II.1.2.4.3 Corps interne et corps externe

Cette hypothèse qui propose une similitude dynamique entre affect et perception du mouvement implique une vision du corps divisé en un corps interne et un corps externe447.

Tableau 1: Comparaison entre le corps interne et le corps externe
Corps Interne (Invertébrés) Corps Externe (Vertébrés)
type de mouvement mouvements involontaires mouvements volontaires
effecteurs glandes et muscles lisses involontaires muscles squelettiques striés, volontaires
fonctions systèmes dits végétatifs: respiration, circulation sanguine, digestion, perspiration, excrétion, reproduction, etc. locomotion, perception, direction, préhension etc.
objets de l’action internes (air, sang, nourriture, sueur, excréments, sperme, etc.) objets du monde externe
substrat cérébral du versant moteur circuits sous-corticaux
(tronc cérébral, diencéphale)
cortex
les systèmes sous-corticaux sont topographiquement rudimentaires le cortex moteur est organisé de façon somatotopique
dynamique de l’action pas de préparation: l’action des effecteurs est innée, archaïque, stéréotype, constante le mouvement est préparé au niveau des cortexes prémoteur sous forme d’une séquence de contractions
il n’y a pas d’arrêt abrupt de l’action: une fois initié l’effet est « massif » l’initiation et l’arrêt de l’action sont abruptes (scansions)
forme du mouvement stéréotype; innée adaptée; séquence composée de contractions et de relaxations
système de retour récepteurs divers et distribués
des paramètres internes
système proprioceptif hautement organisé (fuseaux neuromusculaires et organes neuro-tendineux de Golgi)
aires réceptives sous-corticales sont d’une organisation rudimentaire
l’aire somatosensorique (proprioceptive) dans le neocortex est organisée de façon somatotopique
substrat cérébral du versant sensoriel affect (intéroception): toit du tronc cérébral, hypothalamus, aires somato-sensoriels et cortex cingulaire; cartes générales plus ou moins stables proprioception: aires somato-sensoriels dans le cortex pariétale;
topographie élaborée
avènement dans l’évolution (âge) premiers invertébrés à corps mou 670 Millions d’années, premiers mollusques au Cambrien 570 Millions d’années première ébauche dans famille de l’Amphioxus (le poisson Lancet) au Cambrien 570 Millions d’années, premier squelette primitif
400 Millions d’années

Le corps interne est des « viscères », c’est le corps de l’invertébré, l’animal sans squelette interne, le corps externe apparaît dans l’évolution en même temps que le squelette, c’est-à-dire avec l’émergence des vertébrés. Son avènement vient donc avec le premier animal vertébré, l’amphioxus ou « lancent fish »: c’est le corps du squelette interne et des muscles striés ou squelettiques, qui permettent la motricité de ce squelette. La perception de l’affect se fait alors au niveau du corps interne, celle du mouvement au niveau du corps externe. L’action du corps interne est dirigée vers le milieu intérieur et l’objet incorporé, alors que l’action du corps externe est dirigée vers l’environnement extérieur et l’objet manipulé448.

Notes
447.

voir aussi DE PREESTER H. (2007). The deep bodily origins of the subjective perspective: models and their problems. Consciousness and Cognition, 16, 3, 604-618.

448.

Cette vision du corps est aussi suggérée dans ce passage Freud: « L’affectivité se manifeste essentiellement en décharge motrice (sécrétoire, vaso-régulatrice) destinée à transformer (de façon interne) le corps propre, sans rapport avec le monde extérieur. » FREUD S. (1915a /1969). L’inconscient, op. cit., p. 85.