2.2.2 Représentations, et comportement

Dès la naissance, face à une situation, l’humain n’est plus en vision mais en représentation. Dans la littérature, le débat ne porte pas sur le lien entre représentation et comportement mais sur l’origine du lien ou son intensité. La perception du risque, est sous l’influence des valeurs personnelles et socio économiques. Un ensemble d’études sur les représentations du risque dans des domaines autres que la route peuvent permettre un éclairage et des transpositions sur le conducteur. Sur l’exemple particulier des comportements écologiques, l’équipe de Slimack précise que les personnes peu instruites et celles à revenu élevé se sentent moins concernés par le risque écologique (Slimack and Dietz 2006). Les auteurs explorent le lien entre les valeurs personnelles et la perception du risque écologique sur deux échantillons distincts de profanes et d’experts. Ils mettent en évidence que les profanes sont plus sensibles aux risques rares et aux conséquences importantes alors que les experts sont plus sensibles au risque à long terme. Récemment, sur un échantillon d’africains, Gyekye lie la perception négative d’une situation et l’augmentation de la fréquence des accidents professionnels (Gyekye 2006). Kuttschreuter pour sa part, distingue deux types de comportement face au risque alimentaire: l’évitement versus la recherche d’information. L’évitement serait lié à une perception très élevée du risque ainsi qu’à un sentiment de vulnérabilité entraînant la décision de se protéger (la vulnérabilité apparait comme un levier positif au service de la sécurité). L’équipe de Riley démontre, qu’une conduite à risque (dans ce cas l’usage du mercure) est renforcée dans sa pratique si le seul risque perçu est celui de l’illégalité. Pour eux, l’aveuglement par l’aspect répréhensible permet à l’usager d’échapper à la prévention (Rieley and Newby 2007).

Le levier de la vulnérabilité, l’incidence de la répression, la différence entre profanes et experts mis en évidence par les différents auteurs, dans d’autres contextes que la route, peuvent donner lieu à des transpositions d’hypothèses et ainsi permettre l’émergence d’applications préventives. Ainsi le profane et l’expert de Slimack deviennent le conducteur novice et expérimenté. Dans une culture donnée, l’étude des représentations négatives (en lien avec l’estime de soi) est-elle propre au contexte ou généralisable, notamment à l’espace de circulation ?

Il est important de souligner que la perception du danger est une compétence de troisième niveau43 qui arrive à maturité après l’obtention du « papier rose ». L’étude de Watts sur les temps de réaction, lors de la perception d’un danger corrèle ce facteur avec la fréquence d’accident sur une période de trois années post-permis (Watts and Quimby 1979). MC Kenna montre également sur un échantillon de jeunes, le lien entre le résultat à un test de perception du danger et le nombre d’accidents sur deux ans et ce, en contrôlant l’âge et le kilométrage (Mc Kenna and Crick 1991).

L’ensemble des études menées sur le lien entre l’implication dans un accident et le risque encouru sont rétrospectives. Elles permettent d’émettre des hypothèses mais doivent s’enrichir de travaux longitudinaux de cohortes. Seuls des chercheurs Australiens ont mené une action d’envergure sur 100 000 conducteurs en phase probatoire (Drummond 2000). Ils concluent qu’un mauvais résultat au test de perception du danger est associé à des accidents corporels graves mais pas aux accidents matériels. Au bout d’un an, le risque d’accident mortel est multiplié par deux, pour les sujets ayant eu un score bas au test de perception des dangers. Cette étude a été menée sur un public de conducteurs novices uniquement. Il est communément admis que le risque d’accident décroit durant les premières années de conduite, en partie du fait de l’élargissement du champ des représentations routières. Selon l’équipe de Renge et Mc Kenna, les conducteurs expérimentés détectent un plus grand nombre d’indices potentiels de danger que les conducteurs novices. En revanche, lorsque les conducteurs expérimentés sont distraits (téléphone portable par exemple), la différence entre novices et expérimentés disparaît (Renge 1998) (Mc Kenna and Crick 1991).

Notes
43.

Le niveau fait référence au concept de Maitrise des situations de circulation de Keskinen en trois paliers : adapter son comportement à celui des autres, avoir une conduite située, connaître le code de la route ne suffit pas.