1.1.3 Organisation pratique

Depuis le 14 juillet 2002, la lutte contre l’insécurité sur la route est placée sous la vigilance du chef de l’État, avec le statut de « chantier national ». Rejoignant la demande sociale, le président de la république Jacques Chirac, « absolument horrifié par le fait que les routes françaises soient les plus dangereuses d’Europe », a été l’initiateur de la volonté de s’engager dans une politique courageuse, en rupture avec les errements antérieurs. Pour ce faire, Jacques Chirac, puis Nicolas Sarkosy, articulent leurs actions avec cinq ministres98 ainsi qu’avec le Premier ministre et le Délégué Interministériel à la Sécurité Routière (DISR), actuellement Michèle Merli,pour mettre en œuvre l’ensemble des mesures de lutte contre l’insécurité routière, fixées par le gouvernement en Comité Interministériel de Sécurité Routière (CISR). D’emblée, on émet l’hypothèse que le PAP représente un dispositif de régulation interne du système de circulation routière, voire du système de santé publique, l’hypothèse sous-jacente étant que l’infraction est liée à l’accident. À notre connaissance, aucune étude ni française ni étrangère (Dionne et Vanasse au Québec, Smiley pour l’état de l’Ontario, et Diamantopoulou et al. pour l’Australie), ne conclut à un lien positif spécifique entre infractions sanctionnées et accident (Dahchour 2002). Seul Dahchour conclu pour la France à une relation positive entre perte de points sur le permis et risque d’accident p. 313.

Pour contenir le problème de masse du déplacement routier, les politiques ont opté pour une logique de répression et de prévention. Chacun connaît les limites de ce dispositif qui n’annihile pas les infractions au volant et qui ne fait pas reculer de façon assez importante le nombre d’accidents99. Comme le dit Crozier : « […] si on ne peut changer une société par décret, c’est parce qu’on se heurte à l’immense réseau de jeux […] à travers lesquels les individus expriment leur liberté ». (Crozier 1982), p.16.

En fait, les dysfonctionnements de circulation démontrent que l’organisation actuelle devrait être réarticulée pour éviter les effets pervers liés soit à la politique routière, soit au développement des techniques automobiles et de gestion du trafic. En effet, la diminution du risque grâce aux progrès techniques ne se traduit pas toujours par une baisse du nombre d’accidents ou de leur gravité. En l’espèce, un problème d’éducation, notamment d’adaptation cognitive à ces améliorations, sous-tend de tels résultats. Le dysfonctionnement n’est pas uniquement structurel, il s’applique également à l’individu qui par la force de l’habitude enregistre une désinstallation des habitudes de conduite et manifeste une inadaptation cognitive aux situations. Dans ce contexte, traiter de l’articulation prévention/répression c’est estimer que la répression déstabilise le conducteur et lui pose le problème du risque sur la route. Mais agir seulement sur la répression entraîne des effets paradoxaux : la sanction n’est pas forcément comprise par l’ensemble des usagers du réseau. De plus, le système repressif sur le plan des résultats escomptés risque fort d’atteindre son plateau. Le complément nécessaire à la répression reste l’éducation.

Le Code de la Route100 est né en 1905 ; il est fondé essentiellement sur des règles éthiques qui recommandent de traiter « avec les mêmes égards ceux qui n’ont pas les moyens (au niveau financier) d’être propriétaires d’une automobile, qu’ils soient piétons, cyclistes ou voituriers ». Pendant longtemps et encore aujourd’hui dans une moindre mesure, l’État privilégie le mode de transport individuel et soutient le développement industriel de l’automobile.

Notes
98.

Ministres de l’Intérieur, de la Justice, de l’Education nationale, des Transports et de la Santé.

99.

Bien que prometteuses, les dernières statistiques de la Sécurité Routière ne sont pas encore stabilisées. On peut toutefois considérer qu’un changement de comportement au volant s’installe dans la population des conducteurs français.

100.

F. Perigot, ingénieur des Arts et Manufactures, rédacteur du premier Code de la Route.

Cité par Blanchard, 1988, le permis de conduire des origines à nos jours 1899-1986, ENSER.