6. Problématique et hypothèse

Notre partie théorique aborde les aspects du profil de personnalité et du comportement, plus particulièrement du comportement routier. Pour nous le sujet est tout à la fois social et individuel. Il se caractérise par un contenant (le corps et la psyché) et un observable (le comportement). La personnalité constitue le fondement du contenant. La littérature assoit notre conviction selon laquelle la personnalité est stable à travers le temps tout en étant évolutive. Les dimensions émotionnelles, les représentations, la prise de risque et la recherche de sensations influencent le comportement tout au long de la vie au cours de laquelle nous observons pour un même individu au-delà du contexte une ligne comportementale.

La perspective préventive en sécurité routière repose sur le principe de la mobilité du comportement. L’hypothèse de départ est ambitieuse. L’idéologie et le concept de sujet orientent la façon d’envisager l’humain dans son rôle de conducteur. La question posée à l’animateur en sécurité routière est éthique et identitaire. Quels rôles pour quels objectifs ? La fonction « d’initiateur de changement » de « guide » dans un domaine aussi chargé affectivement que la route est-elle réaliste ?

Peut-on durablement et en deux jours initier un changement comportemental pour tous, ou seulement pour certains, ou encore s’agit-il d’une utopie ? Les méthodes d’approche sont-elles cumulables et, surtout, au sein d’un groupe, peut-on utiliser l’une plus que l’autre face à une problématique particulière et identifiée ?

Afin de modifier le comportement routier d’un sujet (afin qu’il devienne plus sûr pour les uns voire un peu moins risqué pour les autres) devons-nous passer par les émotions, les représentations, le social et le cognitif ou conjointement ? Une représentation est-elle immuable, influence-t-elle le comportement ou vice versa ? Est-on dans le déterminisme ou dans sa négation ? La pratique d’animateurs de stage PAP a donné lieu à un ressenti collectif que nous tentons à travers ce travail d’objectiver. Sentir, observer des comportements, lors de nos pratiques d’animation et, s’enfermer dans le paradigme de la simplification (la vérité vraie qui va de soi) nous a semblé impossible. C’est pourquoi nous avons cherché des étayages dans l’approche littéraire et scientifique. La partie théorique de notre travail et, plus particulièrement, l’état des connaissances des différentes dimensions est complétée d’une approche expérimentale, pour faire notre une théorie. La recherche-action permet d’étayer notre façon de voir sans pour autant prétendre à une certitude. Dans la relation de formation, l’identification rapide de certains traits de personnalité, s’ils existent et qu’ils sont spécifiques à la population (constituant les incontournables), permet de trouver le mot juste (le chemin le plus court) qui permet par la suite au sujet (devenu acteur) d’entamer une remise en question génératrice d’une dissonance entre le social et l’individuel (à la base même de la présence en stage). L’approche épidémiologique cartésienne permet de rendre intelligible notre ressenti sans perdre en complexité.

L’objectif général est d’actualiser et d’affiner les liens entre perte de points sur le permis de conduire français, comportements infractionnistes, risque d’accident, représentations et personnalités. Pour ce faire, une bonne connaissance des stagiaires en stage PAP s’avère indispensable pour orienter le contenu pédagogique des formations.

Le lien entre infraction et accident est largement illustré dans la littérature notamment en ce qui concerne les comportements vitesse94. Le risque attribuable au non-respect des limitations des vitesses autorisées est calculé à partir de :

Pour faire ce calcul il est nécessaire de bien connaître les usages. En France, un sondage annuel sur plus de 200 000 mesures est effectué pour le compte de l’ONISR sur tout type de réseau, à plus de trois kilomètres d’un radar automatique. La relation entre les vitesses pratiquées et le risque d’accidents fait référence en la matière à l’étude de Nilsson de 1982 et aux méta-analyses hollandaises respectives de Rune Elvik, Letty AArts et Ingrid Van Schagen de 2006. Les études aboutissent aux formules suivantes citées dans le DGO 2008-2012 :

Comme nous le constatons les résultats récents ne sont pas très éloignés de ceux de Nilsson. Finch en 1994 et Taylor en 2000 ont étudié les variations des coefficients dans différents pays en fonction des routes95.

Ainsi le modèle du risque d’accident illustré par les vitesses est largement illustré. Il est vrai qu’une grande majorité des points retirés est relatif à l’infraction vitesse. Ces équations nous intéressent donc dans la mesure où l’infraction vitesse est la plus liée à la perte de points et que la fréquence d’infractions est également liée au risque d’accident. Néanmoins, le comportement infractionniste ne peut être réduit au comportement vitesse qui depuis 2006 est détrôné par l’alcoolémie positive (en termes de premier facteur d’accident). On peut concevoir l’addictologie au sens large, avec ou sans substance, comme le facteur de risque principal.

Dans notre étude, il s’agit d’abord de définir s’il existe un profil de personnalité spécifique des sujets en perte de points, puis de savoir s’ils sont plus infractionnistes, plus souvent accidentés que les autres et s’ils ont une représentation spécifique du risque, de la sanction, des infractions ?

Le projet vise l'amélioration de l’identification du/des profil(s) de personnalité à risque(s), et l’établissement de propositions didactiques à visée préventive pour les formations post-permis ou pré-permis. Afin de mettre en œuvre notre problématique notre hypothèse unique est la suivante :

À l’exposition au risque (kilométrage) s’ajoutent les variables de personnalité et de mode de vie. L’ensemble influence la prise de risque sur la route ; La variable de personnalité la plus liée à la prise de risque est l’extraversion.

L’hypothèse se scinde en trois parties :

Une hypothèse d’exposition : L’exposition au risque explique, en partie, la présence des sujets en stages.

Une hypothèse de disposition : Les variables de personnalité et de mode de vie influencent la prise de risque sur la route.

Une hypothèse liée au profil : Le score d’extraversion supérieure à celui de la population des actifs caractérise les stagiaires.

Notes
94.

Equations et auteurs sont cités dans le guide méthodologique du Document Général d’Orientation, (DGO) d’Août 2008. Ce document nous a été remis par la préfecture du Rhône, Laurence Bodin dans le cadre de l’élaboration du DGO 2008-2012 auquel nous participons sur l’enjeu vitesse.

95.

Auteurs cités dans le rapport de mars 2006 sur l’impact du contrôle sanction automatisé sur la sécurité routière

http://www.securiteroutiere.gouv.fr/cnsr/2_documents_page_travaux/306_rapport_csa.pdf