Introduction

‘Cézanne ne pouvait s’empêcher de trouver l’art difficile ; Giacometti l’aurait trouvé facile s’il n’avait vu comment le rendre difficile.
Son art est autoréférentiel, c’est une critique de l’art, une mise à nu de certains paradoxes de l’art, une analyse du processus qui fait qu’une œuvre d’art est achevée, une mise en cause de la validité du type d’art que l’on reconnaît dans l’iconographie de ses peintures.
David Sylvester1

Bien après la mort d’Alberto Giacometti, Antoine Bourseiller demande à Jean Genet :

‘A.B. – C’est un des hommes que vous avez le plus admirés, vous m’avez dit ?
G. – Le seul […].
A. B. – Est-ce que vous pouvez parler de [lui] ?
G. – Oui, parce que j’ai encore dans les fesses la paille de la chaise de cuisine sur laquelle il m’a fait asseoir pendant quarante et quelques jours pour faire mon portrait.2

Le point de départ de notre sujet, peut-être faut-il le situer là. Chez Giacometti il y a sans doute tout ce qui aura en ce même siècle lié d’autres écrivains à d’autres peintres, mais il y a aussi la paille d’une chaise de cuisine, cette paille indisciplinée qui empêche de s’asseoir confortablement.

Tout nous paraît alors l’émanation d’un rapport, et la notion d’influence ne sera pas retenue comme décisive. Avant de pouvoir envisager une quelconque influence, on butte sur une activité dans laquelle artistes et écrivains se trouvent engagés en commun, et c’est cette activité que vise en premier lieu cette thèse. Choisissant d’examiner le rapport entre Giacometti et les écrivains « par voltes et faces d’ateliers », nous n’avons pas voulu fixer notre attention seulement sur des textes d’écrivains perçus comme l’émanation d’un regard. Il nous a semblé que le sens même de cette œuvre nous imposait de nous situer dans un dialogue constant et loin d’être à sens unique. Ce dialogue impose de se situer dans un incessant mouvement de va-et-vient en portant attention, autant qu’à ce que les écrivains retiennent de cette œuvre, à ce qui de l’écriture fait retour vers elle. S’il y a en effet, comme le travail de Giacometti engage à le penser, une approche du réel dont l’œuvre d’art – sculpture, peinture, dessin, écriture – n’est que le moyen, alors la question de l’influence passe au second plan, et nous comprenons que le centre de notre sujet n’est ni l’œuvre de Giacometti ni les textes des écrivains, mais le vide entre eux.

Par ce parti-pris méthodologique, cette thèse se distingue de la thèse la plus poussée à ce jour sur le sujet, celle du canadien André Lamarre3. Elle fait suite à une première thèse américaine, celle de Carl Gerald Moravec, La Présence d’Alberto Giacometti dans la littérature française contemporaine, qui date de 1973. L’auteur retient douze écrivains – Tardieu, Breton, Char, Leiris, Bonnefoy, du Bouchet, Dupin, Beauvoir, Genet, Sartre, Ponge, Picon – et consacre à chacun d’eux un chapitre4. La méthode d’André Lamarre n’est pas différente, il centre également chacun des ses chapitres sur un auteur en particulier, retenant pour sa part Cocteau, Leiris, Breton, Aragon, Beauvoir, Sartre, Ponge et Genet. Son étude en revanche, bien plus riche d’analyses pertinentes, retient davantage l’attention. Cette thèse nous a servi de point de départ, et nous n’hésiterons pas à y renvoyer lorsque l’auteur nous semblera avoir dit l’essentiel sur un point. Mais l’objet d’André Lamarre dans cette thèse est l’« écrit d’art » comme genre. Il étudie chaque texte rencontré du point de vue formel comme une variation de ce genre dont il cherche à approfondir la théorisation. Dans cette perspective, il s’interroge à chaque fois sur le degré d’appropriation de Giacometti par tel ou tel écrivain, pour l’enfermer dans un texte. Cette manière d’aborder le sujet peut être éclairante, notamment lorsqu’il s’agit de montrer la récupération de l’œuvre de Giacometti par telle ou telle idéologie ou pensée, mais elle nous paraît s’éloigner du plus vif du rapport entre Giacometti et les écrivains. Renvoyant chaque texte à sa clôture, cette restriction du sujet à des questions formelles s’expose à perdre le caractère dynamique du questionnement dans lequel Alberto Giacometti s’insère.

Certes, chaque recherche est avant tout solitaire, mais l’étude des rapports entre Giacometti et les écrivains montre que certaines avancées dans le domaine de la sculpture peuvent produire des défigements dont bénéficie la littérature, qui à son tour peut aider l’artiste à porter plus loin son questionnement. Il nous semble alors que s’en tenir strictement aux textes, analysés comme des ensembles clos et des rapports exclusifs serait aussi absurde que, pour Giacometti, s’en tenir aux traits du modèle, à une ressemblance superficielle : peut-être le plus sûr moyen de manquer la profondeur de ce sujet. Elle se découvre sur un vide, sur l’interstice qui sépare les œuvres de Giacometti – ou Giacometti à l’œuvre dans l’atelier – des écrivains, un interstice occupé par intermittence par les objets du réel fuyant. Un tel sujet impose de tenir l’écartement de deux poursuites simultanées du réel qui par instant se superposent, un écrivain prenant pour objet des œuvres de Giacometti ou Giacometti dessinant à partir d’un texte – et même parfois, superposition redoublée, d’un texte qui prend pour objet ses œuvres de la même manière qu’il lui arrive de peindre l’atelier occupé par sculptures, peintures et dessins – et par instant se dissocient, dans le travail d’après modèle ou un poème qui cherche à saisir la réalité. C’est dire que la question d’une influence de tel ou tel écrivain sur Giacometti ou de Giacometti sur la littérature est moins notre souci que cette volonté de retenir un peu d’une oscillation incessante que Jacques Dupin nomme la « combinatoire du fond » dans un entretien où il évoque cette question :

