I.1.3.2 Solms et l’ « International Neuro-Psychoanalysis Society »

En 1992, le neuropsychologue sud-africain Mark Solms (°1961) présente au « Psychoanalysis Neuroscience Study Group » ses travaux sur le rêve (Solms, 1997137). Solms138 découvre les travaux de Freud à l’occasion d’un séminaire de philosophie de Jean-Pierre Delport en 1983 en tant qu’étudiant en psychologie appliquée à l’Université de Johannesburg. Il travaille d’abord une lecture de l’Esquisse, suivie par celle de Contribution à la conception des aphasies. Il entreprend sa formation théorique en neurosciences et en psychologie sous la direction de Michael Saling, professeur de neuropsychologie à Johannesburg. Karen Kaplan, alors étudiante de Saling, avait développé un intérêt particulier pour la psychanalyse et la neuropsychologie. Elle avait déjà réfléchi à l’importance de l’interface possible entre les deux disciplines et ne se prive pas d’en faire part à Solms avec qui elle se marie peu après. En 1986, Solms publie avec Saling, un article sur l’articulation de la psychanalyse et des neurosciences: « On psychoanalysis and neuroscience: Freud’s attitude to the localizationist tradition » dans l’International Journal of Psychoanalysis 139. Stremler propose que l’orientation du débat de ce qui deviendra la neuropsychanalyse est déjà dans cette publication: l’article passe en revue la possibilité d’un rapprochement entre la psychanalyse et les neurosciences, il évoque la lecture cybernétique de l’Esquisse par Karl Pribram140, il met en doutes les conclusions de McCarley et Hobson dans leur célèbre article de 1977 sur le rêve141, il introduit la neuropsychologie dynamique de Luria (voir I.2.2.1.1) en indiquant qu’elle devrait être le point de contact entre la psychanalyse et les neurosciences. Ce papier ne suscite que de modestes commentaires. Stremler indique comment Solms sait néanmoins en tirer profit en l’insérant dans les courriers qu’il commence à échanger avec plusieurs neuroscientifiques et psychanalystes de renommée internationale, tels qu’Ostow, Kurt Eissler et le neurologue britannique Oliver Sacks. Ostow recommande à Solms d’aller se former à la psychanalyse à New York ou à Londres et est le premier à l’accueillir à New York pour lui permettre de présenter son travail de thèse. Sacks apporte sa notoriété lorsqu’il s’agit de recruter des neuroscientifiques dans le mouvement neuropsychanalytique. À la même époque, Solms publie « A Moment of Transition, Two Neuroscientific Articles by Sigmund Freud »142: il y démontre l’intérêt épistémologique, scientifique et historico-scientifique des textes dits pré-analytiques de Freud, que ce soit pour la psychanalyse elle-même ou pour les sciences neurologiques actuelles. Solms s’installe à Londres en 1989 et démarre une analyse avec Clifford Yorke, psychanalyste d’orientation annafreudienne. Invité par Ostow, avec qui il entretient une correspondance, Solms fait une présentation de son étude clinico-anatomique sur le rêve à un séminaire de l’Académie de Médecine de New York le 11 avril 1992. Ostow convie spécialement Pfeffer à ce séminaire.

C’est alors, le 14 avril 1992, que Solms présente devant la New York Psychoanalytic Society cette étude sur le rêve, qu’il publie en 1997. Il s’agit de l’étude des rêves chez 332 patients cérébrolésés, laquelle démontre que les principaux processus psychologiques du rêve sont mis en jeu dans des structures encéphaliques supérieures plutôt que dans les noyaux du tronc cérébral régulateurs du sommeil paradoxal143.

