I.3.1.2. La latéralisation du langage chez les individus sains

La dominance HG pour le langage est acquise bien avant la maturité chez la majorité de population. Il a été proposé que la période critique de développement de la spécialisation hémisphérique pour l’acquisition primaire du langage se situe entre 2 et 12 ans (Lenneberg, 1966). Une étude récente en IRMf (Gaillard et al., 2003) a examiné le réseau cérébral sous-tendant le langage chez les enfants (entre 5,8 et 7,9 ans). Les auteurs ont montré que le réseau sous-tendant le langage est localisé et latéralisé à l’HG avant 6-7 ans. Le réseau linguistique chez ces enfants ressemble à celui des adultes, puisqu’il comprend la région temporale moyenne, la région occipito-temporale, le gyrus fusiforme, la région frontale moyenne, et l’aire motrice supplémentaire (SMA).

D’un autre côté, la mise en place de la latéralisation reste plus ou moins plastique. Chez les patients épileptiques avec le foyer dans l’HG, par exemple, le langage est plus souvent latéralisé dans l’HD, et la latéralisation typique à gauche est moins robuste dans l’ensemble (Lee et al., 2008). De plus, les études récentes sur un grand nombre de participants sains (326 personnes) ont suggéré que la latéralisation pour le langage est linéairement corrélée au degré de latéralité manuelle. En d’autres termes, la probabilité de dominance HD pour le langage augmente avec le degré de latéralité manuelle gauche (Knecht et al., 2000 ; voir Figure I.16 ).

Figure I.16

La latéralisation atypique est aussi observée pour d’autres fonctions que le langage. Tandis que pour la majorité de population l’HD est dominant pour l’attention visuo-spatiale, la dominance HG pour cette fonction peut être parfois observée chez les individus sains (Floel et al., 2005). Les latéralisations atypiques des différentes fonctions ne sont pas toutes combinées mais elles interfèrent probablement entre eux dans une certaine mesure (Jansen et al., 2005).

La latéralisation pour le langage ainsi que pour les autres fonctions cognitives est un sujet en plein essor aujourd’hui. La latéralisation hémisphérique pour les fonctions cognitives fait l’objet de recherches en psychiatrie, l’anomalie de latéralisation étant souvent liée à la dyslexie (Heim and Keil, 2004). Par ailleurs, déterminer la latéralisation fonctionnelle est important pour les évaluations pré-chirurgicales chez les patients atteints d’épilepsies pharmaco-résistantes, afin d’éviter le risque d’apparition de déficits linguistiques/mnémoniques après l’intervention. Enfin, outre la latéralisation elle-même, l’étude sur la latéralisation nous fournit une stratégie unique pour approfondir notre connaissance sur l’évolution et les mécanismes sous-tendant les fonctions cognitives, comme nous allons le décrire plus tard.