1.2.1 Avantages des données vidéographiques

Dans leur travail sur l’analyse des interactions, dans un cadre plus général, que les pratiques de classe, Jordan & Henderson (1995) présentent une liste d’avantages de l’utilisation des données vidéographiques. Ils avancent diverses potentialités de ces enregistrements :

  • la reconstruction de l’événement ; les données vidéographiques sont essentielles dans la reconstruction dans le temps et dans l’espace de l’événement étudié. Elles sont utilisées pour reconstruire les écarts entre ce qui se passe réellement et ce que les acteurs disent de ce qui s’est passé (idem, page 50). Les pratiques de recherches se basaient, antérieurement, sur des méthodes qui visaient à faire raconter, par l’acteur, le déroulement des évènements de la situation afin de les analyser. Une étape manque dans ce type de données, celle de la réalité telle qu’elle s’est déroulée ; le retour à la situation de déroulement dans ce cas sera impossible.
  • la conservation de la nature complexe des interactions dans ses différentes dimensions multimodales ce qui n’est pas le cas des méthodes telles que la prise de notes ou les grilles d’analyses des actions des acteurs en situation. En effet Mondada (2006a, page 45), dans un article intitulé « Multiactivité, multimodalité et séquentialité : l’initiation de cours d’action parallèles en contexte scolaire », explique que « les technologies vidéo - qu’elles soient utilisées pour la constitution de données empiriques ou pour leur transcription et annotation- ont introduit des changements majeurs dans la conceptualisation de l’action en sciences sociales et sciences du langage (Heath, 1997 ; Goodwin, 2000 ; Mondada, 2006b), en permettant notamment de prendre en considération des ressources multimodales pour la structuration des activités, analysées jusque-là de manière souvent limitée aux ressources langagières. Cet élargissement est susceptible d’avoir des effets théoriques importants, en invitant à développer des conceptions « incarnées » (embodied) du langage comme de l’action sociale. Du même coup, les pratiques langagières elles-mêmes peuvent être considérées autrement que dans un cadre logocentrique : leur production-interprétation multimodaux intégrés, où s’articulent ensemble les dimensions du langage, des gestes, des regards, des positions du corps […] ».
  • la conservation indéterminée des données primaires, ce qui permet un nombre illimité de visualisation des données ; en effet, c’est durant la visualisation multiple que certains phénomènes deviennent visibles. De plus, les supports vidéo peuvent être partagés et utilisés par d’autres chercheurs pour d’autres types d’analyse.

Ce dernier aspect est également mentionné par Engle, Conant & Greeno (2007) dans leur chapitre “Progressive Refinement of Hypotheses in Video-Supported Research” de l’ouvrage Video research in the learning sciences. Engle & al (2007, page 240) remarquent :

‘“With the advent of records like video that both are relatively comprehensive and support multiple re-viewings, it is now often possible to take several steps in the progression using the same set of records. Thus, video records can allow a single study to progress through multiple iterations of hypothesis generation and evaluation, making the resulting findings more robust than they might have been otherwise. By more robust, we mean that the findings have been evaluated and modified in relation to more aspects of the data and therefore are more likely to stand up to further investigation.” ’

Cela permet aux auteurs de développer une théorie sur le raffinement progressif des hypothèses à travers le re-visionnage multiple des données vidéographiques. Les hypothèses passent par :

  • un raffinement progressif durant la capture et la communication des phénomènes
    • en présentant des phénomènes d’évidence pour l’interprétation ;
    • en faisant des comparaisons, impliquant d’autres analystes et codages ;
  • un raffinement progressif pendant le développement d’une explication généralisable des phénomènes,
    • en identifiant des possibles facteurs en visionnant et re-visionnant les documents vidéographiques ;
    • en raffinant et spécifiant le modèle avec un nombre plus large de données ;
  • finalement, la généralisation en ajoutant d’autres cas

Nous ajoutons à cette liste que l’image vidéo offre « la possibilité de traiter l’organisation de l’action à la fois selon des relations de successivité et selon des relations de simultanéité » (Mondada, 2006a, page 45).