L’impact majeur du livre est la démonstration du rôle crucial d’un nombre de structures corticales dans la génération des rêves. Ceci est en contradiction avec la notion précédemment établie que le sommeil REM et donc le rêve sont principalement le résultat de structures pontines144. La « théorie pontine » du neuroscientifique Allan Hobson à Harvard a mené à la conviction que les rêves sont intrinsèquement sans signification. Selon Hobson, le rêve a son origine dans la même région du pont qui génère aussi le REM: sa recherche sur les chats démontre que cette région produit des signaux relativement chaotiques qui activent le prosencéphale et le forcent à produire du sens tant bien que mal (une « synthèse ») sur base de l’input de bruit qu’il reçoit de divers évènements phasiques (intermittents), en particulier sous la forme de piques ponto-geniculo-occipitales (PGO) cholinergiques145. Hobson propose que la force primaire qui motive le rêve ne soit pas psychologique mais physiologique puisque la survenue et la durée du rêve sont plus ou moins constantes, ce qui suggère un mécanisme générateur préprogrammé et neuralement déterminé. Le fait que le REM soit généré automatiquement par des mécanismes du tronc cérébral, éliminerait toute possible contribution d’idées (ou de leurs substrats neuraux) dans la force motrice primaire du rêve146. De ce fait, concluent les auteurs, il est justifiable d’en déduire que les mécanismes causant le rêve sont « neutres d’un point de vue de la motivation »147 et que l’imagerie de rêve n’est guère plus que le « best possible fit of intrinsically inchoate data produced by the auto-activated brain-mind »148. La crédibilité de la théorie freudienne est donc sévèrement mise en cause. On se souvient que lors du congrès annuel de l’American Psychiatric Association de 1976, un vote écrasant de ses membres a condamné la crédibilité scientifique de la théorie freudienne du rêve, donnant ainsi raison à Hobson.

Solms dément que le sommeil REM, qui a son origine dans les structures pontiques, soit le déclencheur du rêve149. Bien qu’il puisse y avoir concomitance entre rêve et sommeil paradoxal mais les deux sont décorrélés car il peut obtenir des récits de rêves chez des patients dont les structures pontiques sont lésées. Il propose que le sommeil REM soit simplement une des diverses « sources somatiques » du rêve possibles que Freud (1900) propose dans les chapitres 1 à 5 dans son Interprétation des rêves. Ce qui est remarquable, c’est que ce travail s’appuie essentiellement sur une étude neuropsychologique. Solms emprunte une « neuropsychologie dynamique » à Luria150 et y adjoint une investigation psychanalytique: il fonde ainsi une méthode « neuropsychanalytique ».

C’est ainsi que Solms propose un modèle neuropsychologique du rêve:

