VI) « Entaille hilare » (notes en vue d’une étude de Qui n’est pas tourné vers nous)

[« Entaille hilare »3767 (notes en vue d’une étude de Qui n’est pas tourné vers nous)]

‘[…] l’art m’intéresse, mais la vérité m’intéresse infiniment plus…
Alberto Giacometti3768
*
le natal. non, je ne nommerai pas qui, dans les montagnes, se sera en pleine nuit allongé sur la route, appliquant l’oreille contre l’empierrement, pour tenter alors – il y a un siècle et quelque – près de deux siècles – de percevoir le roulement de la roue du courrier porteur de nouvelles, on ne sait plus lesquelles, attendues, et, son espoir ne s’étant pas matérialisé, comme à côté de soi a pu, se remettant debout, aviser tout d’un coup les étoiles – leur éclat, dans sa férocité – telles que jamais encore il ne les avait perçues3769.’

Poésie d’André du Bouchet comme « marche à la rencontre du natal », à l’affût d’un « signe de la mondéité du monde roulant sur lui », dit à propos de ce texte Henri Maldiney3770. Pour nous ce qui importe surtout ici est le débloquage produit par l’extrême attention à ses perceptions, mais à côté de ce qui était attendu, et son débord d’un sens vers l’autre. Dans le texte, ce qui manque à l’ouïe se présente à la vue comme un excès : la férocité du réel, ou son « ouverture »3771. Qui n’est pas tourné vers nous propose le mouvement inverse : l’extrême acuité des perceptions visuelles – « l’inconnu total »3772 – dès lors que le « courrier » se perd à jamais avec les « nouvelles », reflue vers l’ouïe, pour l’irruption d’une sauvagerie « jamais vue » à l’intérieur de la langue. Le recueil, de « Plus loin que le regard une figure » jusqu’à « Et ( la nuit » peut se lire comme le parcours de cette irruption, par ce « peu de chose »3773 de la proximité extrême d’une mort qui dans un mouvement semblable à celui des sculptures du disparu se retire au plus loin. Le « relief » gagné dans son dessin par celui qui se couche heurte de plein fouet une langue qui tente de se remettre debout, pour renaître à même cette perte.

* Ce que nous avons dit à propos de Leiris, Genet et Dupin sur l’attention du modèle à la force qui le maintient vivant et lie les traits de son visage, et de l’attirance de Giacometti pour des modèles qui comme Lord, Yanaihara ou Genet notent ce qui se produit pendant l’expérience de la pose, vaut également pour la série de portraits d’André du Bouchet gravés en 1961 pour le frontispice de Dans la chaleur vacante. Mais avec André du Bouchet et sa pratique incessante du carnet, Alberto Giacometti rencontre l’écrivain dont le projet de copie est le plus similaire au sien, puisque c’est de ce geste de la notation qu’André du Bouchet attend de pouvoir « découvrir un peu le monde extérieur ». Il s’agit pour lui face au carnet de retrouver l’« instant initial où l’on a pu ressentir l’urgence de noter ce qu’on a éprouvé, urgence perdue dans la consécutivité des mots ». C’est l’urgence de celui qui parcourt Paris à la rencontre de « l’impossible indessinable »3774, la nécessité ressentie par Giacometti de travailler pour « se rendre un peu compte de ce [qu’il] voit ». André du Bouchet fait tellement corps avec le projet de toute l’œuvre d’Alberto Giacometti qu’à la fin ses mots ne se distinguent plus de ceux du sculpteur, lorsqu’il dit à Alain Veinstein : « Mais je ne notais pas pour me souvenir, je notais pour me rendre compte de quelque chose […] »3775. Ou, pour reprendre d’autres mots d’Alberto Giacometti : « C’est comme si je ne savais pas ce que je désirais voir »3776.

* La poésie est donc un moyen d’aiguiser sa perception du monde extérieur, elle fait accéder au réel dans sa « sauvagerie », à l’« inconnu total ». La parole est un en-avant du voir, parole « tactile ». Les mots touchent en aveugle à l’avant de soi. Il faut alors revenir sur la distinction trop tranchée établie à propos des « Notes sur la traduction » : la parole chez André du Bouchet se rattache autant à l’ouïe qu’à la vue. Cette importance accordée à la « voyance »3777poétique le rapproche de Jacques Dupin qui écrit dans « Moraines » : « Il m’est interdit de m’arrêter pour voir […]. La cécité signifie l’obligation d’inverser les termes et de poser la marche, la parole, avant le regard »3778. Mais la poésie de Jacques Dupin, si elle est également un moyen de voir, n’est pas aussi directement liée à l’effort de rendre compte de perceptions précises, à ce travail « sur le vif » auquel sa pratique du carnet rattache André du Bouchet.

* Dans les grands recueils de poèmes d’André du Bouchet, Ou le soleil par exemple, ou Dans la chaleur vacante, le travail poétique se rapproche de l’art du portrait chez Giacometti, un travail acharné de « faire-défaire-refaire » obtenant l’intensité de ces poèmes, leur force de surgissement, d’un lent et patient travail de destruction. Le travail poétique dans les carnets dont André du Bouchet a publié une partie – et nous avons dit que D’un trait qui figure et qui défigure nous semblait devoir être inclus dans cet ensemble des carnets – se rapproche davantage de la pratique du dessin – si les fragments sont retouchés – ou de celle de la lithographie, pour laquelle il n’y a pas de retour possible3779.

* La question du « faire-défaire-refaire » apparaît cruciale dans l’élaboration de Qui n’est pas tourné vers nous dont les textes comme par la suite toute l’œuvre3780 d’André du Bouchet consentent à la répétition de ce qui a été dit dans « Sur le foyer des dessins d’Alberto Giacometti », et au « ressassement », si cette notion n’exclut pas la possibilité d’un progrès, la répétition s’affirmant comme un effort pour préciser ce qui a été dit, comme Giacometti peut dire :

‘Je pense que j’avance tous les jours. Ah ! ça, j’y crois, même si c’est à peine visible. Et de plus en plus, je pense que je n’avance pas tous les jours mais toutes les heures. […] Je suis certain de faire ce que je n’ai jamais fait encore et qui va rendre périmé ce que j’ai fait en sculpture jusqu’à hier soir ou jusqu’à ce matin. J’ai travaillé à cette sculpture jusqu’à huit heures ce matin, je travaille maintenant ; même si ce n’est encore rien du tout, pour moi elle est avancée sur ce qu’elle était, et une fois pour toutes. Ça ne revient jamais en arrière, plus jamais je ne ferai ce que j’ai fait hier soir […]. Alors tout devient une espèce de délire exaltant pour moi3781.’

Ce qui frappe dans les textes d’André du Bouchet, c’est « l’implication active de la destruction dans la phase constructive de la langue »3782. Pour Monique Pétillon, le travail d’André du Bouchet « n’avance qu’au prix de sa propre destruction »3783 et le rôle d’Alberto Giacometti paraît déterminant dans la façon dont cette œuvre se construit au fil des textes comme un « atelier mouvant de la déconstruction »3784. La parenté profonde entre ces deux pratiques devient encore plus nettement perceptible si on analyse comme le fait Elke de Rijcke la répétition chez André du Bouchet comme fondamentalement un processus de « perte et de récupération de l’objet poétique »3785. L’objet poétique chez André du Bouchet étant situé « dehors », et non cristallisé au sein de l’imaginaire avant l’épreuve de sa mise en mots, écrire sur un tel objet, c’est s’exposer à le perdre. Nous avons vu que cette possibilité de perdre l’objet à chaque instant était déterminante dans l’élaboration de la méthode du « faire-défaire-refaire » par Alberto Giacometti. De même chez André du Bouchet, il y a une destruction qui est première, et qui peut apparaître liée au contexte historique, comme pour Giacometti l’effondrement généralisé de la Seconde Guerre Mondiale :

‘Je pense qu’à cette époque-ci, les rapports ne sont plus donnés. Je vis cette époque comme une époque de destruction des rapports, aussi bien au niveau de la rue qu’au niveau du langage. Le rapport qui nous lie aux choses et à nous-mêmes est toujours à reprendre à zéro [...].
C’est une impossibilité de s’accomoder des conditions de vie qui nous sont proposées – davantage, données – aujourd’hui. Aujourd’hui, les rapports qui nous lient à nous-mêmes et au monde autour de nous, sont des rapports de destruction généralisée. Quand j’écris, je vais à contre-sens de ces rapports de destruction […].
Je trouve que nous vivons une époque de langage détruit. Je peux prendre acte de la destruction du langage, mais quand j’écris, je participe également à cette destruction, mon matériau est celui de la destruction du langage […].
Je veux détruire ce qui est détruit. C’est un processus qui se renverse3786.’

