapper peut être qualifiée d’ontologique au sens où elle prétend redéfinir ultimement ce qui est véritablement, c’est-à-dire ce qui est en deçà ou au-delà de la construction. Cette ambition au dévoilement nous apparaît discutable car elle implique un langage « corrupteur », un langage dont l’effet serait de déformer une réalité signifiante en imposant des représentations biaisées. Dans notre perspective, le langage est le médiateur par lequel nous construisons la réalité sociale c’est-à-dire un monde d’objets communs se dégageant du flux phénoménal. Le langage apparaît alors à la fois comme instrument de sémiotisation et vecteur de socialisation.

Nous partons de la performativité du langage et du constat global que le monde phénoménal ne peut être saisi que par un processus de typification. La notion de cadre introduite par Erving Goffman dans Les cadres de l’expérience est adoptée et le processus par lequel l’individu offre du sens à son environnement est développée à la pratique journalistique. La dimension métaphorique de la notion –pertinente mais réductrice- est ensuite précisée par un survol des travaux relatifs aux médias et à leurs discours qui s’inscrivent dans la peu développée analyse des cadres française ou dans la plus prolifique frame-analysis anglo-saxonne.

Adoptant contre le bon sens scientifique une lecture à la fois constructiviste et structuraliste des Cadres de l’expérience et en privilégiant une conception de l’information comme forme de connaissance, nous proposons d’assimiler le système des cadres à la structure générale de la discursivité sociale.

Nous retenons que la configuration du cadre est inscrite dans la relation que le média entretient avec l’ensemble des cadres primaires diffusés par les acteurs sociaux, d’une part, dans la relation que le média entretient avec son public, d’autre part, et ce à travers la prise en compte de ses prédispositions (recherche d’une résonance culturelle à travers l’articulation à des segments idéologiques existants, à des formes narratives partagées, à des imaginaires supposés).

Pour finir cette partie, avançons que l’intérêt de la notion de cadre est de permettre d’articuler les processus cognitifs de production de sens à la routinisation des formes discursives journalistiques. Autrement dit, la notion de cadre doit permettre de repérer dans le discours, les processus de typification qui donnent lieu à la production du sens par les médias.