  • Solms note d’abord que la perte de l’imagerie de rêve (syndrome de Charcot-Willebrand) est accompagnée par un déficit analogue à l’état de veille: le non-souvenir visuel qui implique les fonctions de mémoire visuelle des aires tels que le cortex occipito-temporal, et non les fonctions perceptuelles du cortex visuel primaire dans le lobe occipital. Il fait dès lors l’hypothèse que la rétroprojection impliquée par le rêve ne peut procéder jusqu’aux structures visuelles primaires activées durant la perception éveillée. Il observe que des lésions dans les aires Brodmann 39 et 40, dans chacun des hémisphères, semblent causer la variante postérieure d’une perte d’imagerie onirique globale et propose que ces aires constituent la source de la rétroprojection sur les aires visuelles associatives.
  • La matière profonde des lobes frontaux, juste au-dessus des yeux contient une trajectoire de larges fibres, qui transmet la dopamine du centre du cerveau aux parties supérieures du cerveau. Il s’agit des circuits dopaminergiques mésolimbiques151 de récompense. L’endommagement de cette trajectoire rend le rêve impossible mais laisse le cycle REM intacte. Ceci suggère que le rêve est généré par un mécanisme différent de celui qui génère le sommeil REM: une conclusion qui est appuyée par l’observation que la stimulation chimique de cette trajectoire dopaminergique induit une augmentation de la fréquence et de la vivacité des rêves sans affecter la fréquence et l’intensité du sommeil REM. La fonction de cette trajectoire supérieure cruciale pour la génération du rêve est d’« instiguer des comportements dirigés vers un but et l’interaction appétitive d’un organisme avec le monde »152; c’est-à-dire, de motiver le sujet à chercher et à s’engager avec les objets externes qui peuvent satisfaire ses besoins biologiques internes. Il s’agit là précisément des fonctions que Freud attribue à la pulsion libidinale – l’instigateur primaire du rêve – dans sa théorie. Il est d’intérêt considérable d’observer qu’une lésion de cette trajectoire cause la cessation du rêve, en conjonction avec une réduction massive du comportement motivé. Solms propose que ce circuit mésolimbique produit une impulsion instigatrice au rêve quand il est activé par des stimuli excitants (p. ex. l’input environnemental, l’excitation montante venant du tronc cérébral dans le REM, les décharges épileptiformes).
  • Solms153 souligne que l’aspect le plus remarquable du cerveau rêvant est que la convexité frontale dorsolatérale est complètement inactive durant le rêve. C’est d’autant plus remarquable qu’il s’agit là d’une des aires les plus actives de l’activité mentale éveillée. En comparant les images d’un cerveau en éveil à celle d’un cerveau rêvant, on est littéralement confronté à la vérité de l’assertion de Fechner (1889) que « la scène de l’action dans le rêve est différente de celle de la vie idéationnelle éveillée »154. Alors que, dans la vie idéationnelle éveillée, la « scène de l’action » est concentrée dans la région dorsolatérale de l’aire frontale – la limite postérieure du système moteur ou le passage de la pensée à l’action155 –, dans le rêve, par contre, cette activation est concentrée dans la région occipito-temporo-pariétale à l’arrière du cerveau, dans les systèmes de mémoire et de perception. En bref, dans le rêve, la scène vire du côté moteur de l’appareil au côté perceptuel. Il est ici extrêmement intéressant de noter que les systèmes inhibiteurs majeurs du prosencéphale sont situés à la terminaison motrice, comme ils l’étaient dans la représentation schématique de l’appareil mental de Freud (1900; voir Figure 2).
Figure 2: La représentation schématique de l’appareil mental de Freud (1900)
‘L’appareil a deux extrémités, d’un côté, le système Pcpt (perceptif, sensitif) qui reçoit les perceptions, et, de l’autre, le système M (moteur) qui permet une réponse motrice. Lorsqu’une stimulation entre dans l’appareil psychique, elle y laisse des traces mnésiques (Mnem Mnem’, les lignes verticales). Ces systèmes retiennent tel ou tel aspect de la stimulation. Dans le rêve, l’activation régresse dans l’autre sens de la terminaison M vers le système Pcpt. ’
  • Ceci reflète le fait que, si durant la vie éveillée le cours normal des évènements est dirigé vers l’action, ce trajet n’est pas disponible pour le rêve. Le passage vers les systèmes moteurs (la convexité frontale dorsolatérale) est bloqué durant le rêve156, comme le sont les canaux de l’exécution (les motoneurones alpha de la moelle épinière157). Ce qui veut dire que tant l’intention que la capacité d’agir sont bloquées durant le sommeil. Il semble faire sens d’inférer (comme l’avait fait Freud) que ce blocage est la cause immédiate du processus de rêve, en supposant un trajet régressif, partant des systèmes moteurs vers les systèmes perceptuels.
  • Finalement, Solms formule l’hypothèse que le passage postérieur du circuit sous-cortical est surveillé par un processus dans les aires frontales médiobasales qui contrôle la réalité, puisque l’endommagement de cette aire produit des rêves intensifiés et des symptômes de confusion entre le rêve et l’éveil. Ce qui revient à dire que la relative inactivation de parties cruciales des systèmes réflectifs dans les aires frontales du cerveau limbique durant le sommeil, ferait que la scène de rêve imaginée soit acceptée sans sens critique, et que le rêveur confonde la scène générée intérieurement avec une perception réelle. Une lésion au niveau de ces systèmes réflectifs (qui, de toute évidence, ne sont pas entièrement inactifs durant le sommeil) donne lieu à un état particulier de rêve presque constant durant le sommeil et d’une incapacité de distinguer les pensées des évènements réels durant l’éveil. Ceci corrobore l’hypothèse d’un processus continu de pensée durant le sommeil, qui est converti en rêve dans différentes conditions physiologiques, dont le sommeil REM n’est qu’une forme parmi d’autres. De façon spéculative, il associe le réseau résultant avec la fonction protectrice du rêve dans l’approche classique du rêve par Freud. En résumé, les impulsions sous-corticales appétitives sont « censurées » par le système limbique antérieur, après quoi elles sont rétroprojetées sans risque sur les mécanismes représentationnels du cortex postérieur.

