4.1.2 Caractéristiques

Dans l’ensemble, les stagiaires diffèrent de « Monsieur tout le monde conducteur». On distingue les facteurs d’exposition au risque des facteurs de prise de risques. Les stagiaires sont très exposés au risque et parcourent nettement plus de kilomètres que la moyenne des conducteurs en France, indépendamment de leur genre128 129 (l’argus de l’automobile et des locomotions 2006; ONISR 2007). La présence des hommes en stage est liée à l’exposition au risque, à la masculinité sociale, (j’ai une place dans la société, j’en revendique une plus importante sur la route) et elle semble liée aussi à l’histoire personnelle du sujet masculin (nombre de frères et sœurs). Les stagiaires sont principalement issus de deux mondes, l’un regroupant les CSP à forte autonomie (professions indépendantes et cadres, avec les hauts niveaux d’études) et l’autre, à l’opposé. Les femmes font majoritairement partie du premier groupe. D’un côté, les aventuriers d’autrefois : individualistes optimistes, avec un sentiment de supériorité, qui considèrent que leur prise de risque est légitime parce que maîtrisée, de l’autre les suiveurs du système dont la résistance peut s’exprimer par le déni, la fuite ou la colère. Quelle que soit la résistance utilisée, elle relève d’un mécanisme de défense adaptatif qui vise à éviter la remise en question et permet d’échapper au stress quotidien. Une partie des stagiaires se définit elle-même comme manquant de chance, sur la route et, de ce fait, dit se faire arrêter plus souvent que les autres, sans pour autant admettre sa dangerosité. Les stagiaires masculins se caractérisent par une absence de peur relative à la sanction alors que les femmes stagiaires conservent cette peur de la sanction. Les hommes stagiaires se rapprochent des représentations des femmes témoins sur le danger perçu relatif aux infractions ; l’aspect de la perception du danger constitue une exception, pour toutes les autres variables ils en sont très éloignés.

Même si les stagiaires ont une grande expérience de la route (fort kilométrage), leur recherche de sensation et la prise de risques les exposent plus que le conducteur lambda à l’accident corporel et/ou matériel.

Les stagiaires ont également des caractéristiques propres. Ils sont principalement du sexe masculin (89 %). Une forte implication dans l’accident matériel les caractérise (45 % contre 35 %) et corporel (11 %, contre 7 % des hommes et 4 % des femmes témoins). Toutefois, dans notre étude, la sur-implication dans l’accident est significative seulement chez les hommes. Nous manquons de puissance statistique pour statuer sur les femmes mais nous observons une tendance encore plus importante. Les hommes ont plus souvent des accidents que les femmes et ils sont également plus graves (RR de survenue d’un accident = 1,4). Les femmes stagiaires associent plus souvent alcool et conduite que leurs homologues témoins, en restant cependant à un niveau nettement inférieur à celui des hommes. La sur-implication des stagiaires dans l’accident matériel et corporel est compatible avec les constatations dans un contexte professionnel  de Newbold : un petit nombre de travailleurs influence de façon remarquable la distribution des accidents (Newbold 1926).

La répartition des CSP chez les stagiaires diffère de la population générale pour laquelle l’INSEE (Enquête emploi 2005) recense parmi les actifs beaucoup moins de professions indépendantes, et plus d’employés ouvriers130. Chez les hommes stagiaires, la proportion de cadres est conforme à celle de la population générale ; chez les femmes elle est le double de celle attendue et dépasse même celle des hommes. La part d’actifs chez les stagiaires (92 %) est plus importante que dans la population générale des 15 -65 ans (45 %). Nous avons la même sur-représentation des actifs dans les stages que lors de l’estimation faite par A. Billard à la prévention routière (Billard 2002) ainsi que celle mise en évidence par la cohorte Gazel131. Il ne s’agirait donc pas d’un biais mais d’une réalité.

En stage, comparés aux témoins ; les actifs sont sur-représentés et les activités professionnelles les plus fréquentes sont les professions indépendantes. Les femmes, sont caractérisées par un niveau d’étude supérieur à celui des hommes stagiaires et celui des témoins. Les véhicules très puissants sont plus fréquemment représentés en stage (12 %, contre 4 % chez les témoins). Les stagiaires de l’échantillon, comme la population générale et d’autres populations spécifiques (étudiants), se considèrent rarement plus dangereux que les autres (Chiron and Le Breton-Gadegbeku B 2000; Blincoe, Jones et al. 2006). Au niveau national 3 % (européen 5 %) des automobilistes se considèrent plus dangereux que les autres, alors que 61 % des Français se considèrent un peu ou beaucoup moins dangereux que les autres (Sartre 3 2005). Sur les comportements au volant, la différence entre les sexes, souvent mise en évidence dans la littérature, ressort peu sur l’échantillon des stagiaires. Pour l’ensemble de la population, Assailly évoque la possibilité d’un rattrapage du niveau de risque masculin par les femmes ; mais elles commettent toujours moins d’infractions, elles ont moins d’accidents, sont moins souvent tuées ou blessées sur la route que les hommes (Assailly 2001). Les femmes stagiaires sont atypiques : elles ont une position sociale, une éducation, des pratiques de transport et un profil de personnalité proche de celui des hommes stagiaires. Autrement dit, dans la population générale, les profils hommes et femmes sont éloignés alors qu’ils sont très proches chez les stagiaires. En termes de risques, si l’on voulait exprimer un effet dose, le classement graduel descendant commencerait avec l’homme stagiaire, puis la femme stagiaire, suivie de l’homme témoin et, enfin, de la femme témoin.

Notes
128.

- kilométrage moyen voiture essence = 11 040, diesel = 19 730

129.

– P216 kilométrage moyen annuel = 12 230 km (13 650 pour les hommes et 11 370 pour les femmes) pour les tranches d’âges 25-34 la moyenne est de 15 040 et pour les plus de 65 ans elle est de 9530 km par an. 7% du panel parcourt +30 000 km

130.

Proportion d’hommes et femmes dans la population générale en fonction du statut

- en profession libérale 13 % et 7 %.

- employée ouvrier 71 % et 81 %

131.

Cohorte GAZEL : cohorte de 20 000 volontaires d’Electricité de France et de Gaz de France. En maîtrisant le critère d’exposition, le questionnaire de la cohorte Gazel (2001 et 2004) avait déjà mis en évidence une déclaration de moindre prudence chez les « cadres », comparée aux autres automobilistes, une utilisation plus fréquente du téléphone portable et une vitesse moyenne de déplacement déclarée plus élevée.