La théorie de Lefebvre, comme les travaux d’Elias, de Simmel ou de Weber, s’applique au processus européen. La façon dont s’est opérée la construction des villes brésiliennes n’échappe pas aux grandes lignes que décrivent ces chercheurs. Pourtant, la place de l’agriculture, l’importance de l’esclavage et la valeur de la terre, signalent à l’observateur une nuance concernant l’entrée dans la phase critique. Si le Brésil suit le processus produit par la modernité européenne, s’il est pleinement investi dans la mondialisation économique et s’il relève d’une même approche méthodologique et théorique, il ne peut être considéré comme relevant du même « type » d’explosion-implosion. La phase critique brésilienne présente une modulation à l’intérieur d’un processus plus vaste : le phénomène urbain. Notons que sur de nombreux aspects, les Amériques stimulèrent les transformations européennes31.
L’arrivée des Européens au Brésil a produit un type d’urbanité qui s’inclut dans le processus général, tout en présentant des particularités qui éclairent la visée comparatiste du présent travail. Je propose donc à présent de retracer l’histoire de la ville de São Paulo, afin de saisir la matrice culturelle dont les marcheurs brésiliens sont imprégnés. Pour une large part, l’étude historique qui suit s’inspire des orientations du séminaire du professeur Guilherme Simões Gomes Jr, de la PUC (Pontificia Universidade Catolica).
Il y eut un heureux hasard dans ma rencontre avec les enseignants de la PUC, mais mon intérêt pour São Paulo naquit au cours de mon travail de terrain de maîtrise, dont une partie a été réalisée dans le village balnéaire de Jéricoacoara. Lors de ce travail, je me suis rendu compte de la prédominance des Paulistes dans les hauts lieux du tourisme national et international. Le choix de résider à São Paulo pour mon travail de doctorat fut guidé par ce constat.
Dans le Manifeste anthropophage, Oswaldo de Andrade affirme : « Sans nous l'Europe n'aurait même pas sa pauvre déclaration des droits de l'homme ». Je pense aussi au décentrement que la « découverte » d’un nouveau monde a fait subir à l’Europe. À ce sujet voir Laburthe-Tolra et Warnier (1993) et Laplantine (1992 et 1994).