Il y a des arguments historiques, neuroanatomiques et sémantiques pour le parallèle entre les indices de réalité de Freud et les copies d'efférence modernes. Y-a-t-il également une similarité de fonction? Tous deux ont valeur de critère pour l'action, bien qu’il semble a priori y avoir une nuance entre les deux. Le fonctionnement des copies d’efférence a été étudié principalement pour l’action volontaire, le mouvement ou geste volontaire. Les copies d'efférence indiquent que le retour sensoriel venu de la périphérie est la conséquence d'une action auto-induite et non l'effet d'une force extérieure. Elles permettent donc de distinguer le fait que « je bouge » du fait qu' « on me bouge ». Frith613 propose que les expériences de voix et les impressions de « direction par des forces externes614 » dans la psychose soient la conséquence d'une absence ou d'un dysfonctionnement615 des copies d'efférence. Il s'en suivrait que le retour sensoriel ne serait pas accompagné d'un message d'appropriation du mouvement et serait vécu comme venant d'un autre agent. Le «signe de réalité» se rapporte à la motricité des appareils de perception, c'est-à-dire au mouvement de perception. L’indice de réalité est le critère qui — sous condition d’inhibition normale — permet la distinction entre les images générées par stimulation externe et celles générées de l’intérieur. En d’autres termes, l’indice de réalité permet de conférer le statut de perception à une image mentale. Dans les deux cas il s’agit donc d’une différence entre soi et non-soi, pour les copies d’efférence il s’agit de faire cette différence pour ce qui concerne l’agentivité et pour les indices de réalité pour ce qui concerne la source – interne ou externe – de l’activation mentale. De plus, à première vue, le critère semble fonctionner de façon opposée: pour les copies d’efférences, c’est leur absence qui indique l’extériorité de l’agent, pour le signe de réalité, cette absence indique l’intériorité de la source d’activation mentale. Comment alors reconcilier ces deux modèles, dont la thèse ici est qu’ils sont équivalents?
Freud | Sensorimoteur | |
critère | indices de réalité | copies d'efférence |
distinctions | images de perception versus images internes (perception versus mémoire) « il y a un sein »/« j'imagine un sein » |
l'attribution de l'origine l'action
« je bouge » / « on me bouge » par extension, de l'origine de l'objet perçu « il y a un sein » / « j'imagine un sein » |
permet | de conférer le statut de perception à l'image mentale |
de distinguer soi et non-soi |
psychose | hallucinations : *indices de réalité invalidés *fausse attribution du statut de perception à une image mentale |
voix et expériences de direction externe: *dysfonctionnement/absence de copies d'efférence *fausse attribution de la motricité auto-induite à un agent externe |
FRITH C.D. (1992). The cognitive neuropsychology of schizophrenia, op. cit.
Un patient du Centre Psychiatrique de Beernem raconte, par exemple, comment lors d’une visite de weekend il a senti son bras être mû par une force externe et frapper sa mère.
La préposition « dys » du mot dysfonctionnement renvoie à la dynamique de référence de l’acte « adéquat », tant celle proposée par Freud que celle supposée par les modèles sensorimoteurs modernes.