1.5.1 Mécanismes explicatifs de la sur-implication

Le mécanisme explicatif de la sur-implication des extravertis dans l’accident est peu clair. Beauducel a récemment montré une origine physiologique. L’état de vigilance des extravertis est plus réduit que celui des introvertis. Le signal électrique nommé « bande alpha 2 » enregistré par électrodes qui reflète l’état de vigilance global de l’encéphale montre une atténuation significative chez les extravertis. La théorie de la vigilance explique alors le lien positif entre extraversion et accident. Eysenckavait déjà identifié dans les années 1960 ce lien sans toutefois en situer l’origine.

Une réduction de la performance des extravertis dans une tâche monotone (conduite sur autoroute) est fréquemment observée. L’extraversion joue alors le rôle de médiation dans le rapport entre conduite et infraction. D’autre part, elle est associée à une recherche de sensation élevée et donc à une prise de risque justifiée par un besoin de nouveauté et la recherche de frissons. L’extraverti serait plus sensible à la monotonie d’un trajet que les autres conducteurs et ainsi plus disposé aux erreurs liées à la fatigue. En contre-point, viennent les caractéristiques de l’extraverti du domaine de la reconnaissance des émotions positives, qui sont à la fois « protectrices » et « exposantes ». Cette façon de voir les choses est associée à une bonne efficacité personnelle mais aussi à un plus grand nombre d’expositions donc de prises de risques (pour obtenir des renforcements positifs).

On peut s’attendre à ce que le neuroticisme, par opposition à l’estime de soi favorable, soit associé à une efficience professionnelle moindre.Plusieurs études, sur un public de conducteurs professionnels ou dans un cadre industriel, mettent toutefois en évidence un lien positif entre le neuroticisme et l’accident (Mayer and Treat 1977; Pestonjee and Singh 1980). Pour Eysenck, un score élevé en neuroticisme, lié à l’anxiété, l’hostilité, la dépression, l’impulsivité et à une faible estime de soi, caractérise des profils exposés à l’accident. Le lien entre neuroticisme et accident pourrait trouver sa source dans la distraction du sujet qui est plus enclin à se préoccuper de sa propre anxiété que de la réalité objective, ainsi que de son mode de réponse face au stress. Le score en neuroticisme est l’indice prédictif le plus fiable du taux de stress du conducteur, ce qui laisse à penser, soit que les sujets à haut niveau de neuroticisme ont une faible résistance au stress ou un seuil de détection des situations stressantes plus bas que la moyenne des autres sujets. Soit, les sujets à haut niveau de neuroticisme détectent les situations stressantes de façon non différenciée des autres sujets mais se laissent par la suite envahir ; la traduction de l’envahissement étant le défaut d’attention, la distraction. S’ajoute à cela une sensibilité aux défauts d’attention, l’anxiété et la fatigue qui ont toutes deux pour effet de diminuer les performances cognitives, en particulier l’attention et de modifier les temps de réaction et de jugement, augmentant ainsi la probabilité d’erreurs. Outre ces caractéristiques, les neurotiques ont tendance à privilégier le canal affectif pour s’adapter au monde dans lequel ils vivent, ce dernier n’étant pas le plus efficace pour lutter contre le stress (Iverson and Erwin 1997). Dans un contexte professionnel, les travailleurs sur les plateformes pétrolières ayant un score élevé en neuroticisme sont significativement plus souvent impliqués dans les accidents du travail et témoignent d’une plus grande insatisfaction, d’une santé mentale plus discutable et montrent un sur risque de pratiques alcooliques, lors de leurs missions (Sutherland and Cooper 1991). Les représentations mentales négatives reflètent chez le sujet au score en neuroticisme élevé, un point de vue négatif sur le monde en général qui le conduit à avoir une perception négative des événements. C’est pourquoi, dans l’étude du lien entre neuroticisme et accident, les faits relatés par les sujets doivent être distingués des faits comptabilisés par un tiers. En effet, le récit des neurotiques leur sera vraisemblablement moins favorable que le récit des sujets ayant un score faible en neuroticisme.

Synthèse : Un score élevé en extraversion est souvent lié à la prise de risque. L’état de vigilance des extravertis est plus réduit que celui des introvertis. Lors de tâche de contrôle. Leur recherche de sensations s’explique par le plus grand besoin de nouveauté pour rompre la monotonie à laquelle l’extraverti résiste moins que les autres. Il est ainsi plus disposé aux erreurs liées à la fatigue. Par contre, sa façon de voir les choses et une bonne efficacité personnelle compensent les difficultés constitutionnelles.
Les neurotiques ont tendance à privilégier le canal affectif, un score élevé en neuroticisme est fréquemment lié à la prise de risque et associé à des défauts d’attention par une augmentation du stress.