Sans dénier son importance au contexte historique qui sans doute précipite une prise de conscience, il nous semble que la destruction, bien plus qu’un problème d’époque, est impliquée dans le désir d’un langage en prise directe sur le réel, et qui donc s’expose à chaque instant à la perte – la mort – de son objet, vouloir dire ou vouloir peindre. En regardant Alberto Giacometti travailler, André du Bouchet comprend ce qu’aucune œuvre ne manifeste de manière plus flagrante : que c’est par un processus d’intériorisation de la destruction que l’on peut atteindre au sein du medium choisi – parole, dessin – le point de retournement de ce processus de destruction généralisée. Pour qui a pris « la mesure » de cette œuvre, il convient alors de continuer cet effort de destruction démesuré qu’un effort isolé – de peinture ou de littérature – ne saurait parachever, puisque la destruction en regard est sans fin :

‘Et, à qui sorti alors comme au plus vite pour prendre mesure de ce qui est indiqué – une indication n’ayant pas pour objet de retenir – il revient chaque fois, somme toute, de reprendre à son compte un effort de démolition laissé en plan dont nul ne viendra seul à bout […]3787. ’

« Détruire ce qui est détruit », c’est rattraper son retard sur une perte nécessaire3788, et retrouver la sauvagerie du natal. Comme le montre Elke de Rijke, la répétition doit « régénérer »3789 le poème, elle se fait selon l’expression de Pierre Chappuis non pas stagnation au sein du même, mais « réitération dynamique »3790. Par ce processus de destruction suivie d’une réaffirmation la tête la plus frêle rejoint alors la tête la plus dure, comme le note André du Bouchet dans une page de carnet : « Ce qu’il y a de plus frêle – et ce qu’il y a de plus dur – parce que c’est ce qui a été soumis à une grande pression, une grande force – et qui n’a pu être détruit »3791.

* Le processus de cristallisation d’une image n’est cependant pas absent de la poésie d’André du Bouchet. À la différence de ce qui se produit chez Giacometti pendant sa période surréaliste, cette cristallisation est orientée vers le dehors, et s’affirme comme une saisie. Il n’y en a pas moins, à chaque « coup de griffe » risqué au plus vite vers le réel, « précipitation », arrêt de l’objet que le poète veut retenir :

‘[…] ce sont des instants qui quelquefois vont se précipiter en mots ou pas, cristallisation du poème ou pas, si c’est senti comme nécessaire de l’écrire ; dans le poème, l’attention est fortement aiguisée, portée à son comble ; sans cela, c’est une forme atténuée, c’est l’expérience de tous les instants3792.’

Dans le processus de notation, le poète cherche donc intérieurement et il faut que le rapport des mots entre eux soit fixé pour qu’il puisse les reporter sur le papier, alors que dans le dessin le trait contradictoire de l’artiste cherche sur le papier une image qui ne connaît pas de cristallisation aussi nette. Les mots sont moins ductiles que les traits. Leur saisie est moins graduelle, moins l’effet d’une avancée matérielle même si la matière sonore du mot compte dans la « nuit noueuse »3793 d’une recherche d’où surgit l’éclair de la cristallisation. Il y a une forme de « crispation » que décrit André du Bouchet :

‘Lorsque j’écris, il s’agit d’avoir une saisie sur une expérience dont le propre est de se dérober, d’être proche du mutisme, de disparaître dans le mutisme et alors il y a peut-être dans le mot tel que je l’écris, la crispation d’une saisie, et aussi une dessaisie. Le mot peut être la trace de cet effort de retenir justement une expérience ou un monde qui est essentiellement ressenti comme étant dans un état de flux. Peut-être que ce sont justement les arrêts ou l’immobilité ou la dureté qui sont des indices de quelque chose qui est ressenti comme essentiellement turbulent, en état de courant, mais ce courant est implicite, il n’est pas accompagné3794.’

Néanmoins, André du Bouchet décrit un deuxième temps de la cristallisation, d’une manière qui nous semble éclairante : « il arrive […] qu’en prenant des notes que le plus souvent je ne relis pas, l’attention se cristallise sur un mot ou une phrase qui me retient sans que je sache vraiment pourquoi. À ce moment-là cela sort du carnet et je me mets quelquefois à une table où je travaille cette phrase »3795. Avec ces précisions, nous comprenons mieux que chaque notation est comme pour l’artiste le moment du tracé entre deux coups d’œil vers l’objet, et donc à mettre en rapport avec la « contestation » de toutes les autres notations qui l’entourent. Bien plus, ces notations qui ne sont pas en vue d’un poème peuvent apparaître comme ces sculptures qui naissent et disparaissent à l’infini entre les mains du sculpteur lorsque celui-ci, comme distraitement – distraction rejoignant l’attention extrême – fait jouer ses mains sur le « clavier fou »3796 d’une sculpture. Figures appelées à la destruction alors, prises dans cet immense travail de destruction qui fait le fond de l’œuvre, même s’il arrive que quelque fois l’une d’elle – notation, sculpture – existe si fort3797 que pour un œil extérieur – Jean Genet, Michel Collot – elle en vienne à se manifester, et soit prélevée pour une conservation momentanée.

* Deux cristallisations, donc. Une cristallisation pour rien, comme rendue automatiquement à l’infini gâchis de la réalité, qui ne vaut que comme geste sans lequel s’émoussent regard et parole : noter pour affûter. Et une deuxième cristallisation, non pas des mots mais de l’attention aux mots, pour un travail cette fois en direction d’un poème. Il faut donc que ce que le poète a tenté de retenir, fermant le poing, le retienne, pour que commence le travail qui va des notations vers le poème. Mais la cristallisation seconde, cristallisation de l’attention sur une cristallisation première, vaut comme contradiction. C’est elle en effet qui sonne la charge d’une destruction cette fois active, d’un travail de destruction à la recherche d’un point de renversement, où il s’agit de « détruire ce qui est détruit », pour que s’ouvre le poing.