Pour résumer, le processus du rêve est initié par un stimulus excitant. Si ce stimulus est suffisamment intense ou persistant pour activer le mécanisme motivationnel du cerveau, le processus du rêve au sens propre se met en marche. Le fonctionnement du système motivationnel du rêve est normalement canalisé vers l’action dirigée, mais l’accès au système moteur est bloqué durant le sommeil. Cette action intentionnelle, qui serait le résultat normal d’un intérêt motivé, est alors rendue impossible durant le sommeil. Par conséquent (et peut-être bien pour protéger le sommeil), le processus d’activation s’avance dans un trajet régressif qui impliquerait deux étapes. D’abord, les parties supérieures du système perceptuel (qui servent à la mémoire et à la pensée abstraite) sont activées; ensuite, les parties inférieures (qui servent à l’imagerie concrète) sont activées. Le résultat de ce processus régressif est que le rêveur ne s’engage pas effectivement dans l’action motivée, mais plutôt dans des images de lui-même ce faisant. Parce que les systèmes réflexifs de la partie frontale du cerveau limbique sont inactifs durant le sommeil, la scène imaginée est acceptée sans critique et le rêveur la confond avec une perception réelle. Bien que le mécanisme de la fonction de « censure » ne soit pas élucidé, Solms propose ici les corrélats neurologiques, ou du moins les structures probablement impliquées dans cette censure. Ce modèle est donc en grandes lignes compatible avec la théorie psychologique proposée par Freud.

Stremler158 raconte que lorsque Solms présente cette étude devant la New York Psychoanalytic Society, l’ensemble des membres du deuxième groupe d’étude de neurosciences et psychanalyse du NYPI est présent. À la grande différence de Londres où ses propositions ne reçoivent aucun écho, Solms trouve immédiatement une écoute attentive à New York ainsi qu’une organisation administrative généreusement financée. Pfeffer trouve en Solms un rassembleur, un organisateur, un psychanalyste et un neuroscientifique infatigable. À partir de septembre 1993, Solms se voit confier la tâche de préparer et de présenter une série de huit séminaires pour le groupe d’étude.

En novembre 1995 à New York, le jeune neuroscientifique et admirateur de Freud Robert M. Bilder, prend l’initiative d’organiser la célébration du centenaire de l’Esquisse. Lorsque Bilder contacte le NYPI pour faire part de son projet, il ne reçoit qu’un soutien fort modeste. Curieusement, mis à part Solms, aucun des psychanalystes du groupe d’étude en neurosciences et psychanalyse ne se manifeste lorsque Bilder cherche à réunir un groupe d’orateurs qualifiés pour parler de l’Esquisse. Bilder réussit néanmoins à rassembler un panel relevé de neuroscientifiques, de psychiatres et de philosophes, parmi lesquels on compte: Karl Pribram, Jason Brown, Marcel Kinsbourne, Geert Panhuysen, Robert McCarley, Karl Friston, et Mark Solms159. L’événement réunit environ 150 auditeurs, parmi lesquels une trentaine d’analystes, autour d’un enchaînement étonnant d’exposés qui préfigure des premiers congrès annuels de la neuropsychanalyse à partir de 2000.

Stremler rapporte qu’au printemps 1998, Solms, Martin Azarian160 et le psychiatre, psychanalyste à la NYPI et professeur de psychiatrie, Edward Nersessian se réunissent au domicile new-yorkais de Pfeffer afin de dresser les plans d’une nouvelle revue appelée à devenir le porte-drapeau du mouvement. C’est au cours de cette réunion que Solms crée le néologisme « neuro-psychoanalysis ». L’intéressé précise que le but est de donner un nom à une nouvelle revue, et pas forcément à un nouveau champ scientifique, mais il ajoute cependant qu’ils étaient tous vaguement conscients du destin de ce nouveau terme qui ne changerait plus. D’après Nersessian, c’est en référence à la neuropsychologie que le nom est choisi, et non à une autre neurodiscipline. En 1999, le nouveau périodique voit le jour, qui s’appelle simplement « Neuro-Psychoanalysis »161. Et, finalement, à Londres en juillet 2000, une société internationale, l’« International Neuro-Psychoanalysis Society » (INPS) est fondée, qui vise à promouvoir le travail interdisciplinaire entre la psychanalyse et les neurosciences, et dont James Schwartz devient premier Président Honoraire.

