2. Des représentations catholiques de la ville ?

Le vocabulaire géographique et sociologique utilisé dans la Semaine religieuse pour nommer les espaces apporte des éléments de réponse intéressants119. Le dépouillement systématique des diverses rubriques pour les années 1945-1953 permet d’affirmer que le mot « banlieue » apparaît peu. Si l’on excepte l’expression « Christ dans la banlieue » et les avis notifiant des modifications dans les limites de paroisses ou d’archiprêtrés évoqués plus haut, le terme est utilisé seulement deux fois, dans les deux cas en 1951.

La première occurrence concerne l’annonce d’une réunion « pour les prêtres de la Banlieue RURALE de Lyon ». L’aviss'adresse à tous les prêtres« qui ont dans leurs paroisses des salariés agricoles (mariés ou célibataires), spécialement les jardiniers, maraîchers, arboriculteurs, etc., de la région avoisinant plus immédiatement Lyon »120. La banlieue est donc un espace contigu à la commune de Lyon (« avoisinant plus immédiatement »), aux contours flous (« région »), et rurale du fait de la présence de professionnels de l’agriculture. Le mot est encore utilisé dans l’adresse « Pour Messieurs les curés de Lyon et de la banlieue » pour lesquels des réunions mensuelles sont organisées à l’initiative de Mgr Ancel121. L’apostolat de l’évêque auxiliaire de Lyon en milieu ouvrier laisse supposer que ce sont les curés des périphéries ouvrières qui sont ici désignés, mais les limites spatiales ne sont pas précisées. Ces limites sont-elles d’ailleurs clairement établies par Mgr Ancel ? Les prêtres eux-mêmes connaissent-ils ces délimitations? La faible récurrence de ce terme dans les pages de l’annuaire officiel du diocèse oblige à en douter.

L’usage des termes « rural » et « urbain » est également peu fréquent dans le bulletin diocésain pour ces années 1945-1953. L’expression « paroisses urbaines » n’apparaît qu’une seule fois, à propos de la question du logement en 1947. Le communiqué du cardinal Gerlier, qui s’indigne des conditions insalubres dans lesquelles vivent de nombreux ménages, est à lire « dans les paroisses urbaines au premier dimanche libre »122. Ici, même si la suite du communiqué désigne explicitement le milieu ouvrier comme la première victime de ces difficultés, le terme « urbain » semble désigner plus largement l’ensemble des paroisses de la ville ou de sa proche périphérie dans lesquelles les fidèles sont censés apporter un soutien moral, matériel ou financier aux mal-logés. Le terme « urbain » paraît commode pour tracer les contours d’un espace de proximité de charité, mais il n’a pas de portée géographique précise.

Notes
119.

Suivant en cela l’hypothèse féconde d’Émile Poulat selon laquelle les Semaines religieuses, émanant de l’administration diocésaine, sont révélatrices d’un « état d’esprit » et constituent une source privilégiée pour l’observation sociologique en tant qu’expression de l’institution. (Émile Poulat, Les Semaines religieuses. Approche socio-historique et bibliographique des Bulletins diocésains français, Lyon, Centre d’histoire du catholicisme, 1973, p. 24 et suivantes).

120.

Semaine religieuse du diocèse de Lyon, 20 août 1951.

121.

Semaine religieuse du diocèse de Lyon, 25 octobre 1951.

122.

« Le problème actuel du logement », Semaine religieuse du diocèse de Lyon, 4 avril 1947.