4. L’analyse du discours

Les décisions de l’enseignant sont prises au cours d’une interaction entre cet enseignant et la situation de classe dans laquelle il se trouve.

L’interaction en classe joue un rôle fondamental dans la construction des savoirs en contexte scolaire. L’interaction ne se limite pas à sa dimension verbale. Elle s’organise « grâce à une pluralité de ressources multimodales : les gestes, les regards, les postures corporelles, les mouvements, l’agencement spatial des participants » (Mondada, 2005, page 111).

L’ensemble des interactions qui se déroulent en classe constitue un discours. Le discours est « un mode d’appréhension du langage ; ce dernier n’y est pas considéré comme une structure arbitraire mais comme l’activité de sujets inscrits dans des contextes déterminés … le discours ne peut être l’objet d’une approche purement linguistique » (Maingueneau, 1996, page 28). Le discours est « l’usage de la langue dans un contexte particulier » (idem). Maingueneau (1996) utilise le terme type de discours en donnant l’exemple suivant « discours de l’enseignant en classe ». C’est assez proche, à notre avis, de l’emploi de langages sociaux par Bakhtine (1986).

Dans une autre perspective, Mondada (2006a), présente une dimension séquentielle du discours en interaction en se basant sur les travaux de l’analyse conversationnelle. Suivant cette approche, une parole en interaction « est traitée en tenant compte avant tout de sa dimension temporelle, c'est-à-dire de son déroulement progressif, incrémental dans le temps tel qu’il est assuré non seulement par le locuteur qui a le tour mais aussi par ses interlocuteurs, par rapport aux activités desquels ils s’ajustent constamment » (idem, page 47) . Elle précise que « cette dimension temporelle n’est pas linéaire, puisqu’elle associe à des mouvements prospectifs, projetant la suite attendue du tour ou de l’action successive, des mouvements retrospectifs, puisque l’enchaînement à un tour manifeste la compréhension ou le traitement à toutes fins pratiques qu’a réservé son locuteur au tour précèdent » (idem, page 47).

Derrière ces définitions plutôt centrées sur des aspects linguistiques, nous cherchons dans ce travail à rendre explicite la finalité qui leur donne leur raison d’être : une finalité didactique.

Par ailleurs, beaucoup de travaux soulignent l’intérêt des gestes et leur rapport à l’activité humaine. Dans ses travaux en psychologie et en didactique des mathématiques, Vergnaud (2007) définit les gestes comme étant « un prototype fondamental de l’activité humaine. C’est donc par lui qu’il est le plus naturel de commencer. L’activité gestuelle contient beaucoup d’opérations de pensée, notamment en termes de représentation des objets matériels, de leurs propriétés, relations et transformations, également des relations entre les propriétés des gestes et les propriétés des objets. C’est sur ces représentations que s’appuient l’organisation temporelle et spatiale du geste et les multiples décisions qui jalonnent son décours temporel ».

D’autres travaux se plaçant du côté de la théorie de l’action, plus particulièrement celle des enseignants mettent en évidence l’importance de la proxémique. Par exemple, Forest (2006), dans ses travaux sur l’analyse des interactions didactiques présente une étude qui « montre de quelle façon les techniques proxémiques du corps de l’enseignant permettent d'assumer une part non négligeable de la relation didactique ». Il insiste dans son travail sur l’importance du regard dans les interactions didactiques. Selon Forest, « l'élève et le maître sont d'autant plus proches l’un de l'autre, […], que leurs regards sont convergents, que leur posture est face à face, et bien sûr que leur distance physique est courte » (idem, page 68). Ses observations lui ont permis de confirmer la place des comportements proxémiques dans l'action du professeur.

Dans un contexte plus général, les travaux de Mondada (par exemple Mondada, 2006a, page 48) sur l’analyse du discours dans des situations d’interactions sociales, soulignent que « l’analyse de la multimodalité a élargi les ressources devant être prises en compte par l’analyse pour rendre compte des détails vers lesquels s’orientent les participants eux-mêmes, mettant en lumière des dynamiques d’ajustement, de coordination et de synchronisation extrêmement fines entre la parole, les gestes, les regards, le corps».

Ces dimensions verbales et non-verbales (la proxémique et la kinésie) présentes dans le discours ainsi que la dimension temporel du déroulement de l’action représentent des éléments pertinents pour l’étude des décisions en interaction.