* Le moment est donc venu de mieux lier les deux aspects de la destruction : celui qui a fait l’objet des quatrième partie et cinquième parties, et celui sur lequel nous nous concentrons dans cette partie. En effet, l’œuvre d’art qui veut retenir quelque chose du monde extérieur doit d’abord répondre à la destruction à l’œuvre dans l’objet qu’elle prétend saisir en prenant sur elle cette destruction, vivant ou survivant à la mesure de ce qu’elle a été capable d’endurer. Pourtant, il ne s’agit pas seulement que l’œuvre d’art puisse vivre, il s’agit aussi qu’elle puisse mourir, qu’elle obtienne « la grâce de sembler périssable »3798. Le « noyau de violence » de Giacometti, c’est une vie qui s’augmente de sa capacité à mourir. Car la cristallisation comme saisie n’est pas autre chose que mort et destruction de son objet si elle ne se complète à partir d’une cristallisation seconde – cristallisation de l’attention qui donne le signal de la destruction – d’une capacité toute aussi grande à restituer, à rendre ce qui du réel aura été agrippé. Forces de la destruction : forces de restitution où se conquiert l’élan d’un nouveau surgissement. C’est donc bien le problème du contour, de l’arrêt des significations3799 que nous retrouvons ici, il fait partie intégrante de la question de la destruction. C’est pourquoi André du Bouchet parle dans le passage que nous avons cité d’une dessaisie 3800 tout aussi importante que la saisie. C’est dans le va-et-vient de l’une à l’autre que se conquiert – se gagne ou se perd – la « force » qu’il y a dans un poème, comme le dit ce passage de « Tournant au plus vite le dos au fatras de l’art » :

‘… où, somme toute, il n’y a pas même lieu de savoir – quant à cette marge, si elle est marge de conservation différant l’effroi – et sur laquelle ‘nous’ pouvons dire que nous respirons – ou si déjà elle éclaire, dans la fraction qui aura eu corps – comme respirer consume – ce qui entamera la chute…’

Un signe ne peut donner accès au réel en profondeur qu’à mesure de sa capacité à disparaître lui-même dans cette profondeur : « […] profondeur dans laquelle ce signe, s’il est conducteur d’une réalité, peut à tout moment rentrer […] »3801.

* Ce travail de destruction où les « blancs » tiennent une grande part, nous l’avons déjà analysé chez André du Bouchet comme travail d’ouverture des significations. Pour la suite du recueil, il faudrait analyser comme a commencé à le faire Michel Collot3802 la concentration des forces de la destruction sur une syntaxe de plus en plus brisée. Nous avons remarqué que les fragments de « Sur le foyer des dessins d’Alberto Giacometti » s’affirmaient comme des blocs très denses, où la syntaxe n’est déjà plus la syntaxe traditionnelle, mais en est tout de même moins éloignée que dans la suite du recueil. Il nous semble que le recueil rassemble deux types de textes. « Plus loin que le regard une figure », « Tournant au plus vite le dos au fatras de l’art » et « Et ( la nuit » sont dans l’urgence d’un « à dire » qui engage un mouvement propre à chacun de ces textes au sein du mouvement général du recueil. « … qui n’est pas tourné vers nous » et « … figure » nous paraissent en revanche essentiellement liés par leur matière à l’élan d’écriture de « Sur le foyer des dessins d’Alberto Giacometti ». Un travail d’ensemble liant ces trois textes nous semble devoir être engagé pour compléter les travaux sur cette question et saisir de plus près la défiguration à l’œuvre. Il faudrait analyser précisément le travail sur l’ensemble des composantes d’une langue dont on voit qu’elle s’espace progressivement pour tendre vers des fragments minimaux, une ligne, quelques mots, minuscules figurines, ou bien la même à l’infini, disparaissant, insistant. Le contraste apparaît nettement par exemple entre « … figure » et « Tournant au plus vite le dos au fatras de l’art », qui revient à des ensembles moins émiettés.

* L’exemple d’insistance du travail de Giacometti, s’il détermine le rapport de ces textes à la répétition, nous paraît également lié à un autre aspect important du travail d’André du Bouchet, analysé par Elke de Rijcke comme « poétique du mot ». Il s’agit pour le poète de peser sur le mot jusqu’à atteindre le point d’éclatement où son écorce se brise : le « ‘poids’ de sa matière » l’arrachant alors à la « langue instituée »3803. Ce point où le mot « livre son ciel » doit être mis en rapport avec celui sur lequel Giacometti insiste pour ouvrir une « brèche dans un mur »3804. Giacometti conçoit la tête comme la « zone névralgique »3805 sur laquelle doit se concentrer son effort, accumulant la matière à cet endroit précis du tableau pour obtenir l’effraction. C’est le mot qu’André du Bouchet traite, nous semble-t-il, comme une « zone névralgique ».

* Proximité des poèmes d’André du Bouchet et des dessins d’Alberto Giacometti : porter les mots à une telle intensité qu’ils puissent « tenir » et dynamiser de vertigineux espaces blancs, chaque mot ou groupe de mots étant comme ces « points d’impact » que recherche le crayon de Giacometti pour donner les « lignes de force » de la figure.

* André du Bouchet, poète de la « violence faite aux yeux »3806, et le poème comme « luminet »3807.

* Il faut maintenant préciser comment la question de la mort que nous avons analysée pour le premier texte donne dans son lien avec la destruction sa cohérence au recueil. « Plus loin que le regard une figure » est écrit sous le coup de la mort d’Alberto Giacometti, après son enterrement. Le texte revient sur ces deux moments : l’annonce de sa mort et le voyage à Stampa. Deux moments, ou deux vases, communicants. Ces lignes parues dans le premier numéro de L’Éphémère donnent la démesure de la perte à laquelle il va falloir faire face, elles sont une tentative pour décrire ce monde dans lequel Alberto Giacometti n’est plus, ne crée plus, et ce que signifie pour les autres d’être privés de ce regard. Première « vision » à partir de laquelle ce texte est écrit, et que le poète justement parce qu’elle est première se retient de dire jusqu’à la dernière ligne, celle de l’apparition d’Alberto Giacometti, non pas en rêve, mais en plein jour :

Le 12 janvier 1966 : Alberto apparu en relief3808.

Ces lignes s’éclairent de tout ce qu’André du Bouchet a dit dans son premier texte, et le début de ce deuxième texte y revient brièvement, sur le « relief » caractéristique des figures de Giacometti dans son dessin3809, c’est-à-dire la profondeur qu’elles ouvrent. Il est assez rare qu’André du Bouchet marque une date pour que celle-ci prenne une importance décisive. Le 12 janvier, c’est le lendemain de la mort de Giacometti et surtout le jour où André du Bouchet a appris la nouvelle de cette mort. Or, il décrit cette annonce comme une forme de naissance, puisque c’est non sur le disparaître mais sur l’apparaître d’Alberto qu’à ce moment il insiste, et sur ce « relief » d’une profondeur jusque là insoupçonnée dans le visage du vivant. Alors qu’il apprend sa mort, André du Bouchet peut enfin voir brutalement le visage de Giacometti apparaître comme l’une de ses œuvres, de tout son tranchant, avec la force de jaillissement des têtes qu’il dessinait. Le 12 janvier 1966 marque donc le point où une mort et une naissance se touchent, pour faire volte-face. L’annonce de sa mort est cet instant de « lucidité » où André du Bouchet peut voir Alberto Giacometti « à contre-jour » de la mort qui vient de le frapper, et donc comme l’artiste lui-même regardait les vivants :

‘mais comme un instant de lucidité – une fois, brièvement, cette mort admise […] qui serait proche de celle de G voyant l’homme « tel qu’il m’apparaît lorsque je le regarde » – traversé par cette chose aveuglante – parce qu’elle est en nous aussi bien […] G vivant mais comme de son vivant je ne l’aurai jamais vu – puisqu’il aura fallu de fait cette mort pour qu’à l’instar de son œuvre il se détache […] en relief […] comme les vivants lorsqu’il les regardait… à contre-jour de sa mort et de celle d’autrui – dont il demeurait – lui seul – incessamment, mais avec légèreté – sans la moindre morosité, conscient […]3810

Apprenant « qu’Alberto est mort », André du Bouchet fait donc face à l’apparition « d’un vivant – du vivant que j’ai connu, et que je n’avais donc pas à voir », si bien qu’une telle apparition, il peut la qualifier de « prémonitoire » de ce qu’il sait déjà, de la disparition qu’on vient de lui annoncer :

