1.5 Infractions, accidents routiers et traits de personnalité

Depuis l’étude de Willet, plusieurs auteurs confirment le lien entre les actes délinquants et la « mauvaise conduite au volant » et identifient des origines au niveau de la personnalité du sujet (Willet 1964).

Une étude un peu ancienne (1995) de l’ADES du Rhône (Association Départementale d’Éducation pour la Santé) sur la base de l’appréciation de la personnalité des enfants par les enseignants dès l’école primaire, met en évidence que les enfants du type « aventureux, dur et confiant » auraient deux à trois fois plus de risque d’être accidentés que des témoins31. Les deux facteurs explicatifs sont l’exposition au risque, qui se définit comme la fréquence avec laquelle un individu se retrouve dans une situation pouvant donner lieu à un dommage matériel ou physique, et la prise de risque qui caractérise un comportement d’engagement du sujet, dans une situation donnée alors qu’il y a incertitude sur l’issue. L’équipe de Mireille Chiron confirme pour les enfants du registre des accidentés du Rhône, que les enfants accidentés sont décrits par leurs enseignants comme aventureux et durs (OR=3,0) et moins souvent confiants (0R=0,3)(Chiron, Charnay et al. 2006).

Les études du trafic routier suggèrent que l’infraction et l’accident, sont tout deux fortement liés à la prise de risque. (Wilde 1994; Jonah 1997; Iversen and Rundmo 2002).

Pléthore de travaux explore le lien entre l’implication dans l’accident et la personnalité. Cependant une revue de littérature souligne un lien contradictoire et confus selon les dimensions mises en relation. Pour le plus grand nombre, l’extraversion serait liée à l’accident (Smith and Kirkham 1981; Arthur and Barrett 1991; Trimpop and Kirkcaldy 1997; Ulleberg 2003) ou la prise de risque (Bonnet 2003). Pour d’autres le lien serait inexistant ou négatif (Pestonjee and Singh 1980; Renner and Anderle 2000).

Lors de la comparaison des études, la première difficulté est d’ordre sémantique, du fait de la variété des traits et de leurs différentes modalités de mesure. Les différences de points de vue observées sur le sens du lien, peuvent provenir des traductions ou d'un manque de rigueur dans la définition de la variable « infraction ». Une part d’explication peut provenir également du fait que l'infraction au code de la route est acceptée socialement différemment selon les pays. À ce titre elle ne constitue pas une déviation au regard de l'opinion publique. La plus ou moins grande permissivité d'un pays peut avoir une incidence sur la mesure du lien. L'origine des études est donc à prendre en compte dans l'analyse. Pour Renner, l'infraction, plus fréquente que l’accident, est un comportement " normal ", symptomatique d'un trait de caractère et peu liée au contexte social (Renner and Anderle 2000).

L’existence d’une relation, à la fois positive et négative, entre l’extraversion et l’accident, rend la comparaison difficile. Une grande majorité de travaux conclut à un lien positif. Néanmoins, une ambigüité persiste : Lajunen suggère que l’extraversion est associée à l’accident de la route mais pas à l’accident du travail (qui comporte lui-même une part des accidents de la route) (Lajunen 2001). Le terme générique d’accident brouille les pistes du lien, sa spécificité en fonction du contexte d’accident est peut-être à prendre en considération.

Vernet donne une définition de l’infraction que nous ne partageons pas ; en effet, il limite l’acception à l’erreur sans laisser place à la violation, au rapport à la loi. Pour lui l’infraction est :

‘[…] manquement à la règle qui n'est pas un comportement ; c'est le plus souvent un événement aléatoire, sans participation de la personnalité de l'individu global, total, ni volontairement, ni inconsciemment, l'aléa étant peut être cependant plus ici le fait des modalités de contrôles de la sphère cognitive que des modalités de la conduite. (Vernet and Blanchard 1997) p. 72.’

Dans une étude sur un échantillon de 51 infractionnistes, évalués par le test de personnalité de Guilford et Zimmerman (GZ) ainsi qu’avec le questionnaire de Parenti (Parenti driving questionnaire), Vernet précise que l'infraction ne se rapproche pas d'une population particulière (Vernet and Blanchard 1997). Tout se passe un peu comme si l'automobiliste avait uniformisé sa conduite automobile dans un milieu. Pour Vernet, la différence typologique n'est pas à rechercher dans l'infraction, mais dans le type de permis qui apparaît en lien étroit avec la personnalité (Blanchard, Rousnidis et al. 1996). Toutefois les résultats de leurs études de 1996 et 1997 sont contradictoires : en 1996, l’attitude sereine et bienveillante qui caractérise les conducteurs poids lourds, n’est pas retrouvée en 1997, au contraire, cet échantillon se caractérise alors par une immaturité et des difficultés d'intégration.

Notes
31.

Informations tirées de la campagne de prévention menée par l’ADES du Rhône sur le thème : l’enfant et la rue, édition Eduform (1995).