Au moment de la rédaction du présent texte, Solms est psychanalyste chargé de cours en neurochirurgie à la Royal London School of Medicine et professeur de neuropsychologie à l’université de Cape Town en Afrique du Sud. Il est le directeur de l’« Arnold Pfeffer Center for Neuro-Psychoanalysis» à la NYPI et le co-président de l’INPS. D’autres se sont joints à lui, tel le psychologue, psychobiologue et neuroscientifique de l’Université de Washington et de Bowling Green, Jaak Panksepp (°1943), qui travaille à partir d’un modèle animal et propose que des circuits neuronaux affectifs archaïques, communes à l’animal et à l’homme, s’articulent dynamiquement selon un modèle proche du modèle de la pulsion de Freud. Panksepp lance le terme de « neurosciences affectives », le nom du domaine de recherche des mécanismes neuronaux de l’émotion. Il est connu pour ses études sur le rire chez l’animal, tel que le rat, et pour avoir identifié la façon dont l’hormone de l’ocytocine joue un rôle important dans le soin maternel et dans le comportement affiliatif en général. Panksepp plaide haut et fort pour la reconnaissance de l’affect en neurosciences et a établi un texte définitif dans ce domaine dans le livre éponyme « Affective Neuroscience »162. Panksepp est également profondément impliqué dans la théorie psychanalytique et sa pertinence pour les neurosciences163. Depuis juillet 2000, il est avec Solms le co-président de l’International Neuro-Psychoanalysis Society.

Parmi les collaborateurs au cœur  de l’INPS, citons également les neuropsychologues basés au Royaume Uni Oliver Turnbull et Aikaterni Fotopoulou (voir I.1.5.3). Le psychiatre et professeur de psychiatrie et de psychanalyse à Columbia, New York David Olds 164 est avec Turnbull l’éditeur de « Neuro-Psychoanalysis ». Le psychiatre et psychanalyste de l’IPA et de l’APA et professeur de psychiatrie à Chicago, Fred Levin fait également partie de l’équipe éditoriale de « Neuro-Psychoanalysis ». En 1991, Levin publie « Mapping the mind. The intersection of psychoanalysis and neuroscience »165, où il propose de mettre en rapport, entre autres, le développement du cerveau et le sentiment de soi, l’efficacité de la métaphore dans l’interprétation et le couplage de systèmes de mémoire, entre la théorie du traitement de l’information et les cycles REM. En 2004, il publie « Psyche and brain » et il vient de publier « Emotion and the psychodynamics of the cerebellum: a neuro-psychoanalytic analysis and synthesis » 166 . Dans ce dernier livre, Levin propose d’articuler comment l’émotion organise la mémoire à l’interface du cervelet, et comment cette dynamique a trait à la métaphore et à l’apprentissage. Le cervelet créerait des modèles en écho à d’autres parties du cerveau, permettant le tissage de mémoires explicites et implicites et où il serait concevable de situer les différents domaines du modèle topographique de Freud.

