4.3.1 Centres agréés et formateurs

Le rapport annuel 2007 de l’ONISR fait état d’une augmentation du nombre de permis en perte de points et d’une augmentation du nombre des stagiaires. Parallèlement, on observe une baisse du nombre de centres agréés (– 7,5 %, entre 2006 et 2007), soit la fermeture d’une centaine. Par ailleurs, on relève une augmentation du nombre de formateurs formés à l’INSERR. Ces fermetures de centres illustrent la difficulté de fonctionnement des petites structures quelle que soit leur forme juridique.

Les centres agréés proposant des stages sont avant tout des centres de profit dans lesquels s’entretient une relation client/fournisseur. Ce type de relation est porté à son paroxysme, avec le système de fidélisation par abonnement qui contrecarre les effets préventifs éventuels. Dans le cadre d’une relation commerciale, la position du psychologue est ambivalente, l’infantilisation résultant du maternage est une position qui permet de sortir de la relation client, peu profitable à la prévention. Déstabiliser le client, le mettre face à ses contradictions et imperfections n’est pas forcément agréable. L’un des créneaux possible (en plus de la séduction qui nous semble inappropriée dans cette fonction et ce contexte) est le réseau affectif maternant. Nous sommes consciente que ce mode relationnel n’est pas idéal et qu’en écho, il implique l’adoption d’un registre infantile chez le stagiaire. Néanmoins, dans l’organisation structurelle, ce mode relationnel semble le moins mauvais, compte tenu des objectifs de satisfaction client, combinés aux objectifs de travail des formateurs (stabilité du niveau de vie) et aux objectifs de prévention. Le rapport Dan souligne la difficulté de la satisfaction client par l’affirmation que, plus le participant est optimiste à l’issue du stage, plus le taux de récidive est élevé (DAN 2000) p.51. Ce résultat peut également traduire le fait que le mauvais comportement au volant revête souvent des aspects juvéniles très liés au biais d’optimisme (Delhomme 1994).

Les critères de choix de la clientèle des centres de formation sont : la date, la proximité géographique et la notoriété (ou place sur la liste des organismes donnée par la préfecture). En effet, les stagiaires viennent souvent en état d’urgence, pour sauver leur permis et, dans ce cas, ils choisissent l’organisme qui propose un stage le plus rapidement. Les petites structures ne proposant, au mieux, qu’un stage mensuel ont peu de chance de répondre au besoin de service immédiat. D’autre part, du fait de l’incertitude constante de satisfaire aux exigences règlementaires et budgétaires (nombre de stagiaires en particulier), elles ne peuvent pas proposer aux animateurs des plannings annuels d’intervention. Ainsi, lorsqu’elles ont le nombre de stagiaires nécessaires, elles trouvent difficilement des animateurs disponibles qui, pour leur part, ont déjà planifié leurs interventions. Elles sont donc contraintes à recruter au niveau national engendrant, au mieux, des frais supplémentaires et un manque de rentabilité et, au pire, une absence de formateur rendant l’exécution de la formation impossible.

Le seuil de rentabilité de ces petites structures, selon qu’elles possèdent ou non une salle à disposition, est atteint entre 11 et 13 stagiaires. Ouvrir un stage pour ces structures à moins de 11 à 13 participants leur coûte de l’argent ; c’est d’ailleurs ce qu’elles font dans un premier temps dans une optique à long terme. En effet, annuler un stage est loin d’être anodin et engendre un risque juridique148.

Une disparition progressive des petites structures au profit des grosses qui connaissent, elles aussi des difficultés est à craindre. Depuis début 2007, alors que le nombre d’animateurs formés augmente chaque année, de grosses structures telles que Allo permis, Acti-route, sollicitent les psychologues pour des stages à pourvoir entre une et trois fois par semaine. En effet, du fait de l’annulation d’un nombre de stages non négligeable, les animateurs en vue de maintenir leur rémunération pratiquent la double réservation. Ils s’engagent ainsi dans plusieurs organismes à une même date et annulent, au dernier moment si nécessaire, au profit du plus offrant ou encore du plus proche. L’absence de sectorisation des animateurs permet une intervention nationale. Cet aspect positif comprend également des effets délétères, dans le cas d’une planification éloignée du domicile de l’animateur simultanée à une demande de disponibilité de proximité.

