1. Les chiffres de la croissance urbaine

L’extension de l’agglomération lyonnaise au cours de la période se lit dans les chiffres fournis par les recensements successifs (1946, 1954, 1962, 1968 et 1975). La population de l’ensemble des trente-quatre communes concernées par l’étude est ainsi passée de 724 200 à 1 055 800 habitants entre 1954 et 1975, soit un accroissement de 68,6 %. Les densités humaines ont également fortement augmenté. La densité moyenne pour l’espace d’étude était d’environ 1 580 habitants par km2 en 1954, elle est de 2 190 en 197553. Françoise Bayard et Pierre Cayez confirment cette urbanisation très nette. Les taux annuels de croissance démographique de l’agglomération lyonnaise s’élèvent à 2,37 % pour la période 1954-1962, puis 2,22 % jusqu’en 1968, enfin 1,06 % entre 1968 et 197554. Jean-Luc Pinol estime que la croissance urbaine a été telle à Lyon que l’ « on pourrait presque dire que l’on a changé de monde entre 1954 et 1975 »55.

Le critère du logement est à cet égard très révélateur. La moitié du parc immobilier des communes de Lyon, Villeurbanne, Bron et Vénissieux en 1975 a été bâtie après 1948, ce qui représente une moyenne de 5 400 logements nouveaux chaque année (contre 1 320 pour la période 1871-1948), avec des pointes à 7 000 logements par an entre 1962 et 1967. D’un point de vue spatial, le caractère discontinu du bâti des communes périphériques tend à disparaître au cours de la période56. Certes, cette fièvre de construction au cours des Trente Glorieuses ne doit pas cacher certaines pesanteurs. Ont en effet été relevées quelques lenteurs dans les transformations du bâti (comme la persistance notable des murs en pisé dans l’agglomération57) ou certaines « hésitations », par ailleurs discutables, dans les choix en matière d’urbanisme58. Il reste cependant indéniable que la croissance urbaine est un des phénomènes majeurs de l’histoire lyonnaise récente, entraînant des transformations géographiques de grande ampleur.

Notes
53.

D’après nos propres relevés et calculs à partir du dépouillement du Recensement général de la population 1975, Rhône, INSEE, 1975.

54.

Françoise Bayard et Pierre Cayez, Histoire de Lyon, t. 2 : Du XVI ème siècle à nos jours, Le Côteau, Horvath, 1990, p. 422 (ces chiffres portent sur 104 communes au total).

55.

Jean-Luc Pinol, « L’évolution urbanistique », dans L’intelligence d’une ville. Vie intellectuelle et culturelle à Lyon entre 1945 et 1975, Matériaux pour une histoire, actes des rencontres des 2-3 juin 2005 organisées à la Part-Dieu, Lyon, Bibliothèque municipale, 2006, p. 33-42, citation p. 34.

56.

Idem, chiffres p. 34-35.

57.

Idem, p. 41-42.

58.

Olivier Zeller, « Les hésitations d’un urbanisme [à Lyon] », dans Jean-Luc Pinol (dir.), Atlas historique des villes de France, Paris, Hachette, 1996, p. 170-171. La thèse d’une rupture nette entre l’immobilisme de la fin du mandat Herriot et le dynamisme urbanistique à partir de la municipalité Pradel est également soutenue par l’un des principaux protagonistes de l’aménagement urbain de l’agglomération au cours de cette seconde période, Charles Delfante (Charles Delfante et Jean Pelletier, Atlas historique du Grand Lyon. Formes urbaines et paysages au fil du temps, Éditions Xavier Lejeune-Libris, 2004, p. 167-183). La thèse de Marie-Clothilde Meillerand sur l’histoire de la politique urbaine dans l’agglomération lyonnaise entre 1938 et 1975 (sous la direction de Jean-Luc Pinol) permettra sans doute de nuancer ce clivage.