I.4.4. Le Monde : le choix de l’expertise

Comme dans Libération, le dispositif du Monde illustre l'importance que le quotidien accorde encore, le vendredi 27, aux événements génois. Le discours sur Gênes mobilise le papier de tête en Une, la totalité des pages 2 et 3, et l'éditorial de la page 13. Le Monde accorde moins de surface que Libération au factuel, c'est-à-dire au déroulement des affrontements et à la recherche précise des responsabilités policières. Le titre de Une –« L'onde de choc des violences du G8 »- illustre, par contre, la priorité accordée par Le Monde aux répercussions de l'événement. Il ne s'agit pas d'inscrire les violences dans le présent de l'événement mais plutôt dans l'avenir de ses effets.


Violences
à travers ses répercussions …
judiciaires « le parquet de Gênes a ouvert plusieurs informations judiciaires »
sociales « le mouvement antimondialisation fait de nouveaux adeptes »
politiques en Italie « une onde de choc » au sein même du gouvernement »
politiques en France « le PS regrette d'avoir été absent »

Que ce soit le titre de l'éditorial (« Gérer l'après-Gênes »), ou le titre principal de la page 2 (« Après Gênes, l'opposition demande des comptes à Silvio Berlusconi »), les deux énoncés insistent sur la fracture entre un avant et un après Gênes.

Pour répondre à la complexité du mouvement de protestation, et à celle du réseau des répercussions des violences, Le Monde applique à l'événement la grille de l'expertise. C'est l'objet de l'article intitulé « De la contre-expertise militante au « mai 68 » mondial »604 dans lequel des experts jugent l'avenir du mouvement antimondialisation. Le recours par le quotidien à ces experts, reconnus dans l'espace public comme porteurs d'un savoir spécialisé et situés en dehors du pouvoir, illustre sa volonté à proposer un discours prenant en compte la complexité des phénomènes liés au mouvement de contestation et son souhait d'un discours objectif, du moins non partisan. Là où Libération privilégie la parole des acteurs, et la diffusion d’une vérité partisane, Le Monde donne la parole à l’expert.

Ainsi, de manière identique, Libération et Le Monde instituent les événements de Gênes comme nouvelle référence pour le mouvement altermondialiste. Ils se distinguent par contre en ce que le premier privilégie la causalité événementielle dans une démarche déductive (établissement d’une chaîne de responsabilités) alors que le second s’attache à l’avenir et aux effets de l’événement.

Notes
604.

« De la contre-expertise militante au « mai 68 » mondial », 27-07-01, Le Monde