5. Discussion (2)

5.1 Hypo-activation préfrontale et dysconnectivité rostro-caudale

Cette dernière étude confirme dans leur ensemble les prédictions que nous avions formulées précédemment. Les patients schizophrènes présentent un déficit d’intégration des signaux contextuels qui se traduit, au plan cérébral, par une hypo-activation des régions préfrontales caudales. Chez les patients, cette hypoactivation témoigne de la pauvreté des influences contextuelles sur la sélection de leurs réponses. Or, nous observons que les patients compensent la pauvreté de ces influences top-down en se référant de manière excessive aux informations épisodiques de la tâche. C’est ce que semble traduire, chez les patients, l’hyper-activation observée dans la partie rostrale de la hiérarchie de contrôle.

Cette observation invite naturellement à formuler l’hypothèse d’un dysfonctionnement interne à la hiérarchie frontale, dont pourrait rendre compte un problème de connectivité entre les différents modules de cette hiérarchie (Yoon et al., 2008). Pour le déterminer plus précisément, nous avons conduit avec G. Barbalat des analyses de connectivité effective (SEM-PPI) entre les régions caudales et rostrales de la hiérarchie chez les sujets contrôle et les patients schizophrènes de notre échantillon. Les résultats préliminaires de cette analyse confirment nos attentes. La sélection des informations épisodiques est associée, chez les sujets sains, à une augmentation des liens fonctionnels entre les régions rostrales (antérieures) et caudales (postérieures) de la hiérarchie préfrontale. Ces liens, en revanche, sont absents chez les patients schizophrènes (figures 3, p.53, & figure 4, p.54).

Cette absence d’influence des régions antérieures sur les régions plus postérieures de la hiérarchie de contrôle pourrait traduire un problème plus fondamental de binding temporel. Chez les patients, en effet, les régions rostrales du CPL n’exercent pas leur fonction habituelle de sélection des représentations caudales. Cette sélection, anormale ou absente chez les patients, pourrait affecter l’intégration des indices de contexte immédiat au sein de l’épisode temporel en cours. L’hypothèse d’un déficit en binding temporel a déjà fait l’objet de plusieurs investigations dans la schizophrénie (voir Rizzo et al., 1996 ; Burglen et al., 2004), mais les corrélats cérébraux de ce déficit sont encore mal connus. Les résultats préliminaires de notre analyse de connectivité suggèrent que ce déficit pourrait tabler sur un défaut de connectivité interne aux régions caudales et rostrales du cortex préfrontal dorsolatéral. Ce déficit illustrerait les difficultés qu’ont certains patients schizophrènes – en particulier les patients désorganisés – à intégrer des éléments temporellement distants au sein d’une réponse unique, adaptée au contexte immédiat dans lequel cette réponse doit être produite (Barbalat, Chambon, Ody et al., soumis).

Figure 3. Diagramme des
Figure 3. Diagramme des path coefficients entre les régions préfrontales latérales, chez les sujets sains et les patients schizophrènes. Les activations frontales et les path coefficients qui augmentaient significativement avec les facteurs CONTEXTE et EPISODE sont respectivement présentés en jaune et en rouge (NB : les analyses statistiques ont été réalisées sur les variations absolues de ces coefficients, tandis que la figure ne présente que leurs variations relatives).
Figure 4. Analyses PPI dans le CPL rostral gauche et droit, chez les sujets sains et les patients schizophrènes. Points verts : valeurs du signal BOLD pour une sollicitation faible de contrôle épisodique (baseline). Points rouges : valeurs du signal BOLD pour une sollicitation élevée de contrôle épisodique (epi). (A & B) L’activité (mean-corrected activity) dans le CPL caudal gauche est présentée comme une fonction de l’activité (mean-corrected activity) dans le CPL rostral gauche (en unités arbitraires). (C & D) L’activité dans le CPL caudal droit est présentée comme une fonction de l’activité dans le CPL rostral droit.
Figure 4. Analyses PPI dans le CPL rostral gauche et droit, chez les sujets sains et les patients schizophrènes. Points verts : valeurs du signal BOLD pour une sollicitation faible de contrôle épisodique (baseline). Points rouges : valeurs du signal BOLD pour une sollicitation élevée de contrôle épisodique (epi). (A & B) L’activité (mean-corrected activity) dans le CPL caudal gauche est présentée comme une fonction de l’activité (mean-corrected activity) dans le CPL rostral gauche (en unités arbitraires). (C & D) L’activité dans le CPL caudal droit est présentée comme une fonction de l’activité dans le CPL rostral droit.