‘Des influences ? Mais je les revendique, je voudrais les accueillir dans les strates les plus profondes des gisements qui me sont ouverts.
Il ne s'agit pas de conserver, "d'assumer l'héritage", il y a pour cela des traités de littérature, des ouvrages d'érudition, des bibliothèques bondées. Il serait plus adéquat pour évoquer ce qui se passe en réalité de parler d'imprégnation, d'immersion, de greffes et de branchements, de décantation, de cristallisation, de fusion, et de toutes les éventualités d'une combinatoire du fond5. ’

Une délimitation possible de ce sujet eût été de se restreindre à envisager la question de « Giacometti et les poètes », et de compléter ainsi la thèse d’André Lamarre qui, justifiant son propre choix dans l’ensemble des textes sur Giacometti, note qu’il laisse ouverte à côté de son travail la possibilité d’un tel sujet. Sa thèse ne parle pas de René Char ni des poètes de L’Éphémère. Néanmoins, notre souci d’approcher une « combinatoire du fond » nous a incité à l’abandon de cette autre possibilité qui nous semblait contradictoire avec la volonté de saisir un rapport global. Circonscrire un espace nommé « poésie » dans l’ensemble des mots suscités par cette œuvre eût été retomber dans l’écueil des classifications génériques d’une manière qui nous semble en contradiction avec la démarche d’Alberto Giacometti, et manquer l’intérêt « poétique » au sens large de son œuvre, c’est-à-dire la confrontation à un « faire ».

Le seul choix qu’il nous a paru légitime d’opérer dans la masse des écrits sur cet artiste depuis les premiers mots de Jean Cocteau et Michel Leiris en 1929 jusqu’aux plus récents textes de Jacques Dupin et Yves Bonnefoy est alors lié à cette idée de l’art et de la littérature comme activité. Nous n’avons retenu que les auteurs qui ont connu Giacometti, l’ont vu à l’œuvre, sont entrés dans l’espace de l’atelier, ont eu avec lui les conversations dont Jacques Dupin et Michel Leiris donnent une idée6, ceux pour lesquels il existe un échange entre un de leurs textes et une œuvre de Giacometti. Quelques mois après la mort de Giacometti, Michel Leiris note dans son journal :

‘Sentiment d’avoir peut-être encore des « amis » mais plus de « compagnons » (= camarades de travail ou, à tout le moins, camarades dont l’idée qu’ils sont au travail encourage). Vide énorme creusé, à cet égard, par Giacometti. Peut-être parce que Bataille disparu, il était le dernier7. ’

L’essentiel est dit ici pour nous. Les écrivains retenus sont en premier lieu ceux à qui l’idée que Giacometti mène sa poursuite impossible dans son atelier permet des avancées dans leur propre travail. De ce travail, ils éprouvent les retombées de manière palpable, pour à leur tour effectuer des percées qui d’une certaine manière font retour vers Giacometti.

Si nous avons intégré à notre bibliographie tous les écrits sur Giacometti, et même ceux d’écrivains plus jeunes, qui n’ont pas connu Giacometti, nous nous en sommes donc tenus à l’étude de ceux pour lesquels il existe un double regard : regard de Giacometti vers l’œuvre ou le visage d’un écrivain, regard de l’écrivain vers Giacometti. Nous n’étudierons donc pas les textes de Jean Grenier, Roger Laporte, Claude Esteban, Marcelin Pleynet, Tahar Ben Jelloun, Philippe Jaccottet et d’autres encore, auxquels Giacometti n’a pas répondu, de même que nous n’interrogerons pas le rapport de Giacometti avec Tristan Tzara, Samuel Beckett ou encore Gilbert Lély, dont il a illustré des livres – ou, pour Beckett, participé au décor d’une de ses pièces de théâtre – mais qui n’ont pas écrit sur lui. Envisager les écrits de ceux qui n’ont connu que l’œuvre « achevée » de Giacometti, comme par exemple le romancier américain John Edgar Wideman, serait un sujet très différent de celui que nous traitons. Le flot, en outre, des textes d’importance majeure – mis à part, bien sûr, ceux des écrivains qui ont connu Giacometti, mais écrivent sur lui après sa mort – semble s’être tari pour l’instant, peut-être du fait de l’importance de cette « activité » que nous visons.