D’après les données rassemblées par Stremler, la société compte aujourd’hui à peu près 400 membres et 25 groupes régionaux (principalement en Europe et aux Amériques) et se réunit annuellement des deux côtés de l’Atlantique. Les grandes lignes abordées dans les congrès et la revue Neuro-psychoanalysis depuis 1999 sont, en sus de quelques articles sur le rêve, les suivantes: l’émotion (Solms, Panksepp), le concept d’homoncule inconscient (Crick & Koch), le trauma (Yovell, Saporta, Blechner), l’articulation psychanalyse-sciences cognitives (Semenza, Lane), la confabulation (DeLuca, Solms, Turnbull), le soi et la représentation du soi (Milrod), l’anosognosie (Turnbull), la mémoire (Shevrin), l’identification projective (Greatrex), l’imagerie fonctionnelle IRM (Northoff, Reiser), la vulnérabilité aux assuétudes (Khantzian), la perspective évolutionniste de la structuration psychique (Andrade), la régulation de l’humeur (Ostow), la cérébrolésion et la régulation des affects (Bork), la philosophie de l’esprit (Brown, Talvitie), et l’épistémologie du normal et du pathologique (Nagera). Les cinq congrès annuels, de 1999 à 2007, ont eu, chronologiquement, pour thème: l’émotion, la mémoire, la sexualité et le genre, l’inconscient, l’hémisphère droit, le rêve et la psychose, la relation d’objet, la dépression et le conflit du soi. Damasio, Pribram, Sacks ou Ramachandran ont participé aux premiers congrès. Y sont également intervenus les psychologues Elizabeth Loftus et Daniel Schacter167. Le dixième congrès de l’INPS vient d’avoir lieu à Paris du 26 au 29 juin 2009 et pour ce congrès anniversaire, le thème fut délibérément tenu ouvert: « La neuropsychanalyse, à quoi ça sert? », l’idée étant d’inviter à une réflexion épistémologique explicite et d’accueillir le débat et la controverse sur le statut-même de la « neuropsychanalyse ».

Notes
137.

SOLMS M. (1997). The neuropsychology of dreams: a clinico-anatomical study. Hillsdale, Lawrence Erlbaum.

138.

Texte biographiques sur Solms du chapitre I.1.3.2 (sauf le détail de la théorie du rêve de Solms) repris en grande partie de STREMLER E. & CASTEL P-H. (2009) Pour une histoire des débuts de la neuropsychanalyse: premiers éléments de réflexion à partir de sources inédites., op. cit .

139.

SOLMS M. & SALING M. (1986). On psychoanalysis and neuroscience: Freud’s attitude to the localizationist tradition. International Journal of Psychoanalysis, 67, 397-416.

140.

PRIBRAM K. (1965). Freud’s project: An open biologically based model for psychoanalysis. Dans Psychoanalysis and current biological thought, ed. N.S. Greenfield et W.C. Lewis, The University of Wisconsin Press, 81–92.

141.

HOBSON J.A. & MCCARLEY R.W. (1977). The brain as a dream state generator: an activation-synthesis hypothesis of the dream process. American Journal of Psychiatry, 134, 1335-1348.

142.

SOLMS M. & SALING M. (1990). A moment of transition: two neuroscientific articles by Sigmund Freud, London, Karnac.

143.

Le sommeil paradoxal correspond à la dernière phase (cinquième phase) d'un cycle du sommeil. Les quatre premières phases correspondent au « sommeil à ondes lentes ». Au contraire, lors de la dernière phase, la cinquième de chaque cycle, l'activité électrique du cerveau et des yeux est très importante (d'où le terme anglais REM). L'activité électrique du cerveau est proche de celle de l'éveil, d'où l'expression « sommeil paradoxal ».

144.

Le pont, situé au-dessus du bulbe rachidien, relie le tronc cérébral au cervelet. Le pont reçoit des informations des aires visuelles pour contrôler les mouvements des yeux et du corps et joue un rôle dans le contrôle des schémas de sommeil et d'éveil. Il retransmet les informations au cervelet qui contrôle la coordination des mouvements musculaires et le maintien de l'équilibre.

145.

HOBSON J.A. & MCCARLEY R.W. (1977). The brain as a dream state generator: an activation-synthesis hypothesis of the dream process, op. cit.

146.

Ibid., pp. 1346, 1338.

147.

Ibid., p. 1219.

148.

HOBSON J. (1988). The dreaming brain, New York, Basic Books, p. 204.

149.

David Foulkes et John Antrobus avaient déjà montré indépendamment, au début des années 80, qu’on peut obtenir des récits de rêves en dehors des phases REM.

150.

