II.4.2 Des Fantômes dans la Voix

Nous avons montré jusqu’ici que tout langage est action et que, par conséquent, les mêmes principes physiologiques et dynamiques qui valent pour l’action valent aussi pour lui. Nous voudrions ici pousser ce raisonnement encore plus loin en nous appuyant sur les récentes avancées sur la motricité en neurosciences. Au cours des vingt dernières années, ce secteur de la recherche a connu un bouleversement épistémologique. En effet, presque imperceptiblement, l’étude du mouvement, qui relevait de la mécanique et de la cinématique, est devenue du ressort de la représentation et du mental. C’est qu’il n’est pas besoin de grand-chose pour passer du mouvement à la représentation. En fait, il ne suffit, on le verra, que d’une entrave ou d’un empêchement et, comme le dit Jeannerod, le mouvement qui ne peut se faire produit alors une imagerie centrale. Il faut bien sûr également le renversement épistémologique qu’implique l’idée que la clé du mental n’est pas le passage de la représentation au mouvement, mais celui du mouvement à la représentation686.

Notes
686.

Voir entre autres ROSSETTI Y. (1999). In search of immaculate perception: evidence from motor representation of space. Dans Towards a science of consciousness, dir.S. Hameroff, A. Kaszniak et D. Chalmers, Cambridge, mit Press, 141-148; GALLESE V. (2000). The inner sense of action: agency and motor representations. Journal of Consciousness Studies, 7, 23-40; ROSSETTI Y. & PISELLA L. (2000). L’ego Légo: déconstruire ou reconstruire le cerveau-esprit?,art.cité; ROSSETTI Y. & PISELLA L. (2003). Mediate responses as direct evidence for intention: neuropsychology of not to-, not now- and not there-tasks. Dans Cognitive Neuroscience Perspectives on the Problem of Intentional Action, dir. S. Johnson, Cambridge, mit Press, 67-105.