Nous évoquerons malgré tout les quelques lignes écrites par Jean Cocteau sur Giacometti et l’illustration d’un livre de René Crevel en 1933, car il est difficile d’exclure le premier regard8 d’un écrivain sur Giacometti autant que le premier geste de Giacometti vers une œuvre écrite. Nous avons choisi d’interroger également le rapport entre Alberto Giacometti et Georges Bataille, qui n’a pas écrit sur lui, étant donnée l’importance que nous a semblé revêtir la revue Documents autant pour Alberto Giacometti que pour un grand nombre d’écrivains. Les critères choisis pour établir notre corpus auraient également dû nous pousser à exclure Francis Ponge et Yves Bonnefoy, qui sont des cas-limites. Mais la volonté manifestée par Giacometti juste avant sa mort d’illustrer « Joca Seria » du premier et les souvenirs de conversations du second avec Giacometti, sa présence à son enterrement et sa participation à la revue L’Éphémèrequi d’une certaine manière prolonge l’activité, au sens volcanique, de Giacometti – nous ont paru des raisons de ne pas le faire. Mais surtout ce dernier poète, tout comme Ponge, est au plus haut point conscient de ce qui nous semble devoir être interrogé dans cette thèse, c’est-à-dire la particulière capacité d’Alberto Giacometti à susciter des « éclairements réciproques » qui redonnent tout son sens au « ut » de l’expression ut pictura poesis :

‘[…] ce que je puis remarquer, du point de vue de qui cherchait après-guerre des connivences, des points d’appui, c’est que Giacometti aura fait beaucoup pour rénover cette grande alliance, fructueuse par éclairements réciproques, l’ut pictura poesis comme d’autres siècles l’avaient connue, et presque toujours pour leur bien. Tout immédiatement, en effet, l’auteur de L’Objet invisible accédait à ce qui donne son sens et sa plénitude à ce « ut » par lequel, et ce ne peut être qu’en profondeur, la parole des mots et celle des signes plastiques ont chance de communiquer, les yeux ouverts sur bien plus que de l’objet9.’

Au nombre des écrivains dont les mots nous ont semblé communiquer avec les « signes plastiques » de Giacometti, nous retiendrons donc en définitive pour notre parcours : Louis Aragon, Georges Bataille, Simone de Beauvoir, Yves Bonnefoy, André du Bouchet, André Breton, René Char, Jean Cocteau, René Crevel, Jacques Dupin, Jean Genet, Michel Leiris, Francis Ponge, Jean-Paul Sartre et Jean Tardieu. Quinze écrivains, pour une période de soixante-dix-huit années, puisque les premiers mots de Michel Leiris sont écrits en 1929 et les plus récents textes de Jacques Dupin et Yves Bonnefoy datent de 2007.

C’est une fois ce choix établi, néanmoins, que les difficultés commencent, car quel rapport entre telle illustration pour un livre de René Crevel en 1933 et un essai d’Yves Bonnefoy dans les années 1990 ? Quel sens peut-il y avoir à grouper des hommes très différents, ayant connu des états très différents de l’œuvre, sous prétexte qu’à un moment ils auront cru opportun de prolonger leur regard par un texte ? Breton ne parle pratiquement que d’une sculpture en cours, Bonnefoy parle rétrospectivement de l’intégralité de l’œuvre. Comment concilier des perspectives si dissemblables ? L’un ne parle que des sculptures alors que l’autre s’intéresse au dessin, l’un s’interroge sur les œuvres à venir, l’autre se voit confronté à la mort du sculpteur, comment avoir prise sur une matière aussi mouvante ? Comment organiser notre réflexion sans écraser ces particularités ? Mais il y a une difficulté encore plus grande. Lorsque Giacometti entreprend un portrait, par exemple celui de Jean Genet, il laisse à la porte les visiteurs importuns pour rester seul avec le modèle et établir en sollicitant sa participation active une relation dont l’intensité est décisive pour ce qu’il tente. Vouloir entreprendre une réflexion globale sur Alberto Giacometti et les écrivains, c’est se heurter à l’intensité de rapports particuliers, des amitiés qu’il est difficile et contraire au sens de son œuvre d’entreprendre de morceler. Pourtant nous ne pouvions nous contenter non plus de la solution adoptée par les autres thèses sur Giacometti et les écrivains, qui consiste à juxtaposer des « microlectures »10 centrées tour à tour sur un auteur en particulier. Un tel procédé condamne à des répétitions qui, elles, ne sont pas contraires au sens de l’œuvre, mais n’en sont pas moins susceptibles de décourager le lecteur. En outre, il conduit à manquer également les nombreuses passerelles qui se font jour d’un texte à l’autre à mesure que ceux-ci deviennent plus nombreux. Le premier texte de Jean-Paul Sartre par exemple, écrit en 1948, résonne dans tous les textes suivants, et seule une route transversale peut montrer de texte en texte la reprise des mêmes réflexions, le dialogue, les tensions… Tenter de concilier ces deux approches – l’approche par couples et une approche plus synthétique – relève de la quadrature du cercle, ou peut-être, fatalité propre à Giacometti, du « casse-tête ». C’est la difficulté majeure de ce sujet.

Et pourtant, si le nombre d’écrivains ayant écrit sur Giacometti est impressionnant, nous n’en avons pas moins rencontré au fur et à mesure de la progression de nos recherches une grande cohérence, ce qui ne doit pas surprendre. L’amitié, l’intérêt porté à une œuvre, dessinent forcément des espaces communs, même si cela n’exclut pas les rivalités au sein de cet espace. Une grande partie du rapport entre Alberto Giacometti et les écrivains pourrait ainsi se résumer à ces quatre noms, qui dessinent quatre pôles (pour un seul d’entre eux, aucun nom propre ne se détache nettement des autres) : Georges Bataille, André Breton, Jean-Paul Sartre et L’Éphémère.