‘[…] apparition prémonitoire de cette mort que je venais d’apprendre, comme si elle était encore à venir… apparition de la vie indissolublement liée à la mort […] pour la première fois apparue comme certaine, (la figure en retrait) l’ordre paraissant interverti : apparition « en relief » d’un vivant prémonitoire de sa mort certaine, donc, mais de cette mort que nous ne pouvons dire certaine qu’une fois qu’elle a eu lieu, et qui, seule, confère aux traits ce « relief »… Y a-t-il là prémonition, et renversement, de quelque chose qui […] se trouve au cœur de la recherche de G – de la vie de G – ? Je le crois…3811

Il y a renversement car ce sont les vivants que Giacometti faisait apparaître « à contre-jour » de leur mort certaine pour donner corps à ces figures d’autant plus vivantes qu’elles étaient périssables, alors que c’est un mort qu’André du Bouchet voit apparaître comme vivant une fois sa mort échue. Mais voir apparaître le visage d’« Alberto » comme celui d’un vivant dessiné par lui, c’est le voir apparaître comme un vivant qu’on sait travaillé par une mort qui l’emportera. C’est donc par son dessin – c’est-à-dire par cette apparition de sa figure comme il l’aurait dessinée, autoportrait sans miroir – apprendre une seconde fois sa mort, d’une façon que le poète peut alors dire « prémonitoire ». Sur le vide ouvert par la disparition de l’artiste apparaît avec force son œuvre, dans un appel d’air par lequel André du Bouchet se sent aspiré : « celui que nous connaissons, et qui nous apparaît en relief – venant vers nous – est dans le vide ainsi ouvert, celui vers lequel (mais voici l’œuvre là dressée, toujours, déployée) nous nous portons sans trêve… »3812

Quelques jours plus tard, le 15 janvier 1966, André du Bouchet se rend pour la première fois à Stampa, où Alberto Giacometti l’avait invité quelques mois plus tôt, avant que sa maladie puis sa mort ne viennent compromettre cette invitation. C’est alors pour rencontrer le sentiment inverse d’une perte de relief de la réalité une fois les yeux d’« Alberto » fermés. En effet si le visage d’Alberto Giacometti, que le poète voyait avant tout directement, par ses propres yeux, se voit remplacé à l’annonce de sa mort par quelque chose comme l’un de ces autoportraits choisis pour ponctuer les textes de Qui n’est pas tourné vers nous lors de leur republication chez Maeght en 19913813, son voyage à Stampa le confronte en revanche à des lieux qu’il ne connaissait que par les œuvres de Giacometti, à travers le seul regard de l’artiste. Ayant écrit sur le « foyer du dessin »3814, voici qu’il pénètre soudain dans le foyer réel de l’artiste, sa maison. André du Bouchet voit alors les lieux familiers qui sont le sujet de tant de dessins sur lesquels il a écrit : il voit le salon, la table sur laquelle la mère d’Alberto ne lit plus, la suspension, les chambres, tout le chalet aménagé par Giovanni Giacometti, l’étable dont il avait fait son atelier… Et soudain se produit comme un retournement de l’exiguïté et de la minceur supposée des dessins et des œuvres de Giacometti, puisque c’est la réalité elle-même attendue immense à la lumière des dessins qui semble maintenant étroite, étouffante, et, beaucoup plus que les têtes de Giacometti, réduite :

‘Mais dans la chambre de Stampa aujourd’hui, donnant contre la montagne dressée de l’autre côté du torrent et de la route, toute chose semble – stupeur – frappée d’un amenuisement. Plus exiguës que le dessin à travers lequel nous les reconnaissons, n’aura permis de l’imaginer. La table. Plus haut, la suspension. Réduites, aujourd’hui, dans la chambre supposée immense, telles, précisément, que Giacometti les a représentées, à leur noyau insécable – mais sans atteindre à ce point où comme naguère elles auraient, sous nos yeux, pu grandir et disparaître, presque… Arrêtées sur la constriction formelle qui, ‘pour les autres’, à gauche et à droite, aujourd’hui les situe… Ramenées, pour qui pénètre ce matin dans la chambre vide, aux vieilles coordonnées rudimentaires que l’œuvre réalisée, elle, a abolies3815. ’

Dans l’expression « œuvre réalisée » nous comprenons donc désormais que le dessin « réalise » la réalité en gagnant sur sa part d’inconnu, dans une intensification des rapports qui se perd si ce travail n’est pas repris par un autre. Ce jour de l’enterrement d’Alberto Giacometti, c’est pour André du Bouchet quelque chose comme l’inverse de la transfiguration du réel vécue par Alberto dans un cinéma de Montparnasse en 1945 et « réalisée » par la suite dans son œuvre, avec le sentiment d’un « inconnu total »3816. Dans le reflux du réel vers l’œuvre de ce mort, comme si le réel se vidait soudain de cette réserve d’inconnu bue par l’œuvre, c’est le sentiment soudain d’être rendu au connu, à la constriction du connu, aux significations admises par lesquelles les choses apparaissent « étrécies, retranchées, localisées, réduites sans retour »3817. « Sans retour », dit le poète, c’est-à-dire privées de leur capacité à faire retour, à revenir de l’immersion dans l’oubli où elles pivotent. Les figures imprévues d’Alberto Giacometti privaient les notions de gauche et de droite, interverties dans l’espace absolu de l’œuvre où elles font volte-face – de leur pertinence :

‘Il n’y a plus, où nous nous portons vers [la figure], face à nous droite ni gauche, mais – à l’issue de ce demi-tour qui, sur son axe d’oubli majoré subitement, intervertit les sens prévisibles, comme la projection étale de ce mouvement de volte au cœur duquel l’être, alors, en profondeur – vivre – aveuglément ressort3818.’

Mais lorsqu’il se rend à Stampa, André du Bouchet découvre que c’est d’une fenêtre située à sa gauche que venait la lumière pour « la mère d’Alberto » dans tel dessin qui la représente « lisant »3819. La position de l’artiste lorsqu’il se portait à la renconte de tel ou tel fragment de ce foyer qui l’a vu grandir, revenant chaque année sous la suspension immobile, se trouve soudain indiquée à André du Bouchet, à cette place que désormais c’est lui qui occupe, parmi les « vieilles coordonnées rudimentaires » dont il ne suffit pas pour s’extraire de l’effort d’un seul.

L’œuvre réalisée est « à elle seule gauche et droite », « source entière », « lumière sans origine qu’elle s’est appropriée »3820 : « Sans qu’à la si mince figure réversible, comme gauche et droite, à l’issue de tel demi-tour – au centre la blancheur – coïncideront, se laisse assigner emplacement qu’elle ne franchisse. Délimitant, la gauche et la droite qui viennent à se superposer presque, ce centre – en avant – qui fuit. »3821

Cette lumière, c’est une montagne, nous dit le texte : « […] à la lumière de la montagne contiguë – la lumière, par-dessus la maison, du soleil qu’on ne peut apercevoir, et que renvoie dans la chambre qui lui fait face, dehors le champ de neige presque vertical […] »3822. L’enterrement d’Alberto Giacometti a lieu pendant ces mois d’hiver où le soleil ne franchit pas la barrière des montagnes, et où les pentes enneigées renvoient par la fenêtre située à la gauche de l’endroit où la mère d’Alberto aimait à se mettre à l’ouvrage une lumière dont l’origine – par-delà les montagnes, et même, les mois d’été, par-dessus le toit3823 – est invisible. Cette lumière que dans les dessins nous voyons de face, il faut donc à la réflexion la situer de côté. Cette mort le révèle, par laquelle Giacometti se trouve désormais « allongé dans un sens »3824, vers « les montagnes d’Italie »3825. La montagne, c’est donc elle qui avivait le grain du papier sur lequel Giacometti dans le chalet de Stampa dessinait, ce papier comme un champ de neige sur lequel à son tour André du Bouchet écrit. Écrire, dès lors, dans les dernières lignes du texte, que la « montagne […] cesse de se faire jour », c’est signifier alors que n’éclairant plus Giacometti à l’œuvre, le pivot de cette neige se redresse en paroi, une paroi face à laquelle le poète se retrouve arrêté de nouveau, rendu aux limites, à une finitude sur laquelle « l’infini »3826 est à regagner de nouveau.

