I.2.2.2 Recouvrement

I.2.2.2.1 « Le second » Solms: unification

À peine quelques années après ses déclarations de 1998310, Solms change de ton dans un article publié dans le très prestigieux « Scientific American » en 2004311. L’affiliation aux aspirations de Freud change légèrement d’accent et il aime à rappeler que Freud, lui-même, considérait le domaine de la psychanalyse celui d’une science « en attente de mieux ». Freud avait appelé à une période d’indépendance disciplinaire pour la psychanalyse, mais avait ajouté, par exemple, dans L’Inconscient, que ce « serait une grave erreur d'aller supposer que l'analyse vise ou cautionne une conception purement psychologique des troubles de l'âme... Une fois le travail [psychanalytique] accompli il nous faut trouver le rattachement à la biologie. »312. Selon Solms, le temps est venu pour réaliser ce contact avec la biologie.

En contraste avec ses positions précoces très nuancées sur le point de la localisation, Solms propose en 2004 une géographie de l’esprit on ne peut plus concrète. Voici ce qu’il dit: «Pendant des décennies, les concepts freudiens tels que le moi, le ça et les désirs refoulés ont dominé les efforts de la psychologie et de la psychiatrie de guérir les maladies mentales. Mais une meilleure compréhension de la chimie du cerveau a graduellement remplacé ce modèle par une explication biologique de la façon dont l’esprit surgit de l’activité neuronale. Les derniers efforts pour mettre ensemble les diverses observations neurologiques, toutefois, amènent à concevoir une structure chimique de l’esprit qui valident l’esquisse que faisait Freud il y a presque cent ans. Un groupe de scientifiques de plus en plus nombreux sont désireux de réconcilier neurologie et psychiatrie dans une théorie unifiée. »313.

« Freud trace son dernier model de l’esprit en 1933. Les lignes pointillées représentaient le seuil entre le traitement inconscient et le traitement conscient. Le superego (le surmoi) refoule les pulsions instinctives (le ça), les empêchant de perturber la pensée rationnelle. La plupart des processus rationnels (le moi) étaient également automatiques et inconscients, de façon à ce que seule ne reste qu’une petite partie du moi (la petite bosse au sommet) pour gérer l’expérience consciente, connectée étroitement avec la perception. Le surmoi arbitrait dans le tiraillement constant entre le moi et le ça pour la dominance. Les mapping neurologiques récents de façon générale corrèlent avec la conception de Freud. Le tronc cérébral et le système limbique – responsables pour les instincts et les pulsions – correspondent en grandes lignes avec le ça de Freud.

La région frontale ventrale, qui contrôle l’inhibition sélective et la région dorsale frontale, qui contrôle la pensée méta-consciente et le cortex postérieur, qui représente le monde extérieur, correspondent au moi et au surmoi. ». Nous voyons donc comment Solms, dans ses prises de positions, a évolué d’une approche nuancée se réclamant de Luria, à une approche localisationniste et d’aspiration « moniste » dans le sens où il pose en ligne de mire une théorie unifiée, qu’il qualifie d’ailleurs non pas de physiologique mais de chimique.

La professeur de psychiatrie Belge Lotstra314 par exemple pose, à propos du modèle de Solms, la question si on peut « établir des corrélations neuroanatomiques aussi étroites et restrictives avec des concepts métapsychologiques aussi complexes que ceux du Moi, du Ça et du Surmoi? » et elle ajoute, à propos du travail de Fotopoulou, qui travaille dans l’approche de Solms, « peut-on comparer les confabulations ludiques des patients cérébro-lésés (atteintes préfrontales) au “principe du plaisir” que Freud plaçait au centre de nos pensées inconscientes ainsi que l’écrit Fotopoulou ? ».

Notes
310.

SOLMS M. (1998). Preliminaries for an integration of psychoanalysis and neuroscience, art. cité.

311.

SOLMS M. (2004). Freud returns. Scientific American, 5, 852-88.

312.

FREUD S. (1915a/1969). L’inconscient. Dans Métapsychologie, trad. J. Laplanche et J.-B. Pontalis, Paris, Gallimard.

313.

SOLMS M. (2004). Freud returns, art. cité, p. 84.

314.

LOTSTRA F. (2007). Psychanalyse et neuroscience: la fin d’un schisme? Revue médicale de Bruxelles, 28, 2, 91-96.