II.4. L’imaginaire démocratique de Seattle : la politique à l’épreuve de la mondialisation

C’est par le recours au concept d’imaginaire et de résonance que peut être, en partie, expliqué le succès du cadre spécifique appliqué à Seattle (issu lui-même de la convergence entre les cadres interprétatifs militants et le cadre générique du conflit). La réussite d’un cadre et « le sens d’un événement résulte toujours de la confrontation du réel à l’imaginaire, grâce à la médiation symbolique assurée par le discours des médias »370 ; et sans doute, devrions nous préciser qu’il s’agit moins de l’imaginaire comme catégorie globalisante que d’un imaginaire comme catégorie spécifique. C’est un « imaginaire sociodiscursif »371 qui permet à un cadre (et à l’événement qui l’objective) d’entrer en résonance avec le terreau culturel partagé par les journalistes et leurs lecteurs. Pour Patrick Charaudeau, « les imaginaires sont engendrés par les discours qui circulent dans les groupes sociaux, s’organisant en systèmes de pensée cohérents créateurs de valeurs, jouant le rôle de justification de l’action sociale et se déposant dans la mémoire collective »372.

Il paraît difficile de nier l’évolution actuelle du contexte de l’activité politique. Les nations, les peuples, les mouvements sociaux sont aujourd’hui reliés par des communications d’un nouveau genre, rendues possibles notamment par le développement des technologies de l’information et de la communication. Pour reprendre David Held, disons que « la relation étroite entre lieu physique, situation sociale et activité politique a été brisée; les systèmes de communication d’aujourd’hui créent de nouvelles façons de comprendre la politique » qui aboutissent à l’émergence de « l’idée d’une politique planétaire » et aux questionnements liés à la gouvernance du monde373. Ce contexte contribuerait à un sentiment d’impuissance face la mondialisation. A un niveau national, le constat contribue sans nul doute à relayer l’idée d’une « crise de la représentation » -lieu commun depuis plusieurs décennies- issue de la dissociation entre le pouvoir politique et la puissance sociale, et à penser la démocratie à l’épreuve de la mondialisation. Au sein des nouvelles frontières du politique, quelle place pour un peuple souverain?

Notes
370.

LAMIZET Bernard, Sémiotique de l’événement, Paris : Hermès-Lavoisier, 2006, p.105

371.

BOYER, LOCHARD1998 ; CHARAUDEAU Patrick, Le discours politique. Les masques du pouvoir, Paris : Vuibert, 2005

372.

CHARAUDEAU,Patrick, « Les stéréotypes, c'est bien, les imaginaires, c'est mieux », Henri Boyer (dir.), « Stéréotypage, stéréotypes : fonctionnements ordinaires et mises en scène », Tome 4 : Langue(s), discours Paris : L'Harmattan, p. 49-63, 2007, p.57

373.

HELD David, Un nouveau contrat mondial. Pour une gouvernance social-démocrate, Paris : Presses de Sciences Po, 2005, p. 138