B. Les « Trente Glorieuses » : une pÉriode d’expansion Économique avec des effets sur le dÉveloppement urbain

La période dite des « Trente Glorieuses » - selon l’expression de Jean Fourastié⁵⁰ - correspond à un cycle économique et social relativement homogène que vient stopper le choc pétrolier de 1973, même si des signes d’essoufflement étaient perceptibles avant même la hausse du prix du baril de pétrole. Cette « révolution silencieuse » se traduit par des bouleversements profonds en France : croissance économique forte et durable, tertiarisation de l’économie, hausse du niveau de vie moyen, entrée dans la société de consommation.

Cette période de forte expansion économique a des traductions en termes spatiaux qui intéressent directement l’histoire urbaine. La tertiarisation de l’emploi s’effectue au détriment de la population active agricole dont les effectifs s’effondrent au cours de la période. Le basculement population urbaine / population rurale a eu lieu au début des années 1930 en France, mais il s’accélère après 1945.

L’urbanisation est par conséquent une donnée essentielle des Trente Glorieuses, et l’agglomération lyonnaise participe de ce mouvement d’ensemble qui touche toutes les métropoles régionales françaises. Pour le géographe Jacques Bonnet, qui écrit un ouvrage très documenté en 1987 sur la croissance urbaine à Lyon, « ces années de prospérité (1960-1975) s’étaient traduites par une expansion urbaine considérable, marquée à la fois par une extension du tissu périphérique, aux dépens de la campagne, et par une densification du bâti dans le noyau central. Cette double évolution de l’urbanisation était induite directement par la poussée démographique, la progression du niveau de vie et de la consommation des ménages, la capacité d’investissements immobiliers des entreprises - et, indirectement, par la concentration des structures économiques, par l’ambition spatiale des groupes industriels et tertiaires, par l’intervention de l’État en matière d’aménagement du territoire et d’urbanisme »⁵¹. La croissance urbaine dans l’agglomération au cours de la période s’accompagne d’un interventionnisme qui se traduit en effet par la création des grands outils d’aménagement du territoire, dont plusieurs prétendent agir directement sur le réseau urbain. Si les transformations urbanistiques de l’agglomération lyonnaise sont depuis quelques années mieux connues à la suite de divers travaux en histoire urbaine⁵², la période des Trente Glorieuses a fait l’objet de contributions plus rares, qui complèteront ici nos propres investigations.