Il existe également une relation financière entre l’INSERR et les animateurs. La formation en quantité pour pourvoir au manque de longévité dans le métier n’exclu-t-elle-pas des questions de pré-requis au niveau du recrutement ?

Il existerait donc des dysfonctionnements de fond au niveau des centres et des animateurs : tout d’abord, une déperdition importante du nombre des psychologues animateurs formés à l’INSERR est enregistrée. Ils ne font pas carrière dans l’animation de stage PAP, alors qu’il n’en est pas de même pour les spécialistes de la route (BAFM et BAFCRI).

L’INSERR recrute pour ses formations de jeunes psychologues, essentiellement des femmes, d’autant plus que, comme dans tous les métiers relevant des sciences humaines, la population féminine est sur-représentée. Elles n’ont pas d’expérience professionnelle ; plutôt que d’être au chômage, elles voient une perspective de carrière à court terme. Leur choix est temporaire et « alimentaire », d’autant plus que, pour beaucoup, le véhicule et les comportements afférents ne font pas appel à la « partie  noble » de l’humain. Dans le métier d’animateur PAP, le fait d’être une femme n’est pas anodin au mode relationnel établi avec les stagiaires (très majoritairement masculins).

L’absence d’expérience professionnelle ne permet pas de faire référence à d’autres situations lors de l’animation, il en résulte à la fois un manque de contenu et d’assurance de l’animateur mais également un manque d’expérience annexe qui permette de se ressourcer. En outre, on peut souligner une dissonance entre les programmes de formation PAP dispensés par l’INSERR et le code de déontologie du psychologue du 22 mars 1996 (dernier en date) ; notamment, Chapitre 1, article 3 et Chapitre 2, article 6 qui traitent de la responsabilité :

‘[…] Outre les responsabilités définies par la loi commune, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Il s'attache à ce que ses interventions se conforment aux règles du présent Code. Dans le cadre de ses compétences professionnelles, le psychologue décide du choix et de l'application des méthodes et techniques psychologiques qu'il conçoit et met en œuvre. Il répond donc personnellement de ses choix et des conséquences directes de ses actions et avis professionnels]. ’

Sur l’autonomie technique : « Le psychologue fait respecter la spécificité de son exercice et son autonomie technique. Il respecte celle des autres professionnels. ». Le code de déontologie précise que le fait d’être lié par un contrat de travail ou de subordination ne modifie en rien l’indépendance du choix de ses méthodes et de ses décisions. D’autre part, il s’avère que les jeunes psychologues, sans expérience, bénéficient fréquemment de contrats de travail qui prennent en compte le coût de la formation, sous réserve d’un engagement d’une durée variable (dédit formation). Le salarié fait rapidement le calcul du nombre de ses interventions hebdomadaires au regard de son salaire et conclut à la nécessité de changement de statut (salarié/indépendant). L’usage en la matière est de 8 à 12 animations de stages par mois (secteur national), pour un salaire mensuel net de 1 300 à 1 500 €, alors que la facturation moyenne en honoraire est de 750 à 800 €, hors frais.

La qualité d’un stage ne relève pas du lieu d’exécution (polémique sur les stages dans les hôtels) mais plus de l’engagement des animateurs et du phasage avec les centres. Pour assurer un service de qualité il est nécessaire que l’engagement des animateurs sur un planning d’intervention soit ferme (sauf cas de force majeure) et que, parallèlement, l’organisme soit assuré du nombre minimum de participants imposé. Ceci n’est possible que dans le cas du regroupement de structures ou par l’intervention de la préfecture qui oriente systématiquement le client sur un critère prédéfini (date, proximité du domicile).

Notes
148.

Dans le cas concret d’une annulation de stage pour manque de participants et d’une invalidation du permis de l’un des stagiaires inscrit, ce dernier aura pris les précautions nécessaires pour protéger son permis et une cause indépendante de sa volonté le met dans l’impossibilité de faire le stage.