1. Résultats méthodologiques

Notre méthodologie a donné lieu à :

  • une discrétisation des unités discursives ; nous avons transformé le « continu » du déroulement de la classe en éléments discrets. Les parties du discours ainsi découpées peuvent jouer plusieurs rôles en fonction des problématiques de la recherche.
  • une instrumentation de la base de données vidéo en adaptant aux besoins plusieurs points de vue théoriques. Cette instrumentation dépend des propriétés du logiciel d’annotation utilisé, ici Transana.
  • la mise en place d’une typologie de décisions chronogénétiques mettant en relation l’échelle microscopique avec l’échelle mésoscopique et macroscopique des séquences étudiées. Cette typologie permet d’étudier :
    • l’articulation du savoir enseigné dans le discours de l’enseignante suivant des « décisions d’articulation » : « avancer », « annoncer », « appeler », « rappeler » et « reprendre »
    • le rythme d’introduction de ce savoir suivant une catégorie de « décisions temporelles » : « progresser » et « s’attarder ».

Isoler l’action de l’enseignante dans des unités discursives microscopiques homogènes ayant un début et une fin clairs en prenant en compte la multimodalité de l’action de l’enseignante d’une part et la construction de la cohérence de ces actions au fil de la séquence à partir de Transana d’autre part, nous a facilité la compréhension de la genèse du savoir par l’enseignante au cours du temps. En effet, la maniabilité au niveau des créations de mots clés que nous offre ce logiciel une fois la base de données construite, ainsi que la procédure d’indexation traçant la chronologie exacte du déroulement de l’action dans ses entrelacements entre les différentes classes, offre une facilité de gestion et de parcours d’un grand nombre de bande vidéo dans un temps relativement raisonnable. La possibilité d’avance et de retour en arrière dans les données et la possibilité de raccrochage temporel de plusieurs extraits vidéo sur l’échelle de la séquence (l’opération de chaînage) nous a offert une meilleure compréhension de la cohérence de cette action au fil de 22 heures d’enregistrement, découpées en deux milliers d’épisodes environ.

Sur cette base, nous avons reconstruit à un niveau mésoscopique l’intention didactique d’un enseignant en situation à partir de l’étude des décisions. Nous avons défini l’intention comme un ensemble d’actions observables représentant les résultats de décisions. Nous avons défini l’empan comme étant un ensemble continu d’épisodes. Une intention est formée d’un ou de plusieurs empans.

À un autre niveau nous avons défini ce que nous appelons histoire d’une décision comme une unité temporelle permettant de reconstruire la cohérence d’une décision chronogénétique sur le plan mésoscopique et macroscopique de la séquence, en prenant en considération l’effet des entrelacements que peut avoir une classe sur l’action de l’enseignante dans la prise de décision dans l’autre classe. Cette reconstitution est faite à partir de Transana à partir de l’opération de « chainage », en attribuant à cette suite un numéro unique permettant de tracer l’histoire d’une décision au fil de la séquence.

Nous avons construit au cours de cette thèse une véritable base de données prête à être utilisée pour d’autres types de recherche sur la base des unités élémentaires. Par exemple, compte tenu que les épisodes constituent l’unité élémentaire de plusieurs entités mésoscopiques ou macroscopiques (par exemple les thèmes ou les intentions), la base de données pourrait être utilisée pour repérer aussi bien des thèmes que des intentions.

En outre, cette étude fournit des outils pour la modélisation de l’action de l’enseignante en se basant sur un logiciel d’annotation des données. Nous visons à partir de ce travail aborder les questions qui se posent actuellement sur l’analyse des pratiques de classe sur une longue durée d’enregistrements audio et/ou vidéo et la reconstruction de la réalité de ces pratiques sur des bases théoriques communes entre plusieurs chercheurs. La reconstruction des données sur la base d’une unité discursive à l’échelle microscopique en prenant en compte les dimensions verbales et non verbales du discours des acteurs est un élément de réponse.  Ce découpage réduit au maximum la perte d’information sur le déroulement d’une séance. Son implémentation sur Transana permet de construire une base de données ouverte à plusieurs types d’analyse en optimisant le temps de recherche et d’analyse des données sur une question donnée d’une part et d’établir des liens entre les échelles microscopique, mésoscopique et macroscopique d’une séquence, d’une autre part.