1.2. La moyenne de la durée des épisodes en fonction de la nature des épisodes

Le calcul de la moyenne des épisodes en fonction de la nature des épisodes (tableau 1.3) nous permet d’approfondir le résultat du paragraphe précédant. Le tableau 1.3 renvoie aux effectifs d’épisodes et aux durées moyennes du total de ces épisodes par nature d’épisodes.

Tableau. 1.3 moyenne des épisodes de chaque classe par rapport aux différents types d’épisodes de la catégorie « nature des épisodes »
Nature Episodes Gestion de l’ordre contenu Gestion de la classe Expérimentaux Total
Effectif des épisodes (classe A) 50 (4%) 722 (65%) 254 (23%) 90 (8%) 1116 (100%)
Moyenne des durées des épisodes (classe A) 00:00:19 00:00:42 00:00:27 00:00:35 -
effectifs des épisodes (classe B) 86 (9%) 605 (62%) 227 (23%) 59 (6%) 977 (100%)
Moyenne des durées des épisodes (Classe B) 00:00:24 00:00:42 00:00:27 00:00:25 -

Ce tableau met en évidence des variations et des régulations entre les valeurs d’une même classe et à l’intérieur d’une même valeur de deux classes.

Sur le niveau inter-valeur, nous observons une différence entre les moyennes de la classe A ; la moyenne des durées des épisodes de contenu est la plus grande suivie des épisodes expérimentaux, des épisodes de gestion de la classe et de gestion de l’ordre. Pour la classe B, les épisodes de contenu ont la plus grande moyenne, les trois autres moyennes (27, 25 et 24) se situent dans le même ordre de grandeur.

L’enseignante consacre un temps moyen plus grand pour le contenu enseigné que pour les autres natures d’épisodes dans les deux classes. 65% du total des épisodes sont consacrés aux épisodes du contenu pour la classe A et 62 % pour la classe B. De plus, l’enseignante manipule rarement lors des différentes activités, ce qui se traduit par un nombre relativement faible d’épisodes expérimentaux dans les deux classes. Les manipulations sont faites souvent par les élèves.

Ces deux observations mettent en évidence une composante du profil méthodologique de l’enseignante en classe : l’enseignante, en co-action avec les élèves, produit des épisodes plus longs pour le savoir enseigné plus qu’elle ne le fait pour l’expérience ou pour la gestion de l’ordre ou l’organisation de la classe.

Sur le plan intra-valeurs de la catégorie nature des épisodes entre les deux classes, nous observons une régularité des moyennes des épisodes de contenu (42 secondes) d’une part et des épisodes de gestion de classe (27 secondes) d’une autre part. L’enseignante maintient un rythme de discours régulier propre à ces deux valeurs. Ces deux unités semblent indépendantes de la variable classe. L’enseignante conserve un rythme régulier vis-à-vis des différences existantes entre les deux classes. Ce rythme semble directement dépendant de l’enseignante et sa relation avec le savoir enseigné.

Cela n’est pas le cas des moyennes des épisodes expérimentaux et de gestion de l’ordre. Entre les moyennes des durées des épisodes expérimentaux des deux classes, il existe une différence de 10 secondes (35 secondes pour la classe A et 25 pour la classe B). Nous pouvons renvoyer cet écart à la différence de progression de la séquence dans les deux classes, plus particulièrement les phases expérimentales. En effet, le discours de l’enseignante y semble plus heurté dans la classe B que dans la classe A. Par exemple, alors que l’enseignante fait faire aux élèves de la classe A une expérience par séance sur la notion des conducteurs et isolant d’une part et du fonctionnement du support d’une lampe (séance 3A et la séance 4A), les élèves de la classe B (séance 2B) effectuent ces deux manipulations successivement lors d’une même séance : l’enseignante fait faire aux élèves la manipulation pour comprendre le fonctionnement de la douille et celle des conducteurs et isolants afin d’introduire cette notion. C’est aussi le cas si on compare la séance 5B et la séance 6A ; lors de l’introduction du sens du courant électrique, la séance 6A est totalement consacrée à l’introduction du sens du courant électrique en utilisant un moteur ; la séance 5B est consacrée à la fois à un test de 20 minutes au début de la séance, et à l’introduction de la notion du sens du courant électrique au moyen d’une diode électro luminescente.

De même, la moyenne des durées des épisodes de gestion de l’ordre marque 5 secondes de différence entre les moyennes des deux classes.

Nous ne pouvons dire davantage concernant les moyennes pour ces deux valeurs expérimentales et gestion de l’ordre puisque leurs occurrences est faible par rapport aux épisodes de contenu et aux épisodes de gestion de classe qui représentent respectivement 88% et 85 % du total des épisodes de la classe A et de la classe B.

Cela dit, ce que cette analyse produit comme résultat est le rythme propre du discours de l’enseignante. C’est une enseignante qui a un rythme très particulier ; elle possède un certain profil d’interaction avec ses élèves.

Du point de vue de la pratique de classe et la pratique enseignante, ces épisodes traduisent une réalité de la classe, plus précisément la réalité de l’action de l’enseignante. En effet, cette unité d’analyse est identifiée à partir de l’action de l’enseignante et de ses actions discursives. Le tableau 1.3 semble indiquer l’existence d’un rythme propre les épisodes de contenu et les épisodes de gestion de la classe, indépendant de la classe, dépendant donc plutôt de l’enseignante. En effet, la moyenne des durées des épisodes, d’une classe à une autre, garde la même moyenne au sein des deux classes. Nous pouvons nous demander si ce rythme représente une caractéristique du profil du métier d’un enseignant.

Ce résultat ouvre une nouvelle perspective. En effet, nous pouvons nous demander si nous pouvons généraliser ce travail chez d’autres enseignants et dans d’autres contextes d’enseignement différents. Est-ce que cette régularité existante entre les épisodes de contenu et les épisodes de gestion de classe représente « une signature » propre à chaque enseignant dans une situation d’enseignement ? Varie-t-elle suivant le contenu enseigné, suivant le niveau des classes chez un même enseignant ?

Nous pouvons rapprocher ces résultats aux travaux sur les pratiques enseignantes menés par Maurice et Allègre (2002). Ces auteurs ont montré à partir du modèle de l’invariance temporelle relative l’existence d’une « invariance temporelle des pratiques enseignantes » provenant d’un savoir-faire implicite d’un enseignant. Les résultats menés sur 3 enseignants lors des périodes de résolution montrent que le temps concédé aux élèves pour chercher lors d’un problème donné est proportionnel à la durée globale de résolution des problèmes chez chaque enseignant mais différent d’un enseignant à l’autre.