5.2 Aspect « factoriel » de la tâche de conduite

Dans la modélisation factorielle, la tâche de conduite renvoie à une notion d’activité déterminée par les connaissances, les représentations et les attitudes acquises. Mentionnons notamment la mobilisation de l’ensemble des habiletés psychomotrices liées aux comportements conditionnés, les activités cognitives pour la recherche des informations pertinentes et surtout la prise de décision. Ajoutons également que la conduite automobile est un acte individuel intégré dans un contexte collectif et social.

Nous considèrerons l’activité de conduite comme un ensemble actif de traitements de l’information en interaction continuelle avec un système extérieur : le flux routier et ses acteurs.

Durant ces trente dernières années, la recherche s’est centrée sur le continuum d’une tâche acquise par capitalisation de sous-tâches, dans un programme structuré de formation intégrant l’activité de conduite dans sa globalité technique, psychologique et sociale. Sur le plan de la formation à la conduite les recherches ont abouti au Programme National de Formation (PNF)66 qui certifie une « qualification routière » représentée par l’obtention du permis de conduire (autorisation administrative faisant partie du code pénal et régie par la loi du 12 juin 2003 article 21 et suivants)67.

Un premier tour d’horizon montre que la conduite automobile est une tâche complexe qui oblige le conducteur à mettre en œuvre de nombreux mécanismes : attention, observation, compréhension et interprétation d’une situation dynamique se modifiant rapidement. La complexité de la tâche de conduite semble tenir autant au fonctionnement cognitif de l’homme au volant qu’à la difficulté de maîtrise d’une machine qui évolue dans un environnement dynamique. L’activité de conduite est un travail. Malaterre68 illustre bien la difficulté et la spécificité de la conduite automobile en écrivant :

‘[…] si vous prenez l’avion, vous vous attendez à ce que le pilote respecte strictement la réglementation. Vous ne l’autorisez pas à estimer que les circonstances, la météo ou d’autres phénomènes extérieurs, lui permettent de s’écarter des procédures en vigueur.’

Qu’en est-il pour la conduite routière ? (Malaterre 2000) p. 78.

La conduite suppose une action coordonnée de personnes qui se comprennent, s’opposent, se combattent ou s’accordent, sur la base de principes qui relèvent de la technique, mais aussi de l’éthique, de valeurs et de croyances spécifiques. User de la route (être un usager), c’est être inséré dans le contexte de l’espace social de la circulation routière. La notion de « coopération » 69 proposée par Dejours suppose qu’il y ait d’une part, « des contributions singulières et des rapports de dépendance entre les sujets » mais aussi, un collectif de travail (Dejours 1999). L’auteur affirme que la coopération accroît la performance individuelle tout en corrigeant certaines erreurs et défaillances, sans pour autant impliquer l’existence d’une nature humaine idéale, ou des sujets invulnérables et parfaitement compétents. La coopération fonctionne comme l’articulation des talents spécifiques de chacun prise en compte dans la formation du conducteur et dans les programmes de prévention.

L’acte technique représenté par la conduite peut être homologué comme travail, dans la mesure où le critère d’efficacité existe – se déplacer en sécurité – et qu’il recouvre au moins une utilité définie70. Le domaine des défaillances en situation de travail est transposable à celui des infractions ou accidents de la route. Au regard des dysfonctionnements prégnants qui perdurent dans le système de circulation, il apparaît maintenant que la notion de coopération soit à-même de réduire le nombre d’accidents et les incivilités routières.

Notes
66.

Arrêté Ministériel du 23 janvier 1989 Programme National de Formation du Conducteur

67.

L’ensemble des articles sont repris dans le code pénal sous :

L211-1-livre I Le conducteur, Titre Premier : Enseignement de la conduite et de la Sécurité Routière, Titre II, Permis de conduire, Titre III Comportement du conducteur. Quant au code de la route est régi à ce jour par l’Ordonnance 2000-930 du 22 septembre 2000 et entrée en vigueur au 1er janvier 2001.

68.

Gilles Malaterre, chercheur à l’INRETS, était directeur du Laboratoire de Psychologie de la Conduite (LPC).

69.

La coopération est une conduite coordonnée définie comme « l’action de participer à une œuvre commune », Dictionnaire Robert 2000.

70.

Selon Dejours pour valider le concept de travail, il faut que le critère d’efficacité recouvre une utilité technique, économique ou sociale.