‘* « ‘Je suis mort pour les autres – je ne suis pas mort pour moi’ »3827 : parole dite par Alberto Giacometti à André du Bouchet qui signifie que l’homme « pour lui-même ne peut pas mourir, puisqu’il est toujours à venir »3828, à l’avant de lui-même. « Aujourd’hui »3829, à l’annonce de la mort d’Alberto, cette parole se retourne. Apparu au poète comme vivant, « en relief » comme les vivants lorsqu’il les regardait, le visage « sans ressemblance » dont André du Bouchet voit surgir la vision semble proclamer : « Je suis mort pour moi – je ne suis pas mort pour les autres3830 ».’

* Mais pour faire face à l’injonction de cette œuvre, manifester que pour quelqu’un elle vit, et combattre ce retour du crâne, forçant la montagne à « se faire jour » de nouveau, il faut accomplir un dernier geste – dernier ou sans fin – pivoter une nouvelle fois, et c’est « Tournant au plus vite le dos au fatras de l’art ». Texte de circonstance, vive réaction à une exposition à l’« Orangerie, octobre 1969 »3831 et l’intolérable d’une vision de l’œuvre de Giacometti « soustraite […] à son feu »3832 et murée derrière des remparts de verre. André du Bouchet voit derrière les vitrines l’œuvre « conservée », protégée contre elle-même, contre l’avancée de cette destruction3833 qui seule lui permet de rejoindre le réel « turbulent »3834, de regagner le cours de la vie. Il la voit « prônée », enfin, alors qu’elle n’avait été qu’épreuve « du refus »3835.

Se retourner, c’est tourner le dos aux œuvres de Giacometti et sortir de l’exposition. Mais se retourner, c’est surtout accompagner le mouvement de volte-face auquel elles incitent, vers ce « qui n’est pas tourné vers nous », le réel invisible en arrière de notre tête. Si une oeuvre est « vivante », il faut pour André du Bouchet savoir la quitter pour l’accompagner en profondeur :

‘Je rencontre la peinture mais pour la quitter. Pour suivre un propre chemin de réflexion que cette rencontre a activée. Parce qu’au fond, la peinture, si elle est vivante, se passe très bien de ce que je peux en dire. Elle suscite quelque chose en moi et je vais de mon côté. C’est ce que donne un véritable accompagnement3836.’

Continuer la tâche d’Alberto Giacometti suppose de se détourner de son œuvre pour mieux avancer dans la même direction que lui : « ‘J’ai fait un immense progrès, maintenant je n’avance qu’en tournant le dos au but, je ne fais qu’en défaisant.’ »3837 Tournant les talons, le poète rentre dehors, se retrouve à nouveau dans cette vie de laquelle on peut dire qu’Alberto Giacometti n’avait d’yeux que pour elle :

‘Demain à midi ce sera fini, je serai de nouveau dehors dans la vie à Stampa, à Paris, partout, avec tous et mon travail.
[…] À Stampa, à Paris, en voyage oh ! oh ! oh ! oh ! oui mes amours infinies et merveilleuses.
Fulgurante lumière, éclat de tout à l’infini. Immortel je suis et infini, et vous tous avec moi […]3838.’

Cette vie, « il n’est œuvre » qui la « contienne »3839 : l’œuvre ne s’avive que de savoir au plus fort de sa saisie la laisser aller. Le recueil d’André du Bouchet, loin d’être un « tombeau » d’Alberto Giacometti, se construit donc contre la tentation du tombeau, dans le geste de se détourner peu à peu d’une œuvre pour s’aventurer directement dans la direction qu’elle indique et l’inconnu qu’elle ouvre. C’est alors revenir du jour vers la nuit, et par-delà l’éblouissement de cette œuvre retrouver la force de porter plus loin que lui-même son regard. Les traits du dessin de Giacometti deviennent ces toiles d’araignée sur le visage du poète dont il faut se défaire, regagnant les voies ouvertes par cette œuvre

‘d’une sortie où loin d’elle aujourd’hui encore il se révèle urgent de discerner quel en serait le sens… ( redite, dès lors que plus d’une ‘œuvre’ se dispose face à plus d’un seul regard – et n’y en eût-il qu’une seulement détournée de sa consumation : ramas de traits encore – comme qui sorti de la cave ou d’un sous-bois effectue plusieurs fois de suite le geste de se défaire de toiles d’araignée ) … je me retrouve au plus vite – mais d’où vient alors cette accélération, jusqu’au froid, de tout mobile – rendu à la nuit du dehors […]3840

* « Et ( la nuit » : ouverture d’une parenthèse3841 appelée à ne plus se refermer. Les années passent, la mort de Giacometti s’éloigne, mais c’est toujours la même question : « Ce moment le plus présent dans le présent », à quel moment « devient-il souvenir »3842 ? Ce texte, sûrement l’un des plus fascinants de l’œuvre d’André du Bouchet, apparaît moins comme la tentative d’un récit de rêve à penser en relation avec le surréalisme que comme l’approche d’un instant de réveil. La perte de la parole à dire au mort réveille un souvenir d’enfance.

La dernière prose du recueil part d’une phrase de Giacometti : « Pourquoi… être venus si loin… C’est le bout du monde ici… ». « Si loin », c’est-à-dire à Stampa lorsque Giacometti prononce cette phrase :

‘Alberto – janvier 55 – nov. 55… à une nuit – à des jours où les nuits sont plus noires, ou tombent plus rapidement – et où les étoiles brillent avec plus de férocité… comme, alors, en plein hiver, lui, de retour dans les montagnes de Stampa, jusqu’au petit torrent courant le long de la route – courant toujours le long du cimetière jouxtant lui aussi la route – arrivant en pleine nuit – on me l’a dit – nuit d’hiver – sous ces étoiles […] allant, sitôt arrivé, pied à terre, du taxi remontant du lac de Côme, sur le petit torrent murmurant sous la glace3843, carapaçonné sous sa glace – je l’ai vu seul, et Alberto mort – franchissant le pont, face, presque, à sa maison, de l’autre côté de la route : « pourquoi être venu ici » – dans la nuit – « c’est vraiment le bout du monde, ici »…
et où que je me trouve, je le redis, quelques années plus tard […]’

Le poème, pourtant, efface ce contexte, et par la marque du pluriel – « venus » – qui inclut à la fois le poète et « nous » dans cette phrase lorsqu’il la prononce à son tour, ne retient que la sensation d’être au bout du monde, à un point-limite où ce qui finit touche ce qui recommence.