Le premier ensemble auquel nous confrontent les œuvres de Giacometti en rapport avec des textes d’écrivains est celui du monde surréaliste au sens large, c’est-à-dire un espace polarisé par le surréalisme. Les figures principales en sont André Breton et son double négatif, celui qui attire les « dissidents » du surréalisme, Georges Bataille. Autour de Georges Bataille se rassemblent dans la revue Documents plusieurs écrivains liés à Giacometti. Le premier, Michel Leiris, inaugure dès l’époque de cette revue une série régulière de textes qui se poursuit même après la mort du sculpteur. Parmi les autres, il s’en trouve deux qui écriront plus tard : Georges Limbour et Jacques Prévert11. Bataille deviendra également l’ami de Patrick Waldberg, qui l’accompagne dans l’aventure d’Acéphale et écrira sur Giacometti après-guerre. Il sera lié à Gilbert Lély, admirateur de Sade – ami également de René Char qui se rapproche de Georges Bataille après-guerre – dont Giacometti illustrera la Folie Tristan. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il rencontre Maurice Blanchot dont les affinités sont grandes avec l’œuvre de Giacometti. Blanchot évoque cette œuvre dans une note de lecture consacrée à la monographie de Jacques Dupin au moment de sa parution.

Pour ce qui est du groupe surréaliste orthodoxe, la relation avec André Breton est décisive, avec un texte crucial : Équation de l’objet trouvé. Mais Giacometti au sein du groupe rencontre beaucoup d’écrivains et d’artistes qui resteront ses amis même lorsqu’il ne sera plus surréaliste. Dans les années 1930, il participe avec eux aux réunions du groupe, s’investit dans la revue Le Surréalisme au service de la révolution, et grave un frontispice pour un livre de René Crevel. Après 1935, il fait encore le portrait d’Éluard et grave d’autres frontispices pour des recueils de Tristan Tzara. En 1965, à la veille de sa mort, Giacometti illustre enfin Les Beaux quartiers d’Aragon et Retour amont de René Char, qui sont parmi les plus importants de ses livres de dialogue, preuves d’un lien durable avec ces amis rencontrés au sein du groupe surréaliste, et qui s’en sont éloignés comme lui.

Un deuxième grand ensemble gravite autour de la figure de Jean-Paul Sartre, rencontré par Giacometti, comme Simone de Beauvoir, avant son départ pour Genève en 1941. Sartre écrit dans ces années trois textes qui pèseront d’un poids similaire sur la renommée des œuvres visées, celles de Francis Ponge, Alberto Giacometti et Jean Genet. Un lien complexe les lie dès lors les uns aux autres, où se déploie l’ambiguïté de leurs rapports avec Sartre.

Les surréalistes sont pour la plupart les aînés de Giacometti, Sartre est de sa génération, un dernier grand ensemble se dessine enfin avec des écrivains de la génération suivante, ceux qui viennent à l’écriture dans les années 1950. Ces écrivains ont donné une existence visible aux préoccupations communes qui les liaient avec le travail de Giacometti en lui consacrant le premier numéro de la revue qu’ils créent ensemble : L’Éphémère. André du Bouchet, Yves Bonnefoy et Gaëtan Picon écrivent à cette occasion un texte sur Giacometti. Jacques Dupin et André du Bouchet ont déjà écrit sur lui, et, comme Yves Bonnefoy, lui consacreront d’autres textes par la suite.

Ces trois ensembles n’ont rien d’hermétique, au contraire, il y a une grande porosité entre ces différentes constellations, qu’incarne la figure de Michel Leiris. Ancien surréaliste, l’écrivain devient l’ami le plus proche de Bataille pour écrire au sein de la revue Documents le premier article sur l’œuvre de Giacometti. Au cours de la seconde guerre mondiale, il se rapproche de Sartre et Beauvoir, que Giacometti songe dès 1940 à lui présenter12. Il entre alors en 1945 au comité de rédaction des Temps modernes. Il se rapproche enfin des écrivains de L’Éphémère pour entrer également au comité de rédaction de cette revue – qui publie par ailleurs des textes de Georges Bataille et de Francis Ponge – devenant très proche de Jacques Dupin avec lequel il participe au travail d’édition des Écrits d’Alberto Giacometti parus en 1990. Au cours de toute cette période, Michel Leiris écrit régulièrement sur Giacometti. Jacques Dupin et André du Bouchet sont également liés à René Char et Francis Ponge. Quant à Yves Bonnefoy, il a brièvement fait partie du groupe surréaliste reformé après la guerre pour le quitter en 1947.

