I.2.2.1. Les lieux

Comme à Seattle, comme lors des contre-sommets suivants, et de la même manière que le temps du récit journalistique déborde celui du sommet (pour s’accorder sur celui du contre-sommet), l’espace déborde celui des réunions officielles. Là encore, l’attention accordée au contre-sommet impose un recadrage « géographique » de l’événement. Gênes, ses rues, ses places deviennent l’espace élargi de l’événement. Au matin de l’ouverture du sommet et des premières manifestations de masse, les journaux s’accordent sur la description de la ville et mobilisent un univers sémantique commun :

‘Le Monde : « une ville transformée en forteresse » 548 , «l’atmosphère reste tendue » 549
Libération : « la ville en état de siège » 550 , « un camp retranché […]une ville militarisée et déserte » 551 , « le sommet des assiégés » 552
Le Figaro : « une ville transformée en camp retranché » 553 , « barricadés dans le port, les dirigeants » 554
L’Humanité : « les dirigeants des pays les plus puissants ont transformé la cité italienne en forteresse assiégée » 555 , « isolé du monde par une muraille d’acier policière » 556
Les Echos : « dans une ville en état de siège », « zone jaune et zone rouge ont transformé le port en citadelle » 557 …’

La description de la ville mobilise un registre militaire qui participe clairement à la mise en tension du récit et ouvre un nouvel horizon d’attente : l’enjeu n’est plus le résultat des négociations politiques mais l’éventualité d’actes de violence. C’est pourquoi l’ensemble de la presse accorde une importance démesurée aux dispositifs de sécurité mis en place par les forces de l’ordre italiennes. Ainsi, l’établissement des zones rouges et jaunes s’impose comme un sujet à part entière qui est même relayé dans Les Echos et Libération par une infographie présentant la ville et ses zones interdites (ce fut déjà le cas la veille dans Le Figaro). Ces infographies ne s’inscrivent évidemment pas dans une visée pratique de service public (comme elles le seraient dans un journal régional ligure) mais dans une volonté de cartographier « l’espace des opérations ». Illustration avec l’hyperstructure proposée par Libération :

Un tel décor encourage la presse à repenser la configuration des figures narratives en jeu. La confrontation ne divise plus manifestants et dirigeants politiques –registre symbolique du politique- mais manifestants et forces de l’ordre –registre concret du sécuritaire.

Notes
548.

« Croissance et violence : deux ombres sur le G8 », 20-07-01, Le Monde

549.

« Les anti-mondialisation préparent leur face-à-face avec le G8 », 20-07-01, Le Monde

550.

« Les Gêneurs de Gênes » [chapeau de Une], 20-07-01, Libération

551.

« Gênes, un camp retranché pour accueillir le G8 », 20-07-01, Libération

552.

« Gênes, le sommet des assiégés », 20-07-01, Libération

553.

« Le G8 en quarantaine », 20-07-01, Le Figaro

554.

« Les Huit sur la défensive », 20-07-01, Le Figaro

555.

« Gênes, ville fermée », 20-07-01, L’Humanité

556.

« La muraille d’acier » [éditorial], 20-07-01, L’Humanité

557.

« Sommet de Gênes : un G8 sous haute surveillance », 20-07-01, Les Echos