2.2 Troubles exécutifs et mécanismes sous-jacents : des fonctions exécutives aux processus de contrôle

La démarche qui caractérise les batteries de tests conventionnels présente un intérêt et une validité écologiques pourtant indiscutables – en matière de détection, de quantification ou de prise en charge du handicap. L’« impureté » caractéristique de ces tests, cependant, laisse souvent indéterminé le détail des mécanismes neurocognitifs spécifiquement atteints (Miyake et al., 2000 ; Shallice et al., 1991). La raison en est que ces batteries de tests ont été principalement élaborées pour détecter ou inférer la présence de lésions cérébrales, circonscrites (agnosies, apraxies…) ou diffuses (traumatismes crâniens, anoxies, démences d’Alzheimer…), et, à quelques rares exceptions près, n’ont pas été pensées en référence à un modèle cognitif particulier (Marzcewski et al., 2001). Cette absence de référence théorique les rend par conséquent muettes quant aux liens qu’entretiennent troubles et mécanismes sous-jacents. Or, dans le champ de la psychopathologie en particulier, cette approche « descriptive » du déficit doit pouvoir céder le pas à une approche « compréhensive » de l’atteinte cognitive, chargée de mettre en évidence les mécanismes qui entretiennent ou contribuent à l’émergence des troubles étudiés. Selon un modèle influent de la schizophrénie, ces mécanismes pourraient en effet jouer un rôle important, non seulement dans la production des troubles cognitifs de la maladie, mais également dans la production des symptômes psychotiques eux-mêmes (Frith, 1992).

Dans la schizophrénie, les troubles du fonctionnement exécutif ne seraient donc pas assimilables à des atteintes « pures », clairement circonscrites sur le plan de la cognition, mais seraient étroitement liés aux dimensions de la maladie elle-même. De fait, il est depuis longtemps établi que ces dysfonctionnements sont très souvent associés à l’expression des symptômes négatifs de la schizophrénie (Hill et al., 2001) ainsi qu’à ses symptômes de désorganisation (Mahurin et al., 1998).

A ce titre, l’extrême variabilité des patterns de dysfonctionnement exécutif rapportés chez les patients schizophrènes pourrait refléter l’hétérogénéité clinique de la schizophrénie elle-même – des schizophrénies ? Or, si ces dysfonctionnements s’articulent en détail avec les expressions variées de la symptomatologie (productive, déficitaire, de désorganisation), alors il paraît indispensable d’outrepasser le plan de la pure phénoménologie et de mettre à jour, au-delà de la variabilité qui caractérise leurs manifestations, les mécanismes communs à ces dysfonctionnements. Cette entreprise, qui représente un enjeu crucial tant au niveau du diagnostic qu’au plan de l’élaboration scientifique de la maladie, requiert de se situer à un niveau d’analyse plus fin du déficit : en se déplaçant, par exemple, de la notion reconstruite de « fonction » (exécutive) à celle, moins théorique, de « processus » (de contrôle).