Problématique

Dans notre travail, nous ne prenons pas une perspective cognitiviste ; cela signifie que nous ne prétendons pas élucider ce qui relève des processus mentaux de l’enseignant.

Nous considérons que l’action d’un enseignant n’est pas « insensée » (Schön, 1996) ; elle prend son sens en fonction des évènements qui se déroulent en interaction. Ce que nous étudions c’est les décisions de l’agent enseignant dans le déroulement réel de son enseignement. Il est confronté à plusieurs classes simultanément. Ce phénomène représente un phénomène fondamental de la réalité du travail de l’enseignant, pourtant quasiment non exploité dans les travaux de recherches en sciences de l’éducation. Le déroulement d’une classe est forcement affecté par le processus d’enseignement global. En particulier, l’enseignant va modifier la façon dont il installe le savoir dans une classe en fonction de ce qui lui arrive lors du déroulement des autres classes.

Les trois types de décisions (avant, pendant, après enseignement) que nous avons définis plus haut ne sont pas indépendants puisque c’est le même agent qui les prend. L’enseignant régule ses comportements en tenant compte de tout ce qui lui arrive. Par conséquent, l’enseignant va modifier la façon dont il installe le savoir d’une classe à une autre.

D’un autre côté, l’hypothèse sur laquelle nous basons notre démarche interactionniste en didactique est que l’interaction en classe joue un rôle fondamental dans la construction des savoirs en contexte scolaire.

A partir de là nous considérons que les décisions se construisent dans l’interaction avec les acteurs (enseignant et élèves) et les différents éléments de la situation notamment le savoir enseigné. Une décision didactique d’un enseignant se caractérise à la fois par trois dimensions agissant entre elles : la dimension chronogénétique, la dimension topogénétique et la dimension mésogénétique. Les décisions chronogénétiques de l’enseignant aux quelles nous nous intéressons sont alors construites à partir de l’observation de l’action de l’enseignant dans son interaction avec les élèves à travers le discours sur le savoir enseigné à l’échelle microscopique.

Nous postulons, par conséquent, qu’une décision peut être pointée à partir des observables de la situation. En effet, une décision prise à un instant donné ne peut pas être appréhendée seule. Elle prend son sens par rapport au contexte local et/ou global dans lequel elle se forme. Nous définissons dans cette perspective, trois composantes d’une décision inférées dans le déroulement de l’enseignement sur les échelles microscopique, mésoscopique et/ou macroscopique de la séquence : les raisons, les indicateurs et le résultat d’une décision. La décision une fois prise pourrait avoir une influence sur ces différentes échelles. Au cours de notre étude nous aurons l’occasion de montrer un exemple de ces conséquences.

Finalement, nous considérons que le rythme est une composante essentielle de la construction interactionnelle des significations dans la classe ; c’est ce rythme qui permet au savoir de vivre, c'est-à-dire de passer par un cycle de développement permettant les enchaînements des différents savoirs à enseigner et à faire apprendre.

Questions de recherche 

Cela dit, la question générale de recherche peut s’énoncer ainsi :

Comment étudier les mécanismes de ces décisions et leurs conséquences ? Autrement dit, comment l’enseignant construit-il ses prises de décision au cours de son activité en classe ; quels sont les effets repérables que ces décisions peuvent avoir sur l’agencement du savoir enseigné dans une même classe et d’une classe sur une autre ?

Nos positionnements théoriques et les hypothèses de recherche que nous venons d’énumérer, nous ont permis de préciser nos questionnement et de les décliner en deux sous ensembles. Le premier concernant la décision et sa caractérisation sur les différentes échelles temporelles, le second s’intéresse aux effets des décisions sur le rythme de la progression du savoir :