I.1.3.3 Schore

D’une façon indépendante, le psychologue clinicien, professeur au département de psychiatrie à l’École de Médecine de l’Université de Californie à Los Angeles, Allan Schore a établi un domaine de recherche qui inclus un travail théorique sur l’impact du trauma précoce sur le développement du cerveau, une recherche par imagerie cérébrale sur la neurobiologie de l’attachement ainsi que l’étude du trouble de la personnalité limite, travaux qu’il mène conjointement à sa pratique de psychothérapie. Allan Schore est récipiendaire de l’American Psychological Association Division of Psychoanalysis Scientific Award, une récompense accordée pour sa contribution à la recherche, à la théorie et à la pratique des neurosciences, ainsi qu’à la psychanalyse.

Pour ce qui est de sa contribution au champ d’interface entre neurosciences et psychanalyse, Schore propose que les conceptions fonctionnelles, tant théoriques que cliniques, de l’inconscient structurel de la psychanalyse décrivent les caractéristiques fonctionnelles des systèmes structurels de l’hémisphère droit des neurosciences. Les avancées neuroscientifiques démontrent que l’hémisphère droit connait une maturation précoce, qu’il traite l’information implicite et le non verbal, et joue un rôle dominant dans la reconnaissance et l’expression des émotions. De plus, l’hémisphère droit interprète le ton et le rythme de la voix, les expressions faciales et les mouvements corporels dans l’interaction avec l’autre. Il répond rapidement au danger provenant de l’environnement par des réactions de stress, de douleur et de protection, sans que ces réponses ne soient conscientes. C’est pour toutes ces raisons que l’hémisphère droit serait le corrélat neurodynamique du soi implicite inconscient, c’est-à-dire, de l’inconscient freudien.

En particulier, le cerveau droit joue un rôle primordial dans les relations d’attachement, dans l’intersubjectivité et dans l’empathie. Les recherches dans ce domaine démontrent que la mère ne régule pas simplement les comportements et les cognitions, mais aussi l’état affectif de l’enfant. L’hémisphère droit de l’infans se développe précocement et a des connexions profondes dans le système limbique, qui joue un rôle-clé dans la constitution d’une mémoire émotionnelle. Le processus d’attachement facilite la maturation des capacités de régulation de l’émotion du cerveau droit. Ce modèle suggère que la santé mentale de l’humain dépend de cette élaboration précoce des stratégies flexibles d’assimilation de la nouveauté et du stress inhérent aux interactions humaines.

Le processus émotionnel n’est pas seulement crucial au cœur du développement émotionnel, mais il joue aussi un rôle important dans le rappel de ce lien au sein de la relation thérapeutique. De la même façon qu’il existe une communication implicite inconsciente entre les hémisphères droits de la mère et de l’enfant, cette communication inconsciente existe dans la relation thérapeutique entre le thérapeute et son patient. C’est-à-dire que le lien d’attachement est représenté et reproduit dans la relation thérapeutique, à travers les émotions du patient et la réponse émotionnelle du thérapeute. Ce modèle permet de concevoir un paradigme en psychothérapie où l’empathie serait l’élément le plus important, puisque l’empathie active et soutient puissamment le processus de transformation chez le patient. Cette thérapie serait attentive au verbal, mais également à toute forme de communication émotionnelle non verbale, et viserait à intégrer ces éléments afin de permettre la réparation de l’expérience émotionnelle. Une telle thérapie modifierait également en même temps la biologie cérébrale du patient.

Dans « Affect regulation and the repair of the self » et « Affect dysregulation and disorders of the self », Schore (1994, 2003168) développe une théorie générale du fonctionnement (et dysfonctionnement) de l’esprit autour de ces deux concepts-clés que sont l’attachement et la régulation des affects. On y trouve sa théorie du trauma, mais aussi sa conception générale de la neuropsychanalyse en tant que psychoneurobiologie des fonctions et dysfonctions humaines. Ses travaux témoignent de son désaveu de la métapsychologie freudienne, de sa foi dans les neurosciences de l’émotion telles qu’elles ont été développées par des chercheurs comme Antonio Damasio, Jaak Panksepp ou Joseph LeDoux, et de sa fascination pour les techniques de neuroimagerie fonctionnelles.

Notes
168.

SCHORE, A. (1994). Affect regulation and the origin of the self: the neurobiology of emotional development. Hillsdale NJ, Lawrence Erlbaum Associates; SCHORE, A. (2003). Affect dysregulation and disorders of the self, New York, W. W. Norton & Company, 300 p.