La méthode neuropsychologique de Luria consiste à établir les différentes corrélations entre la symptomatologie psychique et les lésions organiques dans un seul modèle intégratif (voir I.2.2.1.1).

151.

Le système mésolimbique est formé de neurones dopaminergiques du mésencéphale. Leurs corps cellulaires sont situés dans l'aire tegmento-ventrale (ATV) et leurs axones projettent au noyau accumbens, au tubercule olfactif, au cortex frontal et à l'amygdale.

152.

PANKSEPP J. (1985). Mood changes. Dans Handbook of clinical neurology, 45, ed. P.Vinken, C. Bruyn et H. Klawans, Amsterdam, Elsevier, pp. 271-285, p. 273.

153.

SOLMS M. (2000). Introductory essay for a Centenary reprint of the 1st edition of Freud’s “Traumdeutung”, Fischer Verlag, Frankfurt am Main.

154.

FREUD S. (1900/1969). L’interprétation des rêves, Métapsychologie, op. cit., p. 536.

155.

SOLMS (1997). The neuropsychology of dreams: a clinico-anatomical study, op. cit., p. 223.

156.

BRAUN A., BALKIN T.J., WESENTEN N.J., CARSON R.E., VARGA M., BALDWIN P., SELBIE S., BELENKY G. &HERSCOVITCH P. (1997). Regional cerebral blood flow throughout the sleep-wake cycle, Brain, 120, 1173-1197; BRAUN A., BALKIN T.J., WESENTEN N.J., GWADRY F., CARSON R.E., VARGA M., BALDWIN P., BELENKY G. &HERSCOVITCH P. (1998). Dissociated pattern of activity in visual cortices and their projections during human rapid eye movement sleep. Science, 279, 91-95; SOLMS (1997). The neuropsychology of dreams: a clinico-anatomical study, op. cit.

157.

Pompeiano O. (1979). Cholinergic activation of reticular and vestibular mechanisms controlling posture and eye movements. Dans The Reticular Formation Revisited, ed. J.A. Hobson et N. Brazier, New York, Raven.

158.

Texte de ce paragraphe et les deux suivant en grande partie repris de STREMLER E. & CASTEL P-H. (2009). Pour une histoire des débuts de la neuropsychanalyse, op. cit.

159.

BILDER R.M. & LEFEVER F.F., eds. (1998). Neuroscience of the mind on the centennial of Freud’s Project for a scientific psychology. Annals of the New York Academy of Sciences, vol. 843.

160.

Martin Azarian est un éditeur américain, ami de Nersessian, qui avait été envisagé pour créer le journal Neuro-Psychoanalysis.

161.

Neuro-Psychoanalysis will publish unsolicited original articles on any topic that can facilitate consilience between psychoanalysis and neuroscience. Scientific (i.e., clinical or experimental) contributions will receive due prominence, but space will also be provided for submissions on scholarly topics of relevant interdisciplinary interest (e.g., history of medicine, philosophy of mind)”. Telle est, en partie, la mission que s’est fixée la revue Neuro-psychoanalysis sur son site web. Disponible en ligne à : http://www.neuropsa.org.uk/npsa/

162.

Panksepp J. (1998). Affective Neuroscience: The foundations of human and animal emotions. New York, Oxford University Press, 466 p.

163.

Panksepp J. (1999). Emotions as viewed by psychoanalysis and neuroscience: an exercise in consilience. Neuro-Psychoanalysis, 1, 15-38.

164.

Olds D.D. (2003). Affect as a sign system. Neuro-psychoanalysis, 5, 195-199.

165.

Levin F.M. (1991). Mapping the mind. The intersection of psychoanalysis and neuroscience, Hillsdale NJ/London, The Analytic Press, 264 p.

166.

Levin F.M. (2004). Psyche and brain: the biology of talking cures. Madison CT, International Universities. Press, 314 p.;Levin F.M. (2009).Emotion and the psychodynamics of the cerebellum : a neuro-psychoanalytic analysis and synthesis, London, Karnac.

167.

Texte de ce paragraphe jusque là repris de STREMLER E. & CASTEL P-H. (2009). Pour une histoire des débuts de la neuropsychanalyse, op. cit.