II.3.3.2.1 Mouvement effectif parfait

Dans le premier cas, le mouvement de l’organisme dans le monde est effectif: l’organisme interagit avec le monde et reçoit des impressions sensorielles du fait de cette interaction. Dans ce cas, les mouvements initiés par l’organisme permettent l’anticipation, c’est-à-dire l’atténuation anticipative de leurs conséquences somatosensorielles. Comme ces mouvements ont effectivement lieu il y a bien un retour proprioceptif qui, au niveau des cortex somatosensoriels, remet les conteurs à zéro. Ce serait alors l’expérience de l’efficacité de la motricité à résorber sa propre stimulation somatosensorielle qui ferait que l’activation sensorielle concomitante (vision, bruit, odeur etc.) serait ressentie comme d’origine extérieure, c’est-à-dire, informative du monde. En d’autres termes, c’est grâce à l’efficacité de l’atténuation que cette information sensorielle aura la valeur expérientielle d’être situé dans un monde tenu à distance, d’être là-bas et non en-dedans. Pour revenir au texte sur les pulsions de Freud, on pourrait dire que l’organisme à ce niveau ressent l’efficacité de son appareil moteur à mettre à distance – à refouler en quelque sorte – la stimulation entrante.

Considérons le cas particulier des mouvements constitutifs de la perception – c’est-à-dire, par exemple, les mouvements oculaires pour la vision631. L’image perceptuelle se constitue par un mouvement de « balayage » des yeux autour des cibles visuelles632. Ces mouvements de balayage sont quasi parfaitement anticipés et donc quasi parfaitement atténués: cette atténuation ferait alors que l’activation visuelle concomitante au niveau des cortex visuels serait ressentie comme le fait d’une perception du monde extérieur, d’un monde tenu à distance. Cette expérience de distance pourrait être en lien direct avec le fait que le ressenti du trajet du mouvement de l’œil par rapport à la cible est résorbé. L’hypothèse d’un dysfonctionnement des copies d’efférence au niveau des mouvements oculaires chez Hervé, permettrait ainis de comprendre le vécu d’intrusivité qu’induit en lui sa perception du monde extérieur. En effet, l’idée serait que pour Hervé il n’y aurait pas de resorption du trajet de l’œil à la cible, due à un changement au niveau des copies d’efférences, et la cible serait de ce fait vécue comme effractante.

Notes
631.

Ou, comme nous le verrons avec Zacarie, les mouvements articulatoires pour la perception du langage.

632.

LENAY C. (2006). Enaction, externalisme et suppléance perceptive, op. cit.