Après la guerre, il semble que le COAS ait disparu. Le Centre n’apparaît plus dans les sources dépouillées et c’est à la même adresse, au 26 de la rue Victor-Hugo, que s’installe le Centre de propagande et d’action contre le taudis (PACT)160. Cette association est subventionnée par la ville de Lyon161. Une initiative soutenue par le PACT entre 1950 et 1952 permet de connaître le type d’expertise mis en œuvre dans la lutte contre l’insalubrité.
En octobre 1952, le curé Favier de Notre-Dame-Saint-Vincent - paroisse aisée des quais de Saône dans le 1er arrondissement de Lyon - demande l’appui du cardinal Gerlier pour l’action entreprise dans le quartier, pendant leur temps libre et de façon bénévole, par une équipe de « garçons », majoritairement étudiants. Les membres de ce « mouvement » se rendent chaque soir dans des logements insalubres pour les remettre en état. Pendant la durée du chantier, les locataires ne sont pas délogés. Or, c’est avec le matériel fourni par le PACT que vingt-quatre logements ont pu être remis en état entre 1950 et 1952. « L’équipe Saint-Vincent a été l’équipe "cobaye" du PACT » explique le rapport envoyé au MRU qui approuve la démarche et la méthode. Le groupe attire sans cesse de nouvelles recrues : les quatre garçons pionniers (dont le jeune Paul Collin présenté dans la lettre comme l’initiateur du projet) ont été rejoints par une trentaine d’autres peu après le démarrage. Pour la plupart de ces jeunes, la vie de chantier est une « découverte ». La mise en œuvre des techniques de réfection (« nettoyage, replâtrage, badigeonnage des plafonds et des murs, pose des papiers peints, peinture des soubassements, des portes et des fenêtres, remplacement des carreaux cassés, réparation d’électricité et travaux simples de menuiserie ») est d’abord l’occasion de nouer des liens avec les habitants pauvres du quartier. Face aux résultats obtenus, le MRU a demandé que l’équipe Saint-Vincent, emmenée par le jeune Poirieux, « nommé par le Ministre chef du mouvement pour tous les autres quartiers de Lyon » serve de modèle dans la lutte contre l’insalubrité à Lyon162.
Cette initiative, également qualifiée d’ « apostolat » par le curé de Notre-Dame Saint-Vincent, n’est pas sans rappeler les caractéristiques sociologiques des pratiques caritatives des confrères de Saint-Vincent-de-Paul : visite au domicile de familles pauvres, recherche de sanctification pour de jeunes laïcs issus de la bourgeoisie, univers principalement masculin… sans parler du nom, « Saint-Vincent », commun aux deux mouvements. Le travail de ces équipes correspond également à l’évolution que constate Bruno Dumons à propos des disciples d’Ozanam au début des années 1950 : cette œuvre est moins l’instrument d’une reconquête chrétienne que l’expression d’une action à but social163. C’est d’ailleurs aux côtés de la Société Saint-Vincent-de-Paul que le PACT participe aux « Journées d’alarme » en faveur des « mal-logés » organisées à Lyon les 29 et 30 janvier 1955 par l’Union nationale de l’aide aux sans-logis et mal-logés. Cette mobilisation réunit aussi l’Armée du Salut et le Comité de secours d’urgence (« Dépannage Abbé-Pierre »), ainsi que plusieurs syndicats ouvriers et patronaux et des organismes publics. Au cours du meeting du 29 janvier réunissant ce « front du logement », des représentants du PACT prennent la parole pour évoquer les lois récentes en faveur de l’amélioration de l’habitat, les problèmes techniques et les mesures administratives et législatives nécessaires pour développer le logement social164.
Ces exemples montrent assez clairement qu’existe la revendication d’une qualification dans le domaine du logement, assez proche de celle qu’a mis en lumière Bruno Duriez pour le cas du MPF165. Toute une nébuleuse d’associations ou de mouvements catholiques se mobilise entre la fin des années 1940 et le début des années 1950, en se prévalant de compétences techniques dans le champ de l’habitat.
Faute de sources, restent dans l’ombre les circonstances de création du PACT et ses moyens d’action.
Claire Berthet, Contribution à une histoire du logement social au XX ème siècle. Des bâtisseurs aux habitants : les HBM des États-Unis de Lyon, Paris, L’Harmattan, 1997, p. 23.
AAL, fonds Gerlier, 11.II.182, lettre du curé Favier de Notre-Dame-Saint-Vincent, jointe au rapport « Équipe Saint-Vincent », 18 octobre 1952.
« Désormais, le confrère quitte l’image condescendante de l’homme d’œuvres du siècle dernier pour épouser peu à peu celles du militant puis de l’assistant social. Le regard sur la pauvreté s’est ainsi modifié, celle-ci passant de l’état de situation inéluctable à celle d’un mal qui doit être combattu puis éradiqué. Le tissu des œuvres change lui aussi de nature puisqu’il apparaît de moins en moins comme un fer de lance au service de l’instauration d’une société chrétienne, mais davantage, à l’aube des années cinquante, comme le signe de la présence visible d’une Église pauvre et servante » (Bruno Dumons, « Charité bourgeoise et action sociale… », op. cit., p. 156.
AAL, fonds Gerlier, 11.II.182, « Journées d’alarme des 29 et 30 janvier 1955 » ; voir également Évelyne Boyer, Gabriel Rosset et le Foyer Notre-Dame-des-Sans-Abris…, op. cit., p. 88 et suivantes.
Bruno Duriez, « Loger les familles ouvrières… », op. cit., en particulier p. 54-57.