V.4. Perspectives

Les résultats recueillis au cours de cette thèse offrent plusieurs perspectives, dont certaines feront l’objet de mon travail de recherche futur. La plupart ont été mentionnées dans cette discussion, et je les résume ci-dessous.

Une perspective principale de ce travail de recherche serait d’approfondir les connaissances sur les mécanismes de la reconnaissance des mots (ainsi que d’autres catégories de stimuli) en comparant une relativement grande population dominante HD atypique avec une population typique. Cela faciliterait la dissociation entre ces latéralisations fonctionnelles et nous permettrait probablement de mieux étudier ces fonctions. Une perspective liée est de déterminer la connectivité fonctionnelle sous-tendant ce mécanisme (et sa latéralisation), ce qui permettrait par ailleurs de faire la lumière sur le mécanisme de la latéralisation fonctionnelle elle-même.

Une étude supplémentaire découlant de ce travail de thèse sera de révéler la liaison entre le désengagement de la région OTv droite (non-dominante) ainsi que d’autres régions telles que la région pariétale postérieure et l’expertise perceptuelle en lecture. Elle consistera à réaliser, chez les mêmes individus, un entraînement de lecture dans le format vertical, ce qui permettra d’établir une expertise perceptuelle dans cette condition. En comparant les activités OTv des mêmes sujets avant et après apprentissage, nous serons ainsi capables de mieux comprendre les liens entre OTv et expertise perceptuelle.

Les études sur la latéralisation chez les poussins (Vallortigara et Rogers, 2005 ; Rogers, 2000 ; voir Chapitre I.3.2) ont suggéré que la latéralisation fonctionnelle fournisse un avantage lors de la réalisation d'une multitâche puisque les deux hémisphères seraient recrutés différemment. Est-ce le cas également chez l’homme? L’aire fusiforme des visages « FFA » (Kanwisher et al., 1997), par exemple, est plutôt latéralisée dans l’HD et la « VWFA » se situe grossièrement dans la même région en miroir. Chez les participants atypiques, le traitement des visages recruterait donc grossièrement la même région OTv que celle impliquée dans le traitement des mots (e.g. Drane et al., 2008). Néanmoins, il reste à savoir si cette superposition réduit l’efficacité de la reconnaissance des mots et/ou des visages dans un environnement complexe. Une étude future s’attachera à répondre à cette question en examinant les performances de participants atypiques dans une « double » tâche.

Enfin, une perspective de ce travail sera de clarifier les effets liés à un système d’écriture spécifique dans la lecture de mots. Une étude utilisant le design « système d’écriture » (de gauche à droite vs. de droite à gauche) × « dominance cérébrale » (HD vs. HD) contribuera à répondre à cette question ainsi qu’à clarifier l’asymétrie fonctionnelle du champ visuel dans la lecture.

L’étude des mécanismes sous-tendant la lecture constitue encore à l’heure actuelle un domaine de recherche particulièrement actif. Le présent travail de thèse, en combinant des techniques de neuroimagerie complémentaires, a permis de mieux comprendre le rôle de la région OTv dans la reconnaissance visuelle des mots, et plus particulièrement son rôle dans l’expertise perceptuelle en lecture ainsi que ses interactions avec les régions langagières frontales. Nous avons également clarifié les liens unissant latéralisation cérébrale du langage et avantage du champ visuel lors de la lecture des mots. De par ses résultats prometteurs, ce travail offre des perspectives intéressantes pour approfondir notre connaissance des mécanismes de la reconnaissance des mots mais aussi pour comprendre les avantages de la latéralisation cérébrale fonctionnelle chez l’homme.