2.1 Les outils en question : « Can the neuropsychological case-study approach be applied to schizophrenia ? » 1

Le caractère hétérogène des troubles exécutifs recensés dans la schizophrénie invite en premier lieu à questionner la spécificité des tâches choisies pour les évaluer. Or, il est aujourd’hui établi que la plupart des tests conventionnels ne constituent pas de « pures » mesures du fonctionnement exécutif (Miyake et al. , 2000; Rabbit, 1997 ; Palmer & Heaton, 2000, pour revue).Le test du Wisconsin en particulier est une tâche de résolution complexe qui requiert probablement la mise en œuvre, non pas d’une seule fonction, mais de processus cognitifs multiples – peut-être parallèles –, souvent basiques, et dont l’évaluation pourrait manquer les dysfonctionnements possibles (Anderson et al.,1991 ; Mountain & Snow, 1993, pour revue).

Cette contamination de la mesure exécutive par des processus routiniers, non exécutifs, est la source majeure des difficultés méthodologiques associées à l’évaluation des fonctions exécutives. A l’instar de la plupart des fonctions cognitives, le fonctionnement exécutif est en effet un « construit » théorique qui, par définition, ne peut jamais être directement mesuré. Comme le soulignent à juste titre Green et Nuechterlein (1999), les tests neuropsychologiques ne sont jamais que des « indicateurs » de ce construit, et, par conséquent, n’en réalisent que des mesures approximatives. C’est pourquoi l’évaluation d’une fonction (la planification, par exemple) requiert le plus souvent des mesures croisées (tâche des Tours, Wisconsin…). Or, cette multiplication des indicateurs présente un risque évident : celui d’accroître le nombre de processus interférents qui entrent dans la composition des mesures réalisées.

Non contrôlés et plus ou moins saillants selon les tests, l’existence tacite de ces processus pourrait donc expliquer la variabilité parfois importante des performances d’un sujet dans des tâches qui, pour être distinctes, évaluent néanmoins la même fonction (variabilité intra-individuelle). L’influence de ces processus interférents pourrait également expliquer que, dans une tâche exécutive quelconque, des comportements à première vue similaires puissent avoir des causes différentes (variabilité interindividuelle). Aux test du Wisconsin et de la Tour de Londres, l’hétérogénéité frappante des performances des patients schizophrènes pourrait ainsi traduire la contribution insidieuse de processus de second plan, non exécutifs et pour la mise en œuvre desquels les patients évalués ne seraient naturellement pas égaux (Anderson et al., 1991). De fait, la variabilité interindividuelle des schizophrènes en matière de planification traduirait en réalité l’extrême variabilité de leurs compétences à d’autres plans de la cognition (Van der Does & Van den Bosch, 1992).

Parce qu’elles mobilisent simultanément plusieurs fonctions cognitives, la plupart des tâches conventionnelles sont donc souvent multidéterminées (par des processus centraux et périphériques). Le problème méthodologique que pose la multidétermination des batteries de tests est, de fait, étroitement lié au problème théorique de la multidimensionnalité des fonctions exécutives. Les fonctions dites « exécutives » représentent en effet une notion théorique complexe, aux contours un peu flous, et dont les composantes ou dimensions se chevauchent partiellement. Elles sont à ce titre particulièrement difficiles à opérationnaliser et, en conséquence, les troubles qui les affectent s’avèrent difficiles à évaluer (Van der Linden et al., 2000, pour revue).

Notes
1.

Shallice, Burgess & Frith, 1991.