Rêve qui laisse au poète une phrase : « aux questions les réponses sont soudées, les questions sont sans point d’interrogation etc. »3844. De cette phrase qui se perd, seuls, « sur le moment », peuvent être retenus « les alentours »3845 :

‘En silence, il s’affaire dans l’atelier silencieux où on est à peu près sûr de le trouver à la fin de la journée, il y a une chose dont je dois lui faire part avant sa mort à venir d’un instant à l’autre, chose urgente… Mais, constation qui déchire, au travers même de l’anxiété qui ranime et tempère la parole silencieuse du rêve, il ne fait aucun doute que cette mort a eu lieu déjà… « déjà » marquant un retard – irréparable quant à moi, et grandissant, sans affecter en rien la hâte qui est la mienne – à rejoindre ce qui demeure à dire…’

« Il », c’est Alberto Giacometti, toujours effectivement au travail de son vivant lorsque la journée finit. Mais la nuit tombe avant que le poète ne parvienne jusqu’à lui. Le nom du sculpteur n’apparaît plus dans ce texte, seul perdure son questionnement dont ce texte donne à voir le passage de relais vers la parole du poète. En effet, ce que tente ce texte, bien davantage que de revenir une nouvelle fois sur la mort d’Alberto Giacometti, c’est d’approcher au plus près de l’expérience de tenter de retenir par l’art un objet qui se donne comme essentiellement fuyant. Le poète, comme le peintre qui tente de retenir sur sa toile quelque chose de la figure vivante, n’étreint que du vide. Vide béant, « dès lors que telle parole à signifier avant la mort se voit au cours du même rêve désavouée, puisque la mort qu’elle avait pour fin de nier, s’y révèle échue brusquement … » Mais la peinture ou la sculpture elles-mêmes n’étaient-elles pas quelque chose comme le rêve de s’emparer avant la mort du modèle qui pose – ou de tel fragment de « l’impossible indessinable »3846 – d’une vie qui déjà se sera vue emporter au plus loin lorsque ce qui d’elle a pu traverser le filtre de la mémoire pour rester dans l’œil de l’artiste commande le geste qui touche la surface à couvrir ou modeler. Tenter de retenir ce qui n’a d’être que dans une échappée, c’est chaque fois se porter au-devant de la contradiction d’une parole qui cherche à nier la mort. Le rêve garde donc mémoire du choc brutal de la mort d’Alberto Giacometti au moment où André du Bouchet était dans l’urgence de lui faire part de ce dont il avait pris conscience en écrivant « Sur le foyer des dessins d’Alberto Giacometti ». Mais plus profondément il dit cela : qu’une mort toujours devance le vouloir dire de l’artiste ou du poète qui prend le réel pour « interlocuteur »3847, et s’affirme écart, ou « intervalle »3848.

Et pourtant l’échéance de cette mort ne met pas fin au rêve, mais « il se prolonge, emportant, comme au-delà de soi l’interruption qu’y marque, en silence, à la fois une mort avérée et le réveil imminent, aussitôt la parole de rêve découverte sans objet… et tel que l’instant du réveil ne suffit pas, peut-être, à le suspendre, mais il se poursuit comme en sous-œuvre… » La perte de son objet n’arrête pas la « parole de rêve », qui franchit donc à la fois cette mort et l’instant du réveil – c’est-à-dire sa propre mort, ou plongée dans le mutisme. La perte de l’objet qui aura suscité le vouloir-dire précède donc l’arrêt de la parole qui s’est élancée à sa poursuite, parole qui continue un temps son chemin en pure perte avant – réveil – d’être happée par le silence. Mais dans ce silence le rêve poursuit son « cours »3849, comme les figures de Giacometti par-delà leurs linéaments, dans le blanc du papier. La certitude que « l’interlocuteur en question est mort »3850 apparaît alors – retournement – comme réponse : « aux questions les réponses sont soudées »3851, comme la vie à la mort. Mort qui répond, apparaissant comme « plénitude de vérité complémentaire » à la « parole en défaut »3852. Car la certitude de cette mort ressentie comme vive « douleur » relance l’urgence d’écrire « au plus vite sur ce défaut », le défaut du « mutisme sur lequel la parole niant la mort, et l’élan pour parler, seront en premier lieu venus se défaire… »3853 Dans le silence où « la biffure elle-même » est « annulée »3854, pivote alors la parole, « comme si ‘écrire’ n’était que parcelle, chaque fois, du silence refait sur une parole… »3855 À partir d’une perception « si forte qu’elle sépare de ce qu’il y a à dire »3856, le silence confond la volonté de dire qui n’a pas les mots et les mots qui tombent à côté. La parole du rêve s’enfonce dans un double mutisme – mort, réveil – où renaît l’urgence d’un vouloir dire dont le fil sans fin – répétition – se dévide.

Si le silence est au cœur de la parole – lacune, moyeu – comme le vide au cœur des figures dessinées par Giacometti, c’est alors vers ce dessin auquel il est fait allusion dans « Plus loin que le regard une figure », au moment où la Parque casse le fil de la vie de Giacometti, qu’il faut regarder :

‘Suspension en plein jour englobant le centre vide éclairé – au-dessous de laquelle se distingue, au plus près de la lumière dispensée par la fenêtre à sa gauche – droite pour qui l’a dessinée – de loin la tête d’une personne penchée sur l’ouvrage, élevant le fil pour le passer, à la lumière de la montagne contiguë – la lumière, par-dessus la maison, du soleil qu’on ne peut apercevoir, et que renvoie dans la chambre qui lui fait face, dehors le champ de neige presque vertical – jusqu’au dessous de l’œil avide – le fil – dans le chas de l’aiguille3857.’

Ce fil, pour André du Bouchet, apparaît autant comme la représentation du matériel de couture qui occupe la figure dessinée, que comme le matériel employé par l’artiste pour en découdre. Le trait de Giacometti possède en effet plus qu’un autre la particularité de réduire les figures dessinées à quelque chose comme un fil noir sur le papier blanc, cette « toiles d’araignée » dont il est question dans « Tournant au plus vite le dos au fatras de l’art ». La figure est décrite par le poète comme une « trame qu’en son centre le glacier du jour pourfend »3858. Et si le réel peut dans les dessins se découvrir sans limites, c’est parce que « les faces de chaque chose solide » rentrent « dans le même fil infini »3859. « Aiguille » alors, au sens de sommet effilé d’une montagne appelée à « se faire jour » si elle possède ce « vide au cœur » comme un « chas » dans lequel l’ensemble du réel est appelé à filer si « l’œil avide » de l’artiste vise assez précisément. L’œuvre de Giacometti peut ainsi au terme de la réflexion d’André du Bouchet être appréhendée comme un seul fil à l’infini qui dans le vide au cœur de cette aiguille se dévide, disparaissant par l’ouverture dans le blanc du papier pour reparaître de l’autre côté, une fois sa traversée mortelle accomplie.

La mort d’Alberto Giacometti casse donc le fil de cette œuvre par laquelle la montagne « se faisait jour » et précipite le poète dans une nuit éclairée par la parole filante à son tour d’un « rêve loquace » butant sur cette même mort comme sur le jour – réveil – où le fil de cette parole à son tour se trouve englouti : « ‘aux questions les réponses sont soudées, les questions sont sans point d’interrogation etc.’ ( une phrase comme dévidée à l’infini dont au réveil j’aurai perdu le fil […] ) ». Qui n’est pas tourné vers nous donne donc à voir ce retournement par lequel le « fil infini » du dessin de Giacometti se perd pour renaître à même cette perte en « fil infini » d’une parole intermittente qui ne considère à son tour chaque instant compris entre l’émergence de ce fil et le moment où il replonge de nouveau dans la blancheur du chas que comme des « essais, c’est tout ! »3860.

