I.2.3.2 Espaces de contraintes et de possibilités

Nous pensons donc qu’il y a hétérogénéité des champs dans ce qu’elles permettent ou empêchent de saisir de la nature humaine. Dans De la maladie médicale, le psychanalyste lacanien de Bruxelles Jean-Pierre Lebrun 344 propose les critères pour qu’un dialogue effectif entre neurosciences et psychanalyse puisse se mettre en place: en premier lieu, chacun des registres doit consentir à reconnaitre ses propres limites, et non faire porter à l’autre sa propre limite méconnue. Il propose que « paradoxalement peut-être, la véritable articulation entre biologique et psychique ne peut être mise en place qu’une fois l’absence de rapport prise correctement en compte, à l’instar de ce qui se passe entre les sexes ». En termes lacaniens, la castration doit être portée par chacun des deux partenaires345. Plus précisément, Lebrun indique « d’abord, il est nécessaire que le biologiste reconnaisse l’intervention subversive de cet Autre du langage et ensuite, il est tout aussi indispensable que le psychanalyste reconnaisse que le réel auquel il a affaire ne se ramène pas au seul point d’impossible véhiculé par le langage. ». Nous nous inscrivons dans cette perspective: tant la science du biologique que celle du psychique ont à gagner à une reconnaissance mutuelle de l’impossibilité d’une mise en rapport direct et linéaire, de l’hétérogénéité de leur champs, c'est-à-dire de ce fait à une reconnaissance aux limites qui leur sont structurellement propres. Cette reconnaissance en effet n’a pas seulement comme effet de restaurer l’autorité de chaque domaine dans son champ mais en plus de susciter un intérêt ouvert et demandeur de l’un vers l’autre – l’autre de la part de qui il n’y a alors rien à craindre et tout à gagner.

Notes
344.

LEBRUN J.-P. (1993). De la maladie médicale, Bruxelles, De Boeck-Wesemael.

345.

Et il ajoute : « selon leur modalité sexuée spécifique, toute dans la castration du côté masculin, pas-toute dans la castration, autrement dit dans la division, du côté féminin. ».