3.6.2 Outil de mesure

L’Echelle de Recherche de Sensations de Zuckerman, Sensation Seeking Scale «  SSS » est l’outil de mesure de référence. Elle existe sous deux formes : la forme V, la plus ancienne est à choix forcés alors que la forme VI (1984) comporte une échelle de Likert en trois points pour les réponses (la plupart des études s’appuient sur la première forme). L’outil a été développé sur une période de trente ans de 1964 à 1994, validé par des études parallèles notamment en Angleterre, en France, au Canada. Il existe une forme spécifique pour les adolescents (Michel, Mouren-Siméoni et al. 1999). Quatre dimensions fondamentales composent l’échelle : la recherche de sensations fortes et d’aventures Thrill and Adventure Seeking (TAS), la recherche d’expériences sensorielles Experience Seeking (ES), la désinhibition à travers la recherche de stimulations sociales (désinhibition DIS), la susceptibilité à l’ennui Boredom susceptibility (BS). Les scores par sexe diffèrent sur chacune des dimensions. Les scores « recherche de danger et d’aventure » sont en moyenne plus élevés chez les garçons et les scores « recherche d’expériences sensorielles » qui comportent la non-conformité, sont plus élevés chez les filles. La recherche de stimulation chez les filles se définit autant par la contestation des valeurs sociales que par l’établissement de valeurs marginales. Pour ce qui est de l’âge, plusieurs études avancent que les scores « SS » baissent significativement après la puberté (Zuckerman and Neeb 1980; Ball, Farnill et al. 1984; Trimpop, Kerr et al. 1999).

L’équipe de Carton, à l’origine de la validation de l’échelle française, souligne que l’auto-questionnaire n’est pas une échelle de comportement mais une échelle de mesure de la recherche de stimulations à travers la subjectivité du sujet. Elle mesure une représentation de soi, et par projection, elle prédit les comportements à risque. De ce fait, des écarts peuvent apparaître entre la représentation qu’a le sujet de lui-même et de sa vie réelle57. L’échelle apprécie fidèlement les attitudes du sujet mais ne rend pas compte du degré de réactivité interne (précisément les sensations) c’est pourquoi l’appellation, Echelle de recherche de stimulations paraît plus appropriée. La recherche de sensations (du domaine du faire), complète la recherche d’émotions (du domaine du ressenti). Dans un contexte social lié aux moyens financiers et à la culture d’appartenance. L’échelle de Zuckerman permet difficilement la distinction entre les deux composantes. Pour palier ce manque, Arnett propose un outil alternatif : le Arnett Inventory of Sensation Seeking (AISS) en vingt items sur un score de 20 à 80 avec un gradiant de quatre sur une échelle de Likert pour les réponses. Dix items explorent la recherche d’intensité et dix la recherche de nouveauté (Arnett 1994; Arnett, Offer et al. 1997). L’outil d’Arnett repose sur la mesure des besoins de nouveauté et d’intensité de la stimulation. Pour lui, la «SS» est une interaction entre l’environnement social et les processus biologiques (alors que pour Zuckerman le concept est lié à un trait de personnalité, inné). Jusqu’alors, les études sur le concept de quête de sensations ont assez rarement porté sur des populations occasionnellement engagées dans des activités à risque et la plupart du temps elles font état de cas extrêmes.

L’échelle de Zuckerman, malgré ses imperfections reste l’outil le plus intéressant pour identifier les sujets ayant des comportements de recherche de stimulations. Le mélange entre plusieurs niveaux dans sa construction : subjectif/comportemental/hédonique, sensations/stimulation, rend souhaitable une évolution qui pourrait consister à adjoindre un outil de mesure de l’état de conscience émotionnel, celui de l’équipe de Lane par exemple (Lane and Schwartz 1987). Néanmoins l’utilisation de l’AISS d’Arnett dont les items n’ont pas été sélectionnés sur la base d’une analyse psychométrique et dont les alphas de Cronbach58 sont faibles et dénotent une faible consistance interne ne détrone pas l’échelle de Zuckermann.

Nous envisageons l’utilisation de l’échelle de Zuckerman chez les stagiaires PAP. Notamment, chez les « redoublants » (ceux qui font plusieurs stages et qui sont dans la gestion de leur permis de conduire), elle pourrait donner du sens à leur mode de vie et, en l’occurrence les éclairer sur leur façon de se déplacer.

Notes
57.

Marque d’un désir : J’aimerais bien faire plein de nouvelles choses mais, au quotidien de façon réelle et pratique, je reste dans ce que je connais.

58.

L’alpha de Cronbach est un indicateur qui permet de mesurer la fiabilité d’un ensemble de questions (items) censés mesurer un même phénomène. Plus il est proche de 1, plus les items sont corrélés et plus l’échelle de mesure du concept est fiable.