II.3. Rendre compte de la diversité

La force du cadre générique de la confrontation (et sa routinisation dans la pratique journalistique) tient à ce qu’il représente une opportunité de mise en scène claire des acteurs et de leur identité. En fermant la porte à une représentation sans doute vertigineuse de la complexité, la confrontation encourage la logique dichotomique qui prévaut au traitement de l’événement Seattle.

L’idée essentialiste selon laquelle les identités seraient des entités objectives, des éléments du réel que le langage ne ferait que nommer a posteriori ne tient pas au regard des considérations théoriques de la première partie. Il n’existe pas d’identité pré-discursive, pas d’identité objective, seulement des identités objectivées à travers le discours. C’est pourquoi une identité collective doit être pensée comme un objet sémiotique issu de la description et de son inscription narrative. C’est elle qui offre à un collectif une consistance symbolique et la possibilité d’être reconnu dans l’espace public.

La désignation d’un responsable –en l’occurrence l’OMC et, à travers elle, la mondialisation- ne constitue que l’un des éléments par lequel un collectif peut se constituer. En effet, la désignation d’un anti-sujet comme principe d’opposition ne suffit généralement pas à accorder à un collectif les attributs qui en permettent la reconnaissance dans l’espace public médiatisé. Néanmoins, c’est bel et bien dans la distinction et l’opposition, dans l’antagonisme et le conflit, que s’instaure une identité –autrement dit dans son rapport à une altérité. Nous retrouvons ici la conception simmelienne du conflit intégrateur et de sa capacité d’objectivation 356 . Le conflit institue l’acteur politique, aussi bien individuel que, dans notre cas, collectif.

Notes
356.

infra, p.54-55