Derrière la diversité des noms, il y a donc bien des convergences que cette thèse devra s’appliquer à dégager. Le point de convergence majeur se trouve pour nous dans ce fameux « retour au réel » de certains écrivains d’après-guerre dont Giacometti est la figure emblématique. Plus exactement, cette thèse n’a d’autre but que de tenter d’apporter des éléments de réponse à la question : qu’est-il possible, dans des « signes plastiques » ou dans des œuvres de langage, de retenir du réel ? Mais comme cette question est le lieu d’une activité elle devient : que se passe-t-il lors de l’acte par lequel un artiste qui a l’intention de copier ce qu’il voit se livre à la transposition du réel en art ? Que se passe-t-il lorsqu’un écrivain qui assiste à cette transposition tente d’en retenir quelque chose par le moyen des signes du langage ? Que se passe-t-il enfin lorsqu’il retourne à une approche directe du réel après s’être confronté à une telle expérience ? Giacometti dit ce qui nous semble l’essentiel lorsqu’il déclare à Georges Charbonnier : « Si l’on veut, entre l’écriture et la peinture, il n’y a pas un gouffre. Les signes de l’écriture ne sont les signes que de ce qu’ils ne sont pas. En peinture, c’est la même chose »13. Seul peut affirmer cela un artiste qui fait tendre son art vers autre chose que cet art, à contre-courant de son époque, et il rencontre après-guerre des écrivains, des philosophes, des poètes qui gardent cette préoccupation de ne pas enfermer le langage en lui-même.

Nous avons travaillé sur les textes publiés et tenté de rassembler tous les moments du dialogue de Giacometti avec les écrivains pour établir une bibliographie la plus exhaustive de ce dialogue, au moins pour les écrivains qui ont vu Giacometti à l’œuvre. On trouvera également dans la bibliographie un relevé systématique de tout ce qui a été publié dans le domaine critique sur Giacometti et les écrivains. Mais nous avons également, dès que nous l’avons pu, tenté de rassembler d’autres documents qui nous semblaient susceptibles d’éclairer le rapport de Giacometti avec les écrivains du corpus. La correspondance entre Alberto Giacometti et André Breton conservée à la bibliothèque Jacques Doucet nous a révélé tout un pan insoupçonné de cette relation trop souvent réduite à la déclaration lapidaire de Breton : « On sait ce que c’est qu’une tête ». Notre choix de commencer cette thèse par l’étude du moment de Documents et par l’analyse en détails de la période surréaliste nous permet en effet de contester l’idée, déjà largement remise en cause par la critique14, d’une œuvre scindée en deux « époques » inconciliables, celle du surréalisme et celle du « retour au réel ». Il permet également de mieux saisir l’articulation entre le surréalisme et l’œuvre de poètes qui écrivent en rupture avec lui pour repenser la question de l’image en littérature à partir des problèmes de création affrontés par Giacometti.

Cette question de l’image, nous la reprenons à partir de deux notions qui guident notre lecture d’un bout à l’autre de ce parcours : celle de « ressemblance » et celle d’« objet », dans la polysémie que confère à ces termes l’œuvre de Giacometti. La « ressemblance » que recherche Giacometti, nous le verrons, n’a rien à voir avec la ressemblance « trait pour trait »15, elle ne se laissera approcher que dans l’âpreté d’une lutte qui rend trait pour trait à son objet comme les écrivains à leur tour rendent coup pour coup à son œuvre.

D’autres lettres à Breton, retrouvées dans le dossier « l’affaire Aragon » au département des manuscrits de la BNF éclairent cette période charnière des années 1932-34. Enfin, il nous semble qu’en donnant toute sa place à la pratique de l’illustration par Giacometti nous avons pu ouvrir de nouvelles perspectives sur sa relation avec Aragon, Leiris ou Char. Le recueil d’André du Bouchet, Qui n’est pas tourné vers nous, encore très peu étudié par la critique, s’est éclairé pour nous grâce à l’accès à la partie immergée de cette œuvre, permis par Anne de Staël, épouse du poète. Cette thèse donnera un aperçu de l’immense ensemble des pages de carnet, manuscrits et tapuscrits préparatoires qui donne de nouveaux éléments sur cette œuvre majeure du dialogue entre la poésie et l’art. Enfin, il nous a également été précieux de pouvoir rencontrer deux écrivains de notre corpus, Jacques Dupin et Yves Bonnefoy, qui ont accepté de répondre à nos questions.

Pour aucun des quinze auteurs de ce corpus n’avait été tentée une lecture qui tienne à la fois compte de l’ensemble des textes écrits par eux sur Giacometti, mais également des autres aspects de cette relation : portraits peints ou dessinés, livres en commun… Cette tentative pour parcourir l’ensemble de l’espace qui va et vient d’un écrivain à Giacometti et inversement n’est pas un but en soi, elle nous apparaissait comme le meilleur moyen d’approcher notre véritable objet, qui est le point où le réel se retourne en langage. Nous avons, tout en partant avant tout des textes, envisagé pour chaque ensemble l’état de la critique. Pour Documents, ce sont les travaux de Georges Didi-Huberman qui nous ont été le plus utiles, mais également, comme pour la période surréaliste, ceux de l’un des auteurs de notre corpus : Yves Bonnefoy. Cette œuvre dont nous avons souligné le point de vue rétrospectif possède en effet la particularité de s’écrire en dialogue avec d’autres regards d’écrivains sur Giacometti. L’œuvre d’Alberto Giacometti apparaît comme l’occasion pour Yves Bonnefoy de faire le point sur sa relation avec la pensée de Georges Bataille comme avec celle d’André Breton et cette multiplication de points de vue sera particulièrement importante pour nous.

L’œuvre de la maturité rencontre les travaux de la phénoménologie, et nous confronte aux textes de Sartre et de Merleau-Ponty. L’œuvre de ce dernier nous a paru particulièrement importante pour envisager ce rapport entre réel et langage qui devient de plus en plus précisément l’objet de ses derniers travaux, à partir de l’art et de la poésie. L’œuvre d’André du Bouchet a fait l’objet récemment de deux importantes thèses16 dans cette perspective, et nous nous sommes engagés dans cette voie qui nous semble féconde, et sûrement celle qui nous intéresse le plus, en pensant que le point d’appui sur l’art que nous fournit notre sujet pourrait apporter des éléments nouveaux.