* Un souvenir d’enfance répond au rêve dans « Et ( la nuit », qui dit la danse de la poussière dans le jour, aperçue par les persiennes d’un « ‘appartement parisien’ ». Impression de « poussière sculptée » qui renvoie à l’atmosphère de l’atelier d’Alberto Giacometti et à l’ensemble de son œuvre perçue comme une nuée de figures éphémères dont le jaillissement et l’évanouissement dans l’air seraient presque simultanés : poussière « mort-né[e] »3861, vie et mort confondues. Au sol l’enfant à quatre pattes qui regarde danser la poussière et le sculpteur mort du rêve précédent se rejoignent : « le plancher âpre à la bouche »3862. Vertige. « La tête précisée et perdue… »3863 Mais l’enfant l’emporte, par ce vertige qui est indice

‘[…] – quelle que soit la hauteur où l’on chemine, d’une force ailleurs qu’en moi aussi, qui suis à mi-chemin, suspendu… transparent à la force entière, elle, et plus haut et plus bas, comme entrevue où elle se recompose…’

* Têtes dessinées par Giacometti comme poèmes d’André du Bouchet : « transparent[s] à la force entière », la force de celui qui place ce qu’il a à dire « ailleurs qu’en [soi] ». « Noyaux de violence » : ils éclatent, d’un rire qui rayonne de toute la vigueur de sa naissance gagnée sans fin sur la mort :

‘Si –

[ ‘ Et s’il y avait un rapport… ’ ]
Mais rire
est une parole aussi. […]3864

Cette phrase d’Alberto Giacometti, « Et s’il y avait un rapport », renvoie à la dernière visite d’André du Bouchet à Giacometti et au fou rire partagé alors entre les deux hommes, éclatant à partir de la mort qui donne la matière de cette conversation3865 comme l’indice de cette vie que la mort d’un seul ne peut arrêter. Et le dessin, comme la parole, à traverser alors jusqu’au rire :

‘[…] l’éclat de rire, le dernier, sur lequel nous avons pris congé […] sur le pas de la porte de la rue Hyppolite Maindron, et jusque dans la rue où il avait fait quelques pas dehors dans la nuit la veille de son départ pour la ville suisse – rire soulevé, et aussitôt partagé, par la question finale – par la question – par la ruse – le ton de ruse avec lequel il avait rétorqué : « et si – il – y – avait – un rapport ? » en réponse à la superstition selon laquelle il n’y avait sans doute eu aucun rapport – pas le moindre rapport (il s’avéra, Alberto mort, qu’il n’y avait eu, effectivement, pas le moindre rapport) entre l’état de fatigue et de faiblesse extrême qui soudain était le sien ( ce soir là, je l’ai vu, debout, frappé de le voir comme se maintenir debout en s’appuyant sur la sellette – comme frappé de le voir, pour la première fois, donner un signe de fléchissement physique) – ( et un rire – partagé – répercuté – ) – rapport entre cet état de fatigue et le mal pour lequel il avait été opéré plusieurs années auparavant – « Et – si… » question qui, par le ton sur lequel elle avait été émise, devait susciter un rire – aussitôt partagé – rire sur lequel nous restons, nous serons restés – où l’inanité de la question – où question, supposition, et réponse possible – paroles, toutes – demeureraient évidemment sans prise – que l’on vive, que l’on meure, que l’on soit mort – sur le fond réel, sur quelque chose qui, à travers nous (rire) continuerait, telle une figure même d’Alberto, d’avancer (rire) imperturbablement…3866

Sur ce rire, « transparent à la force entière », et qui nous semble véhiculer l’essentiel du rapport entre André du Bouchet et Alberto Giacometti autant que ce que nous voulons retenir de l’œuvre de ce dernier, nous resterons à notre tour.

Notes
3767.

André du Bouchet, « … qui n’est pas tourné vers nous », QPTVN, p. 62.

3768.

Alberto Giacometti, « Entretien avec Pierre Schneider », op. cit., p. 267.

3769.

André du Bouchet, « Notes sur la traduction », L’Autre journal, n°1, décembre 1984.

3770.

Henri Maldiney, « Naissance de la parole dans la poésie d’André du Bouchet », Saluer André du Bouchet, Bordeaux, William Blake & Co, 2004, p. 63.

3771.

Ibid., p. 64.

3772.

Alberto Giacometti, Ibid., p. 265.

3773.

André du Bouchet, …Désaccordée comme par de la neige et Tübingen, le 22 mai 1986, Paris, Mercure de France, 1989.

3774.

Alberto Giacometti, « Paris sans fin », op. cit., p. 92.

3775.

Entretien d’Alain Veinstein avec André du Bouchet à l’occasion de la parution de Carnets, Aujourd’hui c’est et Retours sur le vent, « Du jour au lendemain », France Culture, le 24 janvier 1995.

3776.

Cité par Yves Bonnefoy, « Le désir de Giacometti », op. cit., p. 453.

3777.

Elke de Rijcke [« L’expérience littéraire dans l’œuvre d’André du Bouchet. Matérialité, matière et immédiatisation du langage », op. cit., pp. 565-566], note que dans ses derniers ouvrages, Merleau-Ponty, influencé par L’Œil écoute de Paul Claudel, « s’intéresse de plus en plus aux synesthésies », et « plus particulièrement à l’interaction entre la vision et le toucher. Bien que le philosophe mette surtout l’accent sur le côté visionnaire de la parole (entre autre dans les Notes de cours 1959-1961 [Paris, Gallimard, 1996], où il parle de la « voyance des mots chez Rimbaud et chez Simon, c’est-à-dire d’une visibilité à partir des mots qui se présente au moment de leur signification, thème élaboré dans ‘L’Entrelacs et le chiasme’), il pose aussi que la parole poétique, comme parole-chose qui atteint les choses, est une parole tactile, une parole touchante et touchée.

Si l’on veut comprendre comment la parole peut être visionnaire et tactile, il faut se reporter plus globalement à l’intro-ontologie merleau-pontienne, et plus particulièrement à la définition du sentir et de la parole dans son rapport au sentir. La définition du sentir dans l’intro-ontologie, comme adhérence charnelle du sentant au senti et du senti au sentant, adhérence où la chair se rapporte à elle-même dans une relation à la fois de recouvrement et de fission, s’applique en fait à tous les rapports à l’intérieur de la chair : qu’il s’agisse du rapport entre touchant et touché, entre voyant et visible, ou encore entre signifiant et signification. C’est seulement à partir de cette similarité entre les différents rapports au sein de la chair, que nous sommes à même de comprendre que la parole, en tant que rapport entre signifiant et signification, est également parole tactile (touchante et touchée) et parole visionnaire (voyante et visible) ».

Rappelons qu’André du Bouchet avait en 1948 obtenu une bourse pour se consacrer à une thèse finalement abandonnée dont le sujet était : « Poésie et Représentation dialectique de l’élément visuel dans l’image poétique ». Voir Anne de Staël, « Chronologie d’André du Bouchet », L’Étrangère, n°14-15, op. cit., p. 371.

3778.

Jacques Dupin, « Moraines », op. cit., p. 157.

3779.

Rapides tel que l’analyse Michel Collot [« Rapides, ou la rapacité de la fraîcheur », Autour d’André du Bouchet, op. cit.] dessine néanmoins une voie intermédiaire.

3780.

Une œuvre « caractérisée par la réécriture » (Elke de Rijcke, ibid., p. 29).

3781.

Alberto Giacometti, « Entretien avec Pierre Schneider », op. cit., p. 268.

3782.

Elke de Rijcke, ibid., p. 385.

3783.

Monique Pétillon, ibid., p. 121.

3784.

Jean-Michel Reynard, L’Interdit de langue. Solitudes d’André du Bouchet, Paris, Fourbis, 1994, pp. 27-28.

3785.

Elke de Rijcke, ibid., p. 387.

3786.

Elke de Rijcke, « Entretien avec André du Bouchet », L’Étrangère, n°16-17-18, op. cit., p. 298.

3787.

André du Bouchet, « Tounant au plus vite le dos au fatras de l’art », op. cit., p. 112.

3788.

