3.2 Les prédictions du modèle 

L’intérêt majeur du protocole de Koechlin et coll. (2003) tient en ce qu’il propose des conditions expérimentales distinctes permettant de faire varier, de manière indépendante ou liée, la contribution de ces trois niveaux de contrôle cognitif (sensoriel, contextuel, épisodique). La mise en œuvre de l’un ou l’autre de ces contrôles a un coût variable, que le formalisme mathématique de la Théorie de l’Information (Shannon, 1948) permet de quantifier en valeurs objectives. Nous avons vu que le contrôle cognitif avait pour fonction d’assurer la sélection d’une réponse appropriée parmi un ensemble d’actions possibles, et cela, en vertu de signaux « de contrôle » de types potentiellement distincts (sensoriel et/ou contextuel et/ou épisodique). Or, il a été montré que le coût – ou la complexité – du contrôle cognitif co-variait avec le poids de l’information véhiculée par ces signaux de contrôle (Berlyne, 1957). La valeur de cette information est, dans la théorie de Shannon, une fonction logarithmique de la fréquence inverse avec laquelle une association Stimulus-Réponse est habituellement sélectionnée parmi un ensemble d’associations possibles de même type, pour un signal de contrôle donné4 (Koechlin et al., 2003). La complexité du contrôle sollicité dépend donc étroitement de la valeur de cette information. Dans le formalisme de la Théorie de l’Information, cette valeur est quantifiée en unités de mesure discrètes, et additionnables, les « bits » (binary digits). Le modèle en « cascade » de Koechlin et collaborateurs prédit qu’une sollicitation accrue des différents types de contrôle – i.e. une augmentation de leur valeur associée – devrait accroître les temps de réaction des participants et, dans le cas d’une perturbation localisée pour l’un ou l’autre niveau de la hiérarchie, les taux d’erreurs devraient augmenter en conséquence. L’expérience princeps réalisée par les auteurs sur des sujets sains a largement vérifié ces prédictions (Koechlin et al., 2003).

Une analyse détaillée de ces taux d’erreurs et de ces latences offre donc la possibilité d’évaluer dans le détail les performances des participants pour chacun des trois niveaux de contrôle sollicités ; partant, elle pourrait nous permettre d’identifier de manière précise le niveau de contrôle cognitif éventuellement déficitaire dans la schizophrénie. Or, malgré une littérature considérable sur les altérations des fonctions exécutives dans la pathologie, l’architecture du système de contrôle qui sous-tend la mise en œuvre de ces fonctions n’a jamais été évaluée.

Notes
4.

Ainsi, une association S-R fréquemment mise en œuvre requerra un contrôle peu coûteux (sinon nul dans le cas des routines d’action, par exemple).