Les œuvres les plus étudiées par la critique en lien avec le travail de Giacometti sont celles de Francis Ponge et des poètes de L’Éphémère, qui ont suscité d’importantes études, notamment à l’étranger. Renée Riese Hubert, Robert W. Greene, Richard Stamelman ou encore Shirley Ann Jordan se sont particulièrement intéressés à l’impact de l’œuvre de Giacometti sur la poésie française. L’étude de Renée Riese Hubert, l’une des premières à tenter une lecture synthétique, reste superficielle. Celle de Robert W. Greene fait de l’interprétation de l’œuvre de Giacometti par Ponge et Marcelin Pleynet d’un côté, et par les poètes de L’Éphémère de l’autre le point de partage entre les deux courants divergents de la poésie moderne française : d’un côté le groupe Tel Quel,lié au structuralisme, de l’autre le groupe de L’Éphémère,pour qui la poésie possède un statut privilégié non comme langage, mais comme « un moyen d’accéder par-delà le langage à une réalité inexprimable »17. C’est un tel point de vue qu’adopte Shirley Ann Jordan dans une étude qui voit dans le texte de Francis Ponge une critique matérialiste de l’œuvre d’Alberto Giacometti18. Il nous semble que la réalité est plus complexe et qu’une œuvre comme celle d’André du Bouchet par exemple, très lié à Francis Ponge, ne vise le point où le langage peut tendre vers autre chose que lui-même qu’à travers un travail sur la matérialité du langage. Ces lectures nous semblent en outre s’appuyer sur une interprétation contestable de l’œuvre d’Alberto Giacometti. Richard Stamelman19 donne des éléments importants sur la question du « défaire » chez les poètes de L’Éphémère, en lien avec sa place dans le travail de Giacometti, et a le mérite de s’appuyer sur des lectures précises de textes. Pourtant, à partir de la question centrale du vide, ce sont la fragilité et l’effacement de l’être que sa lecture met en avant, alors que ce qui nous paraît pour notre part devoir être retenu de l’œuvre d’Alberto Giacometti, c’est cette force hors du commun que lui-même désignait comme un « noyau de violence ».

Sur l’œuvre de Giacometti elle-même, nous avons également parcouru l’ensemble de la critique, mais notre réflexion doit beaucoup à un livre en particulier, celui de David Sylvester20. Aucune lecture prenant en compte l’ensemble des textes d’Yves Bonnefoy sur Alberto Giacometti depuis le texte de 1967 jusqu’aux récentes Remarques sur le regard en passant par la monographie n’a été tentée jusqu’à présent et c’est à une telle synthèse de la pensée d’Yves Bonnefoy sur Alberto Giacometti que nous nous essayons ici. Sur la question de l’image dans l’œuvre de cet auteur, les travaux de Patrick Née ont beaucoup apporté à notre réflexion. L’œuvre de Jacques Dupin a été davantage mise en rapport par la critique avec ses écrits sur Giacometti, mais là encore sans repartir du texte pour Cahiers d’art en 1954 jusqu’aux récents Éclats d’un portrait. Enfin, Qui n’est pas tourné vers nous d’André du Bouchet n’a pas fait non plus l’objet d’une saisie globale. Nous n’avons pas pu mener cette saisie à son terme, mais avons essayé pour un texte au moins, le premier, de suivre pas à pas la progression du poète dans son rapport vivant avec les dessins d’Alberto Giacometti. D’importantes études ont également paru en France sur L’Éphémère. La thèse d’Alain Mascarou notamment apporte beaucoup d’éléments importants sur le rapport de ces poètes à Giacometti. Pour André du Bouchet, l’étude la plus importante est l’article de Michel Collot dans L’Ire des vents 21. Les récents numéros de la revue L’Étrangère dirigés par François Rannou ainsi que le numéro d’Écritures contemporaines « André du Bouchet et ses autres » nous semblent le signe d’un renouvellement dans l’attention que la critique porte à cet auteur. Dans ce numéro, Michel Collot fait paraître un article décisif pour nous. Non seulement Michel Collot y aborde la « langue peinture » d’André du Bouchet en se confrontant précisément au texte, mais il élargit le point de vue en établissant la place de Giacometti dans la littérature d’après-guerre à partir de cette idée centrale que les poètes « très différents les uns des autres » qui se sont intéressés à lui ont en commun « un désir éperdu de rejoindre le réel en même temps qu’une conscience aiguë de son inaccessibilité ». C’est la question centrale du langage que pointe cet article, celle de « la distance entre mots et choses » qui rencontre chez Giacometti la « différence irréductible »22 entre l’artiste et l’objet qu’il veut atteindre. De manière plus large, c’est tout le travail de Michel Collot à partir de La Poésie moderne et la structure d’horizon 23 que nous tentons de prolonger ici en prenant appui sur le dialogue entre les écrivains et une œuvre largement autoréférentielle. Autoréférentielle, mais en aucun cas tournée vers elle-même : cette œuvre nous semble en plutôt faire de l’approfondissement d’un défaut – de l’écart entre l’œuvre et ce vers quoi elle tend – le moyen d’un dépassement de ce défaut, d’un retournement de l’échec absolu indissociable de sa tentative en progrès relatifs. Il s’agit avant tout pour Alberto Giacometti dans les dernières années de comprendre « pourquoi ça rate »24, c’est-à-dire d’approfondir la conscience du « pourquoi » de son échec pour entraîner le sursaut qui fait que « ça rate » de moins en moins. De même, l’œuvre des écrivains qui se sont intéressés à lui apparaît indissociablement littéraire et métalittéraire. Elle s’appuie sur une critique du langage indispensable pour que ce qui reste – « résidu d’une vision »25 ou d’un vouloir dire qui se perd – reste avec une force de plus en plus grande : jaillisse avec une force qui approche la « force qu’il y a dans une tête »26 vivante pour Giacometti. La perspective choisie pour notre étude nous permet de reprendre ce problème à partir de la revue Documents et du surréalisme, pour approcher au plus près ce qui dans l’acte créateur bascule entre une mimésis qui prend pour objet le « modèle intérieur » cher à Breton et le retour à la tension entre le langage et un modèle extérieur. L’Objet invisible représente ce point de pivot, qui pour cette raison a fasciné autant André Breton qu’Yves Bonnefoy ou André du Bouchet.