Elke de Rijcke [« L’expérience littéraire dans l’œuvre d’André du Bouchet. Matérialité, matière et immédiatisation du langage », op. cit., p. 119] avance la notion de « poésie réparatrice », mais nous sommes dans l’irréparable, ou l’« irrémédiable ».

3789.

Nous renvoyons ici aux pages d’Elke de Rijcke dans le chapitre de sa thèse sur la répétition analysée comme « perte » et « récupération » de l’objet, avec une très belle analyse dans ce sens de Tübingen, le 22 mai 1986. Voir ibid., pp. 394-404.

3790.

Voir Pierre Chappuis, « La Réitération dynamique », Autour d’André du Bouchet, op. cit., p. 144-145.

3791.

Page de carnet contenue dans une enveloppe jointe aux brouillons de Qui n’est pas tourné vers nous.

3792.

Entretien d’André du Bouchet avec Elke de Rijcke, 1999, cité par Elke de Rijcke, ibid., p. 353.

3793.

René Char, Retour amont, op. cit., p. 431.

3794.

Elke de Rijcke, « Entretien avec André du Bouchet », 9 mai 1978, Rapports : Het Franse Boek, XLIX, 1979, p. 52.

3795.

Entretien liminaire d’André du Bouchet avec Laure Adler, « Le Cercle de minuit » (émission de Laure Adler), France 2, 10 janvier 1995. Transcription par Victor Martinez.

3796.

Jacques Dupin, TPA, p. 17.

3797.

« Si elle est vraiment forte, elle se montrera […] », Jean Genet, AAG, p. 59.

3798.

Jean-Paul Sartre, « La Recherche de l’absolu », op. cit., p. 301.

3799.

Voir quatrième et cinquième parties.

3800.

Elke de Rijcke, « Entretien avec André du Bouchet », 9 mai 1978, Rapports : Het Franse Boek, XLIX, 1979, p. 52.

3801.

Brouillons de Qui n’est pas tourné vers nous.

3802.

Michel Collot, « André du Bouchet et le ‘pouvoir du fond’ », op. cit. et « ‘D’un trait qui figure et qui défigure’ : Du Bouchet et Giacometti », op. cit.

3803.

Elke de Rijcke, « L’expérience littéraire dans l’œuvre d’André du Bouchet. Matérialité, matière et immédiatisation du langage », op. cit., p. 471.

3804.

Jacques Dupin, TPA, p. 23.

3805.

Idem.

3806.

Elke de Rijcke, ibid., p. 567 (E. de Rijcke note les fréquents renvois à cette problématique dans Peinture).

3807.

 Plante qui guérit les affections de la vue. Mot employé par André du Bouchet dans sa traduction du poème « Todtnauberg » de Paul Celan.

3808.

André du Bouchet, « Plus loin que le regard une figure », QPTVN, p. 34.

3809.

Voir chapitre XIV.

3810.

Brouillons de Qui n’est pas tourné vers nous.

3811.

Brouillons de Qui n’est pas tourné vers nous.

3812.

Idem.

3813.

 Alberto Giacometti – Dessin, Paris, Maeght éditeur, 1991, p. 6 et p. 25

3814.

Titre de « Sur le foyer des dessins d’Alberto Giacometti » lors de sa reprise chez Maeght en 1991.

3815.

« Plus loin que le regard une figure », op. cit., p. 33.

3816.

Alberto Giacometti, « Entretien avec Pierre Schneider », op. cit., p. 265.

3817.

André du Bouchet, « Plus loin que le regard une figure », op. cit., p. 34.

3818.

« Plus loin que le regard une figure », op. cit., p. 31.

3819.

Ibid., p. 33.

3820.

Brouillons de Qui n’est pas tourné vers nous.

3821.

« Plus loin que le regard une figure », op. cit., p. 32.

3822.

Ibid., p. 31.

3823.

Idem ; « […] la lumière, par-dessus la maison […] ».

3824.

Brouillons de Qui n’est pas tourné vers nous.

3825.

 Idem.

3826.

« Plus loin que le regard une figure », op. cit., p. 32.

3827.

Idem.

3828.

Brouillons de Qui n’est pas tourné vers nous.

3829.

« Plus loin que le regard une figure », op. cit., p. 32.

3830.

C’est-à-dire « du point de vue des autres ».

3831.

« Tournant au plus vite le dos au fatras de l’art », op. cit., p. 103.

3832.

Ibid., p. 102

3833.

C’est-à-dire les « aboutissants » du travail de Giacometti que la conservation vise à « amortir ou à tempérer », ibid., p. 105.

3834.

Elke de Rijcke, « Entretien avec André du Bouchet », 9 mai 1978, Rapports : Het Franse Boek, XLIX, 1979, p. 52.

3835.

André du Bouchet, « Tournant au plus vite le dos au fatras de l’art », op. cit., p. 103.

3836.

Alain Veinstein, « Entretien avec André du Bouchet », « La radio dans les yeux », France culture, lundi 28 octobre 1991. Entretien transcrit dans André du Bouchet : espace du poème, espace de la peinture…, op. cit., p. 19.

3837.

André du Bouchet, « … qui n’est pas tourné vers nous », op. cit., p. 47.

3838.

Tapuscrit conservé à la Bibliothèque Jacques Doucet sous le titre « Textes divers » (la plupart de ces textes sont publiés dans les Écrits, op. cit.) LRS Ms 221.

3839.

« Tournant au plus vite le dos au fatras de l’art », op. cit., p. 110.

3840.

Ibid., p. 102. Nous soulignons.

3841.

Voir Clément Layet, ibid., p. 75.

3842.

Brouillons de Qui n’est pas tourné vers nous.

3843.

* Rien n’est plus terrible que la soif du mort pour laquelle on accomplit depuis des temps très anciens les libations, si ce n’est le besoin des vivants de parler. Mais le torrent est gelé, pris dans l’embâcle d’un pôle, du « bout du monde », et il faut briser le coffrage de la glace comme celui des vitrines d’exposition pour abreuver le mort d’une parole vivante, bâclée.

3844.

« Et ( la nuit », Qui n’est pas tourné vers nous, op. cit., p. 130.

3845.

Ibid., p. 132.

3846.

 Alberto Giacometti, « Paris sans fin », op. cit., p. 92.

3847.

André du Bouchet, « Et ( la nuit », op. cit., p. 133.

3848.

Ibid., p. 132.

3849.

Idem.

3850.

Ibid., p. 133. Nous soulignons.

3851.

Ibid., p. 131.

3852.

Ibid., p. 133.

3853.

Idem.

3854.

« … figure », QPTVN, p. 85.

3855.

Idem.

3856.

Anne de Staël, « D’une terre à une voix », La Remarque de l’ours, Rennes, Apogée, 2000, pp. 63-64.

3857.

« Plus loin que le regard une figure », op. cit., p. 31.

3858.

Ibid., p. 29.

3859.

Ibid., p. 34.

3860.

Phrase d’Alberto Giacometti citée dans « … qui n’est pas tourné vers nous », op. cit., p. 47.

3861.

« Et ( la nuit », op. cit., p. 162.

3862.

Ibid., p. 157.

3863.

Ibid., p. 167.

3864.

« … figure », op. cit., p. 97.

3865.

Le fou rire naît comme le dit le texte du ton de ruse sur lequel Giacometti dit cette phrase. La question est de savoir s’il y a un rapport entre le cancer pour lequel Giacometti a déjà été opéré et son état de faiblesse au moment où André du Bouchet lui rend visite. Il n’y en avait effectivement aucun, Giacometti n’est pas mort de ce cancer.

3866.

Brouillons de Qui n’est pas tourné vers nous. Est-ce là l’origine de la phrase du rêve, « Aux questions les réponses sont soudées… » ?