2.2.3 Représentations pour l’action

Au même titre que le comportement passé structure les représentations, les représentations orientent le comportement. Il est donc envisageable « d’éduquer » les représentations dans une lignée préventive, une optique de mieux vivre ensemble. Une représentation peut se modifier de façon définitive ou transitoire. La transformation est d’autant plus ancrée que les nouvelles pratiques sont vues, par les membres du groupe, comme substitut des anciennes et qu’elles s’installent une fois pour toutes. Un retour aux anciennes pratiques devient alors très difficile. La situation peut-être irréversible, tel est le cas d’une pratique rendue obligatoire par une disposition légale ou un contrôle continu. En revanche, dans le cas ou une nouvelle pratique est ressentie comme provisoire (c’est mon anniversaire alors je bois sachant que je vais conduire), le retour aux anciennes pratiques est perçu comme possible après disparition de la condition transitoire. Les éléments nouveaux et discordants sont intégrés dans la représentation mais de façon provisoire (la situation est dite réversible). Les représentations ont une place centrale dans la régulation des comportements. Que ce soit sur le plan de la prise d’informations, de l’attention accordée à l’environnement ou sur le plan des décisions de conduite ; Patricia Delhomme, de l’INRETS définit l’expérience de la conduite comme une plus grande capacité à activer des représentations opératoires de situations. La représentation, notamment celle du risque, est soumise au conditionnel. Ainsi un piéton peut déclarer qu’il ne respecte pas les passages piétons SI….. Le conditionnel dans la représentation vient en appui à la justification. Le non-respect des normes en société, pour organiser les rapports entre les usagers est d’ordinaire mal vu mais quasiment toléré en circulation routière, voire d’usage. Ces comportements, déviants de la norme établie, réalisés sans mauvaise conscience et avec peu de réprobation sur une durée importante deviennent peu à peu socialement légitimes. L’équipe de Weill-Fassina parle de « représentations pour l'action » en insistant sur le fait qu'elles sont à la fois des processus et des produits (Weill-Fassina, Rabardel et al. 1993). En tant que processus, elles sont des savoir-faire qui vont déterminer l'activité du sujet de façon plus ou moins irréversible ; elles s'inscrivent dans une dynamique qui implique des transformations du sujet lui-même. En tant que produit, elles désignent des réseaux de propriétés, de concepts, de croyances, de sensations éprouvées. Endsley parle de «  conscience de la situation » (Situation Awareness): cette notion globalisante est souvent utilisée pour rendre compte du traitement des situations dynamiques (Endsley 1995).

La connaissance des mécanismes cognitifs relatifs au traitement de l’information permet d’expliquer certains comportements dans l’espace social de la circulation. Force est de constater que la population des conducteurs se différencie autant sur les grandes questions de politique de sécurité routière que sur les causes de l'accidentologie. Dans ce contexte, l’étude des représentations des automobilistes permet de mieux comprendre les différents comportements et d'interpréter les écarts de lecture des facteurs d'accident. En l'espèce, le mécanisme des représentations fait partie intégrante de l'activité de conduite automobile : le conducteur s'adapte au système de circulation, il construit sa compétence routière, participe de façon dynamique à une activité individuelle dans l'espace social collectif. Les représentations du conducteur portent non seulement sur les situations d'interactions entre les usagers ou sur les situations susceptibles d'être dangereuses pour la sécurité mais, également, sur l'environnement de circulation.