Cette question de l’écart entre une volonté de « faire » ou de dire et un objet qui lui échappe sera donc abordée en six grandes parties qui oscilleront de manière forcément insatisfaisante entre notre volonté d’envisager chaque rapport entre Giacometti et un écrivain en particulier dans sa spécificité et la nécessité de dégager de grands axes de réflexion en mettant l’accent sur les préoccupations communes de ces œuvres. Si nous n’avons pas voulu suivre une ligne strictement chronologique, la nécessité de comprendre les textes en relation avec la partie de l’œuvre qu’ils visent fait que de ces six parties on peut tout de même dire malgré plusieurs échappées, que les trois premières prennent pour objet la première « époque » de l’œuvre et les trois dernières la seconde « époque », celle du retour au travail d’après modèle, avec entre les deux le gouffre de la Seconde Guerre mondiale.

La première partie, « La Figure humaine entre forme et informe », étudie la manière dont les reproductions des œuvres de Giacometti qui accompagnent l’article de Leiris s’insèrent dans la revue Documents. Elle envisage plus généralement le rapport entre l’œuvre de Giacometti et la pensée de Georges Bataille, dont l’influence s’étend jusqu’à L’Éphémère. L’article de Leiris lui-même est analysé dans cette perspective.

Les deux parties suivantes, « Traversée du surréalisme » I et II, interrogent le passage d’Alberto Giacometti au sein du groupe surréaliste à partir des deux figures majeures d’Aragon et de Breton. L’analyse du rapport avec le premier nous permettra de montrer la tension qui existe au sein même du groupe surréaliste entre surréalisme et réalisme au moment où se pose la question de l’engagement politique. C’est l’ambiguïté des notions de « réel » et de « réalisme » qui sera alors abordée. La troisième partie envisage la pensée de l’art d’André Breton à partir de la notion d’« objet » à laquelle la période surréaliste de Giacometti est attachée. Elle tente de dissiper l’idée d’un rejet en bloc de cette pensée par la suite en s’efforçant d’établir le plus précisément possible sur quels points Breton et Giacometti se séparent.

La quatrième partie revient, en croisant les textes d’écrivains et les approches critiques sur l’évolution de la vision d’Alberto Giacometti depuis 1935 et la manière dont sa tentative d’un nettoyage critique du regard rencontre les recherches de la phénoménologie à la même époque. La manière dont Giacometti tente de dégager sa vision de la part de savoir préconçu qu’il a intégrée, pour atteindre ce que Jacques Dupin nomme une « perception purifiée », nous reporte dans une cinquième partie vers les préoccupations des poètes. De la même manière, ceux-ci doivent dégager le langage des significations acquises pour lui restituer sa fraîcheur de parole vivante : les textes de Francis Ponge, Yves Bonnefoy puis André du Bouchet sont étudiés dans ce sens dans trois chapitres séparés.

La dernière partie croise de nouveau différentes approches – textes d’écrivains, textes critiques, témoignages – pour cerner plus précisément ce qui frappe le plus les écrivains chez Giacometti à l’œuvre : sa méthode, la technique du « faire-défaire-refaire »27 qui déplace la notion d’œuvre inachevée vers celle d’« œuvre incessante »28. La part décisive de la destruction dans cette œuvre est alors envisagée, mais en plaçant l’accent sur le point où elle se retourne en force, la force de ce qui a traversé cet acharnement sans être détruit. Nous replacerons alors le rapport à la destruction dans la problématique de l’écart entre sculpture-peinture-dessin ou mots et choses pour en envisager les conséquences en matière de poétique chez plusieurs écrivains.

Notes
1.

David Sylvester, En regardant Giacometti, traduit de l’anglais par Jean Frémon, Marseille, André Dimanche, 2001, p. 134 et p. 24.

2.

Jean Genet, « Entretien avec Antoine Bourseiller », L’Ennemi déclaré, Paris, Gallimard, 1991, p. 219-220.

3.

 André Lamarre, Giacometti est un texte : microlectures de l’écrit d’art, thèse de doctorat, Université de Montréal, Univ. Microfilms International, Ann Arbor (Mi.), 1993 (INHA, cote MF 1020).

