4. Comportement et propension à l’accident

Le comportement se définit par ce que donne à voir le sujet dans son environnement. Pléthore de théories le modélise. Traditionnellement, il est expliqué à travers un système de causalité binaire unidirectionnel. Il est sous l’emprise de la situation (behaviorisme) ou piloté par des dispositions internes (courant psychanalytique). Nous envisageons le comportement dans une perspective socio-cognitive fonctionnaliste dans la lignée de Reuchlin, Bandura et Ajzen. Pour Reuchlin, les comportements ont une fonction adaptative qui en explique l’organisation. Le comportement se définit comme une fonctionnalité et, dans la mesure où plusieurs comportements ont une même fonction, ils peuvent être considérés comme équivalents : caractère adaptatif des conduites avec le principe de la vicariance59 (Reuchlin 1978). Un sujet donné évoque préférentiellement un processus particulier qui devient « la tête » de son catalogue d’actions possibles. En formation, nous nous interrogeons donc moins sur le comment que sur le pourquoi. Pour Bandura, le comportement résulte d’une causalité réciproque triple en interaction deux à deux : les facteurs internes à la personne (événenements cognitifs, affectifs, biologiques, perception d’efficacité et de compétence), les déterminants du comportement (schèmes comportementaux préexistants), les propriétés de l’environnement social et organisationnel (Bandura 1977). Les trois séries de déterminants sont en interaction permanente avec une importance respective variable et contingente. Nous soulignons l’importance de l’anticipation60 dans cette triangulation. En effet, en agissant, le sujet se crée des représentations anticipatrices des conséquences de l’action qui déterminent la réponse finale. Par exemple dans le cadre de la formation, un sujet réagit ou non à une sollicitation en fonction de la probabilité qu’il accorde à la réaction anticipée d’aboutir à une issue favorable et satisfaisante pour lui, en particulier sur le plan de l’estime de soi.

La théorie du comportement planifié d’Ajzen et Fishbein, extension de leur première théorie de l’action raisonnée, [Ajzen et Fishbein, 1980; citée (Mc Cormack Brown 1999),] est l’une des théories largement partagées aujourd’hui dans notre style de vie cartésien. Le comportement planifié postule que le comportement à prédire est volitif et « complètement sous le contrôle de la personne qui doit pendre la décision d’adopter ou non le comportement ». Cette théorie intégratrice s’applique à une très grande variété de situations : abandon scolaire, absentéisme, port du préservatif, sécurité routière, tabagisme (Ajzen 1991). Au cours de ses recherches Ajzen a constaté que plusieurs comportements n’étaient pas exclusivement sous le contrôle du sujet mais également sous influence d’un contrôle social ; il ajoute donc une nouvelle dimension au modèle de l’action raisonnée : celle de la perception de contrôle sur l’action. Cette modification permet de se rapprocher de la réalité et de prédire plus précisément les comportements qui, pour la plupart, ne sont pas adoptés de façon totalement volontaire. La modélisation du comportement avec la variable de volition repose sur un ensemble de théories qui se sont enrichies les unes des autres. Avant de faire une présentation chronologique brève de l’étude du comportement nous schématiserons les mécanismes en amont puis nous aborderons succinctement les composantes cognitives identifiées actuellement comme impliquées dans la conduite automobile.

Notes
59.

La notion de vicariance est, a priori, la compensation d’un organe déficient par un autre. Dans l’acception de Reuchlin, l’accent est mis sur le fait qu’une même fonction peut être remplie par plusieurs processus différents qui sont de ce fait substituables les uns aux autres. La probabilité d’activer l’un ou l’autre varie en fonction des sujets et du contexte (variabilité intra-individuelle et inter-individuelle).

60.

L’anticipation est une médiation cognitive entre le comportement personnel et l’environnement qui peut augmenter, transformer ou annuler les effets proximaux de l’action (fonction exécutive).