Conclusion

C’est dans et par l’événement que l’antimondialisation acquiert son statut d’acteur et les attributs qui permettent sa reconnaissance dans l’espace public médiatisé. C’est, ensuite, dans le paradigme événementiel qu’elle s’assure une consistance symbolique dans l’exercice de la communication. L’antimondialisation s’institue comme un mouvement c’est-à-dire comme acteur politique. La dynamique événementielle s’émousse ensuite sous l’effet conjugué des violences de l’année 2001 et de la routinisation des performances militantes. Dès lors, l’altermondialisation se pérennise moins comme acteur que comme thème et discours. Emancipé de l’événement et de l’acteur, le discours de l’alternative, à la fois légitime et légitimant, s’offre au tout-venant.

Selon nous, aussi séduisante soit-elle, la théorie des discours sociaux spécifiques souffre de ne pas prendre en compte les processus de régulation de la discursivité sociale et, de fait, d’évacuer la question du pouvoir. En effet, le discours social global est un espace où chaque discours spécifique acquiert une certaine valeur et un degré de légitimité et d’acceptabilité différencié. Le concept d’hégémonie tel que le présente Marc Angenot dans son étude du discours social global nous semble à même de combler cette relative faiblesse : il permet de repenser l’espace des discours sociaux spécifiques comme un lieu de concurrence, de convergence ou de congruence des lectures du monde social et des configurations du monde commun.

Dans la première hypothèse, le discours social global est le lieu où se déploie l’interdiscours et où se produisent des règles d’engendrement des discours sociaux périphériques (qu’il produit en même temps que ceux-ci le soutiennent) ; il est le lieu de configuration des discours à même de rendre compte du monde commun. Dans cette configuration, le discours de l’alternative vient combler un déficit idéologique et propose de nouveaux cadres d’interprétation c’est-à-dire de nouvelles clés de lecture commune de la réalité politique et sociale que l’ensemble des acteurs sociaux peut mobiliser. La première hypothèse s’impose sur le registre de la circulation et de la promotion.

La seconde, elle, s’impose sur le registre de la récupération et de l’assimilation. Le discours social global, hégémonique, neutralise l’énergie des discours sociaux périphériques en les relayant dans une rhétorique qui délimite les cadres interprétatifs légitimes. Le centre absorbe la périphérie.