4.

De cette thèse, nous avons seulement lu un chapitre, envoyé par l’auteur à André du Bouchet en 1971, et que nous a communiqué Anne de Staël. De ce chapitre, il y a malheureusement bien peu à retenir.

5.

« Entretien avec Jacques Dupin, Prétexte, n°9, printemps 1996, p. 44.

6.

Voir « Giacometti oral et écrit » de Michel Leiris et « Une écriture sans fin » de Jacques Dupin, textes qui préfacent les écrits d’Alberto Giacometti recueillis dans Écrits, préparés par Mary Lisa Palmer et François Chaussende, Paris, Hermann, 1990. Les Écrits ont été republiés en 2007 dans une édition revue et corrigée. Dans « De l’autre côté de la toile » [Télérama hors série n° 148 H, 2007, p. 23], Jacques Dupin, qui a travaillé avec Michel Leiris à la première édition et préfacé le texte avec lui, écrit : « Aujourd’hui, dix-sept ans plus tard, [Hermann] annonce l’abandon du livre et son remplacement par une nouvelle édition, amputée des deux textes de préface. La décision a été imposée par la Fondation Alberto et Annette Giacometti créée de fraîche date et sa directrice nouvellement promue. Le nouveau livre ne manquera pas de nous réserver des surprises et je suis impatient de lire le texte qui aura chassé le nom de Michel Leiris et le mien ». Nous faisons le choix de citer dans cette thèse l’édition de 1990. Dans le cas contraire, nous le préciserons.

7.

Michel Leiris, Journal 1922-1989 [22 août 1966], édition établie, présentée et annotée par Jean Jamin, Paris, Gallimard, 1992, p. 613.

8.

Avec celui de Michel Leiris.

9.

Yves Bonnefoy, « Le Siècle où la parole a été victime », Yves Bonnefoy et l’Europe du XXe siècle, Presses Universitaires de Strasbourg, 2003, p. 489.

10.

Terme employé par André Lamarre.

11.

À l’occasion de sa mort.

12.

Voir Michel Leiris, ibid., pp. 370-371.

13.

Alberto Giacometti, « Entretien avec Georges Charbonnier », Écrits, op. cit., p. 249.

14.

Voir Yves Bonnefoy, « Giacometti : le problème des deux époques », Le Nuage rouge. Dessin, couleur et lumière, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1999, pp. 475-489.

15.

Les mots du titre de cette thèse reviennent dans plusieurs recueils de Jacques Dupin avant de servir de titre à l’un d’eux [Trait pour trait, Dehors, Le Corps clairvoyant, 1963-1982, Paris, Gallimard, coll. « Poésie », 1999], mais nous les avons également trouvés dans les brouillons du livre d’André du Bouchet consacré à Giacometti : Qui n’est pas tourné vers nous, Paris, Mercure de France, 1972.

16.

Elke de Rijcke, « L’expérience littéraire dans l’œuvre d’André du Bouchet. Matérialité, matière et immédiatisation du langage », Katholieke Universiteit Leuven, 2002 et Victor Martinez, Aux sources du dehors : poésie, pensée, perception, dans l’œuvre d’André du Bouchet, thèse de doctorat sous la direction de Michel Collot, Université Sorbonne Nouvelle Paris III, 2008. Ces deux thèses reviennent particulièrement sur la question de « l’implication chiasmatique » entre le langage et le réel telle qu’elle apparaît dans le dernier chapitre du Visible et de l’invisible [Paris, Gallimard, 1964] de Merleau-Ponty, « L’Entrelacs – le chiasme ». Sur cette question centrale, voir E. de Rijcke, ibid., pp. 228-233.

17.

Robert W. Greene, Six French Poets of our Time : a Critical Historical Study [Pierre Reverdy, Francis Ponge, René Char, André du Bouchet, Jacques Dupin, Marcelin Pleynet], Princeton, N.J.: Princeton University Press, 1979, p. 12

18.

Shirley Ann Jordan, The Art Criticism of Francis Ponge, London, Modern Humanities Research Association, 1994.

19.

Richard Stamelman « The Syntax of the Ephemeral », Dalhousie French Review, vol. 2, 1980, pp. 101-117; « The Art of the Void : Alberto Giacometti and the Poets of L’Éphémère », L’Esprit Créateur, vol. 12, n° 4, 1982, pp. 15-25.

20.

David Sylvester, En regardant Giacometti, op. cit.

21.

Michel Collot, « André du Bouchet et le ‘pouvoir du fond’ », L’Ire des vents, n°6-8, 1983.

22.

« ‘D’un trait qui figure et qui défigure’ : Du Bouchet et Giacometti », Écritures contemporaines, n°6,« André du Bouchet et ses autres », textes réunis et présentés par Philippe Met, Lettres Modernes Minard, Paris-Caen, 2003, p. 96.

23.

Michel Collot, La Poésie moderne et la structure d’horizon, Paris, PUF, 1989.

24.

Alberto Giacometti, « Entretien avec Pierre Dumayet », Écrits, op. cit., p. 284.

25.

« Entretien avec André Parinaud », ibid., p. 273.

26.

Jean Genet, AAG, p. 66.

27.

David Sylvester, ibid., p. 129.

28.

Jacques Dupin, TPA, p. 18.