Introduction Générale

L’objectif de ce travail est d’explorer deux des principaux troubles cognitifs que l’on recense dans la schizophrénie : le syndrome dysexécutif, ou trouble du contrôle de l’action volontaire, et les anomalies de représentation ou de compréhension du comportement d’autrui – qui prennent habituellement la forme d’une incapacité (ou d’une capacité réduite) à juger et à se représenter les états mentaux d’un tiers. Ces deux anomalies du fonctionnement cognitif ont en commun d’avoir un impact extrêmement délétère sur le fonctionnement quotidien des patients. Ils souffrent également d’être assez mal spécifiés, à la fois au plan de leur sévérité et de leur association, souvent diffuse, avec les différentes dimensions symptomatologiques de la maladie.

Nous proposerons dans les deux volets de cette thèse de réévaluer ces troubles à la lumière de deux modèles hiérarchiques des représentations d’actions – en première (Koechlin et al., 2003) et en troisième personne (Kilner et al., 2007). L’enjeu conjoint de ces modèles est de reconsidérer les fonctions de contrôle et de compréhension de l’action au niveau de leurs processus les plus élémentaires. Le modèle de Koechlin et collaborateurs propose à ce titre de décomposer les mécanismes de contrôle de l’action en trois niveaux distincts, fonction de la nature de l’information à contrôler (sensorielle, contextuelle, épisodique) et de l’implémentation de ces contrôles dans le cortex préfrontal dorsolatéral, le long d’un gradient de complexité antéropostérieur. Le modèle de Kilner, quant à lui, convoque le formalisme du predictive coding pour rendre compte de la robustesse de nos inférences mentales en situations perceptives d’ambiguité ; il suggère, en particulier, que le cerveau est capable de suppléer cette absence d’information perceptive en se référant à des attentes constituées dynamiquement à chacun des niveaux de la hiérarchie corticale engagée durant l’observation.

Les tâches que nous présenterons en première et deuxième partie de ce travail adaptent, ou s’inspirent directement du formalisme de ces modèles. Ces modèles offrent selon nous un cadre cohérent, et biologiquement plausible, dans lequel explorer en détails la dynamique interactive des processus de contrôle et de compréhension de l’action, à la fois dans la mise en œuvre des comportements qu’ils gouvernent et des dysfonctions qu’ils peuvent occasionner.