4.3.3. Caractérisation du savoir enseigné à l'échelle microscopique

Nous avons caractérisé le savoir enseigné dans les épisodes à partir des travaux sur la modélisation et des travaux sur les registres sémiotiques.

4.3.3.1. La modélisation

Nous avons utilisé les travaux sur la modélisation en utilisant deux méthodes différentes. La première visait à catégoriser les mots du contenu enseigné dans le discours de l’enseignante suivant qu’ils proviennent du monde des objets et des événements ou du monde des théories et des modèles. Notre but était de créer une méthode qui nous permettra de tracer et de mettre en lien le contenu enseigné sur le plan macroscopique dans ses différents contextes; ce qui nous donnera la possibilité de parcourir un contenu enseigné rapidement pour divers objets de recherche entre autre le traçage d’une décision ; en effet cette étape rentre aussi dans le processus d’indexation de nos données. Notre seconde méthode visait à coder l’articulation de ces mots du contenu dans le discours de l’enseignante suivant les éléments de la modélisation dans le but de comprendre la variation de cette dimension.

La répartition de ce contenu en prenant en compte les travaux sur la modélisation, nous paraissait intéressante. En effet, dans l’enseignement de la physique, les variations de ces différentes dimensions sont omniprésentes dans le discours de la classe. Nous partons de cette définition de Tiberghien (1994) pour coder les épisodes :

‘“ Models consist of qualitative and quantitative functional relations between physical quantities in order to represent the selected aspects of a set of material situations […] The experimental field of reference involves the experimental situations which belong to the domain of validity of the theoritical construction (theory + Model) brought into play in modeling. This field consists of experimental facts, experimental devices and measurements. It is also possible to consider that measurements are in between the level of objects and events and that of the model. The type of language associated with this level is the description of facts in terms of events and objects”. ’

Ce codage sera adapté à notre situation. Nous étudions une séquence en électricité en cinquième où les frontières entre les deux mondes ne sont pas toujours claires. En effet, dans les programmes français et libanais actuels, cette séquence est considérée comme la première confrontation des élèves à la notion de circuit et de courant électrique dans le contexte scolaire. Au fur et à mesure de la séquence, des mots tels que les « bornes », « les dipôles », « générateur » glissent d’un monde à un autre dans le discours de l’enseignante. Ils sont définis au tout début de la séquence comme élément appartenant au monde des théories et des modèles. Mais rapidement, cette différentiation n’est plus claire dans le discours de l’enseignante, ils sont tantôt utilisé comme élément du monde des théories et des modèles tantôt des éléments du monde des objets et des évènements.

Nous avons pris en considération lors du codage de la dimension de modélisation les critères suivants :

  • le contexte de la séance et la mémoire didactique (Mercier & al, 2005) de la classe. Un épisode prend son sens dans le contexte dans lequel il se trouve.
  • le point de vue de la modélisation dans le discours de l’enseignante telle qu’il est prononcé lors d’un épisode.
  • Le discours des élèves sur le contenu ne sera pas codé, par contre il ne sera pas négligé, puisque nous considérons que le savoir enseigné est construit conjointement (Sensevy & Mercier, 2007) entre l’enseignant et sa classe. Ce savoir est reflété dans le discours de l’enseignante.
  • La multimodalité dans le discours de l’enseignante

Les critères ci-dessus sont communs pour les deux types de codage suivants :

Le codage des « mots du contenu »

Nous avons construit une liste des « mots de contenu » en nous basant sur la préparation de l’enseignante, le manuel de la classe et son discours sur le déroulement de la séance lors des entretiens avant enseignement (Annexe 1, 2 et 4). Cette liste a été complétée a posteriori au fur et à mesure des visionnements des séances. Nous avons réparti ces mots en deux listes différentes : suivant qu’ils réfèrent au monde des objets et des événements ou du monde des théories et des modèles. Certains mots appartiennent à la fois aux deux listes. D’une part, l’appartenance de certains contenus à un des mondes change et évolue. D’autres part, des mots de contenu exprimé par l’enseignante peuvent être codés par un même mot, dans le but de réduire relativement les redondances des mots du contenu dans cette liste ; c’est le cas par exemple de l’objet générateur : « la pile », « la batterie », « pile ronde », « pile plate » ; ils seront codés tous par le mot clé « générateur objet » dans le cas où ils appartiennent au monde des objets et des évènements.

Comme nous l’avons précisé dans l’introduction de cette partie, la dimension multimodale dans le discours de l’enseignante a été prise en considération lors de notre codage. Si l’enseignante parle du « moteur » en faisant référence au symbole du moteur présent au tableau, le moteur sera codé « symbole du moteur » comme un contenu appartenant au monde des théories et des modèles et non pas au monde des objets et des évènements ; dans certains cas les déictiques ont été codés en l’absence d’une verbalisation explicite de l’enseignante. 

Le codage du discours à l’intérieur d’un épisode

Le discours à l’intérieur d’un épisode donné est classé suivant qu’il provient du monde des objets et des évènements (MTM), du monde des théories des modèles (MOE) ou des liens entre les deux (MOE <-> MTM).

Nous nous intéressons à faire cette distinction afin d’étudier quand est ce que l’enseignante éprouve la nécessité de faire un passage d’un monde à un autre ou réalise un lien entre les deux ; comment s’articule ces différentes dimensions dans son discours ?