5.3. L’histoire de l’électrocution et de l’électrisation (D0076)

Ce dernier exemple représente une histoire de décision sur un plan mésoscopique de la séance 3B. La figure 5.7 représente le chainage de la décision D0076. Cette décision est tracée le long de la séance 3B ; le résultat de la décision de l’enseignante est localisé à l’épisode 62 (figure 5.15). Les épisodes 35, 52, 54, 55 et 62 représentent les raisons qui ont poussé l’enseignante à prendre une décision générant ainsi l’action de l’épisode 62. L’indicateur de la décision se trouve au niveau même de l’épisode 62. Elle représente la séance de mise en commun de l’activité de conducteurs et des isolants. Cette séance a été marquée par un grand nombre de questions des élèves sur la notion de sécurité électrique que l’enseignante n’envisageait pas de présenter lors de cette séance. Les épisodes concernés sont tous générés par des questions des élèves.

Figure 5.7 Image d’écran de la base de données de Transana ; chainage des décisions 76 et 95

En effet, à cet instant là de la séance 3B, l’enseignante écoutait les questions des élèves. Un élève à l’épisode 62 pose une question: « Si je me suis électricité ». Il est interrompu par l’enseignante. L’enseignante corrige le participe passé « électricité » et le remplace par le participe passé « ELECTROCUTÉ » en appuyant là-dessus (transcription 5.22). Ceci représente la raison du déclenchement de la décision qui est en train de ce mettre en place au sein de cet épisode. L’enseignante se dirige alors vers le tableau et demande aux élèves de noter le verbe « s’électrocuter » et « électriser » et les inscrit au tableau (le verbe « électriser » sera inscrit à la suite de l’intervention de l’élève qui voulait l’utiliser à la place d’électrocution). Le déplacement de l’enseignante au tableau pour écrire le verbe « électrocuter » représente l’indicateur de la décision qui a été prise et qui se manifeste par l’écriture des deux verbes (transcription 5.22)

Nous estimons que cette action n’aurait pas eu lieu sans la suite des épisodes de la figure 5.7 : les élèves n’arrivaient pas à prononcer et à utiliser le mot électrocution convenablement ; ils le prononçaient d’une manière erronée, ou l’introduisaient en arabe (Men Ka-h-réb) au sein d’une phrase construite en français.

En effet, nous commençons à observer ceci à partir de l’épisode 35 : un élève demande la traduction à l’enseignante du mot « Ka-hér-bo » pour qu’il puisse poser sa question. L’enseignante lui traduit le mot (transcription 5.23).

La séance continue ; les questions des élèves tournaient autour de la sécurité électrique et leurs diverses observations de la vie quotidienne. A l’épisode 52 (transcription 5.24), un autre élève utilise une autre fois d’une façon erronée le verbe « s’électrocuter » en le prononçant avec difficulté, l’enseignante corrige rapidement l’utilisation du verbe en l’introduisant dans sa forme pronominale. L’élève continue alors la suite de sa question.

Ceci se reproduit aussi à l’épisode 54 (transcription 5.25), l’enseignante comprend ce que l’élève voulait dire et continue le bout de phrase à sa place. L’élève poursuit ensuite sa question :

A l'épisode 55, un autre phénomène est introduit par les élèves, le phénomène d’électrisation. Ce phénomène est indiqué généralement par le même mot en arabe dans le langage de la vie quotidienne. Les élèves utilisent le mot « Ka-h-réb » pour designer électrocution et électrisation. C’est le contexte dans lequel le mot est introduit qui permet généralement de comprendre de quel phénomène il s’agit. C’est le cas de cet épisode. L’enseignante introduira alors pour la première fois le mot électrisation.

Cette série de difficultés qu’ont les élèves pour manipuler un mot de langue française désignant un phénomène qu’ils observent fréquemment, a poussé finalement l’enseignante à inscrire à l’épisode 62 ces deux verbes au tableau en demandant aux élèves de le faire aussi (transcription 5.22).

Ce que nous venons de décrire dans ce paragraphe, c’est le résultat des trois décisions microscopiques en relation avec le contenu enseigné. Ces décisions sont prises spontanément dans le flot du discours sur le contenu. Elles sont prises suite à des séries d’actions reproduites sur le plan mésoscopique et macroscopique de la séquence qui les ont engendrées. Il est vrai que ce sont des décisions interactives que l’enseignante prend au moment même de la situation, cependant elles possèdent une histoire sur un plan méso- ou macroscopique et ne sont explicables que par rapport à ce qui s’est passé en interaction précédemment dans la séquence.

En effet, ils mettent en évidence qu’un enseignant gère en même temps plusieurs lignes d’action en relation avec le contenu enseigné à partir desquelles l’échelle macroscopique et l’échelle microscopique sont construites. Ces actions sont cohérentes entre elles et sont construites au fur et à mesure du déroulement de l’action.

Ces histoires mettent en lumière la méthodologie que nous avons suivie :

Ces deux points combinés nous ont facilité la compréhension et le traçage de l’action didactique de l’enseignante et la compréhension de la genèse du savoir par l’enseignante dans le temps.

Finalement, la reconstruction des actions en général et la reconstruction de la cohérence d’une décision de l’enseignante en particulier en se basant sur une analyse multimodale de l’action de l’enseignante, nous a aidé à étudier cette action dans sa complexité, dans le contexte local et global dans lequel elle se forme. La possibilité d’avance et de retour en arrière dans les données et la possibilité de raccrochage temporel de plusieurs extraits vidéo sur l’échelle de la séquence (l’opération de chainage) nous a offert une meilleure compréhension de la cohérence de cette action au fil du temps.