5.5.1.1 Genre

Bien que l’on sache que les hormones jouent un rôle déterminant pour le développement sexué des capacités cognitives dans toutes les espèces animales et que la structure du cerveau humain est déterminée en partie par les hormones, le sexe biologique n’entraîne pas à proprement parler de différences de comportement. Le comportement sexué résulte de l’apprentissage, de l’éducation et des parcours individuels (Halpern 2007). Néanmoins, par l’intermédiaire du sexe assigné et du sexe social, le sexe biologique donne naissance au sexe psychologique et aux différences de comportement entre hommes et femmes. Précisons néanmoins que la différence cognitive entre les sexes est déterminée par des différences cérébrales et hormonales87.

En outre, de Simone De Beauvoir à Elisabeth Badinter, nous constatons que l’explication « naturelle » des différences hommes/femmes a été mise à mal. Au cours de la deuxième moitié du XXe siècle dans les pays industrialisés, nous observons une modification importante du statut de la femme (au moins dans le discours). Ces modifications ont des incidences sur les comportements. En effet, certaines femmes adoptent des comportements considérés autrefois comme « masculins ». En revanche, les hommes n’en deviennent pas plus féminins pour autant. La question du genre trouve ses racines dans les comportements parentaux. Les comportements sexués se construisent notamment au sein de la famille. Ils sont transmis par les parents à l’enfant qui se les approprie. Les femmes ont des conduites à risque plus intériorisées et symboliques. La signification et les objectifs de conduite diffèrent selon les sexes. Le plaisir pour l’homme, le besoin pour les femmes. La sécurité pour soi et autrui structure plus volontiers le psychisme féminin, faisant de la masculinité et de la féminité plus que du sexe, une variable déterminante du comportement au volant. D’usage, il est dit que les femmes sont dans le verbe alors que les hommes sont dans l’agir.

Le schéma cognitif théorique de genre développé par Lipsitz Bem démontre une différenciation des genres influencée par la dichotomie fonctionnelle sociale des sexes (Lipsitz Bem 1981). Selon ces auteurs :[…] our society seeks to deemphasize racial distinctions but continues to exaggerate sexual distinctions. (p. 363).

Distinguer ce qui est appris de ce qui est inné est difficile, la motivation des conduites à se manifester conformément à la définition culturelle de masculin et féminin s’ajoute à la régulation. La construction de la perception est un processus rétroactif, entre les informations du milieu et les schémas préexistants du sujet. Le schéma cognitif de genre serait un guide pour l’intégration des perceptions.

‘Simultaneously, the child also learns to evaluate his or her adequacy as a person in terms of the gender schema, to match his or her preferences, attitudes, behaviors, and personal attributes against the prototypes stored within it. (Lipsitz Bem 1981), p. 360).

Le sexe social d’appartenance (sur une base lexicale) se mesure, notamment par le Bem Sex Role Inventory  (BSRI).

Pour J.P.Assailly, les garçons sont plus souvent accidentés que les filles et plus gravement (Assailly 2005) p. 9. M.A. Granié précise que les garçons ont 70 % de risques supplémentaires que les filles de décéder d’un accident entre un an et quatorze ans (tous accidents confondus). Pour elle, tout comme le dit J.P. Assailly non seulement les garçons ont plus d’accidents mais des accidents plus graves, y compris quand ils sont dans une même activité, à même exposition. Les sujets féminins identifient, dans l’absolu, davantage de situations de danger dans la rue que les garçons et attribuent plus d’importance aux indices signalant le risque d’accident (Hillier & Morrongiello 1998, Morrongieloo & Rennie 1998, cité par (Assailly 2005) p.10. Pour M A Granié, les filles sont toujours plus conformes que les garçons aux stéréotypes attendus. Elles ont une plus grande conformité à la règle aussi bien dans le champ routier que dans les autres domaines. Une plus grande internalisation88 des règles chez les petites filles est observée (Granié and Assailly 2000; Granié and Ragot 2005). L’internalisation s’expliquerait dans la féminité elle-même. Pour ces auteurs, ce qui différencie le garçon de la fille en tant que piéton, c’est le contrôle visuel et le comportement plus actifs au niveau du regard des garçons et une meilleure connaissance et internalisation de la règle chez les filles. Alors que voir un danger inhibe le comportement de la fille, cela ne suffit pas au garçon pour inhiber le comportement. Alors que les femmes supportent difficilement la transgression des règles, les hommes supportent difficilement le non contrôle.

Engagés dans une même activité, les garçons comme les filles estiment qu’ils ont moins de risque d’accident que les autres. (Morrongiello and Midgett 2000). La différence d’appréciation de la vulnérabilité porte sur la peur de l’accident ainsi que sur les dommages réels. L’équipe de Dunbar et celle de Martin, pour ne citer que deux études parmi les plus récentes portées à notre connaissance (Dunbar, Hill et al. 2001; Martin, Lafont et al. 2004), ont démontré les faits sur la base d’approches épidémiologiques alors qu’une fragilité féminine est démontrée à choc égal (critères biomécaniques de moindre résistance aux chocs des femmes). Pour l’année 2001 en France, J.L. Martin et ses collaborateurs évaluent le rapport d’incidences hommes/femmes à 3,1 pour la mortalité par accident de la circulation (IC 95 % 3,0-3,3) et à 1,7 pour la morbidité (IC 95 % ; 1,7-1,8).Au-delà de ces chiffres globaux, nous observons des pics d’incidence par sexe décalés dans le temps en fonction des âges. Le pic d’incidence des jeunes femmes intervient plus tardivement que celui des jeunes hommes, et, surtout, est beaucoup moins marqué.

Sur un large échantillon, Ferguson met en évidence une corrélation entre infraction et implication dans l’accident des parents et des enfants. En outre, il a chiffré à 7 % l’augmentation du risque d’accident d’une génération à l’autre et à 13 %, celui de verbalisation (Ferguson 2001). L’équipe de Bianchi confirme les résultats de Ferguson dans une étude similaire où ils distinguent l’infraction « excès de vitesse » des autres. Ces auteurs sélectionnent les accidentés responsables et distinguent la contribution maternelle et paternelle. Ils observent une corrélation entre les erreurs de conduite et les violations des parents et de leurs enfants, alors que les verbalisations et les accidents de parents et d’enfants ne sont pas liés ; l’absence de corrélation peut être due à la taille de l’échantillon alliée à la faible incidence des évènements (111 couples). En outre, la tendance individuelle à sous-estimer le nombre d’erreurs de conduite et de violations du code de la route doit être soulignée. La verbalisation effective est aléatoire et fonction du lieu de résidence, gommant ainsi l’objectivation d’une éventuelle corrélation (Bianchi and Summala 2004).

Notes
87.

Les femmes ont une proportion de substance grise supérieure à celle des hommes alors que ces derniers ont plus de substance blanche : axones des neurones gainés de myéline. En outre, les hommes présentent une asymétrie entre le pourcentage de substance grise des deux hémisphère (plus grande quantité de substance grise dans l’hémisphère gauche) alors que la dissymétrie n’existe pas chez la femme) Halpern, D. F. (2007). "The science of sex differences in sciences & mathematics." Psychological science in the public interest 8(1): p 1-51. p. 42.

88.

Une règle est dite internalisée quand elle fait partie du système de valeurs du sujet, s’il advient que l’interdit relatif à cette règle tombe, le comportement ne se manifeste pas. (Même si j’ai le droit de le faire, de moi-même je me l’interdis.)