V.2.2. Mots et lettres isolées

Une étape critique lors de la lecture de mots est l’identification des lettres. Si l’identification de mots est dépendante d’une communication avec les régions langagières antérieures, l’identification des lettres s’est probablement développée de manière « feed-forward » : il serait en effet moins coûteux de résoudre les variances de forme pour seulement 26 lettres que pour des dizaines de milliers de mots (Grainger et al., 2008). Malgré les premières théories sur le traitement des lettres proposées depuis plus d’un demi-siècle et de nombreuses études à ce sujet, les mécanismes cérébraux de la reconnaissance de lettres n’ont été révélés que très récemment (pour une revue voir Grainger et al., 2008). Tandis que ces études récentes ont proposé qu’il existe dans le cerveau une région spécifique au traitement des lettres (James et al., 2005;Polk and Farah, 2002;Joseph et al., 2006); voir Figure V.1B), il est pourtant difficile d’expliquer pourquoi cette région est plus antérieure que la région OTv impliquée dans la lecture des mots (Joseph et al., 2006). Par ailleurs, une région des séquences de consonnes a été proposée, différente de celle des lettres isolées, et située de manière plus postérieure et adjacente à la région pour les mots (James et al., 2005 ; voir Figure V.1).

Figure V.1

L’effet de « supériorité du mot » (i.e. une lettre est plus facilement reconnue si elle est contenue dans un mot plutôt que dans un non-mot), qui est constaté dans les études psycholinguistiques (McClelland, 1979), indique qu’il existe probablement une interaction entre la reconnaissance des mots et des lettres, mais on connaît peu le mécanisme de cette interaction. Une explication possible serait qu’avant que les lettres qui composent un mot soient identifiées, les informations de basse fréquence spatiale seraient déjà projetées dans une région préfrontale, facilitant ainsi la reconnaissance par une « conjecture initiale » comme proposé par Bar et al. (2003, 2006) pour la reconnaissance d’objets. Les études futures permettront d’examiner et de mieux comprendre ce mécanisme potentiel.