L’Archevêché se fait également le relais des pouvoirs publics dans leur lutte contre les taudis et l’insalubrité pour informer les propriétaires des mesures en vigueur : « Nous sommes heureux de signaler à ceux qui, désireux de faire aménager des locaux pour y accueillir des sans-logis ou de faire diviser à la même fin des locaux déjà habités, se déclarent incapables de supporter les frais de ces travaux, qu'il existe un Fonds national pour l'amélioration de l'habitat sur lequel peut leur être accordée une aide importante, dont le taux s'échelonnerait de 35 à 50 % de la dépense retenue. Ceux qui remplissent les conditions nécessaires à l'octroi de ces subventions peuvent même bénéficier, en outre, d'une ouverture de crédit de trois ans pour tout ou partie du surplus de la dépense. La Commission peut être toutefois limitée dans ces possibilités par l'état des sommes disponibles. Les demandes doivent être adressées, avant le commencement des travaux, à M. le directeur départemental du Crédit Foncier de France, 44 place de la République à Lyon, dont les services fournironttous renseignements pour l'établissement des dossiers. Le Service départemental de l'Urbanisme et de l'Habitation, 40 boulevard Vivier-Merle, est à la disposition des intéressés pour les renseignements d'ordre technique »210. Cet « avis » très informé étonne par la précision technique des informations données. Il s’appuie sur une source sûre : c’est en effet l’inspecteur de l’Urbanisme et de l’Habitation du département du Rhône, Louis Piessat, déjà cité comme membre du Comité d’honneur du CLAL, qui est à l’origine de l’encart dans la Semaine religieuse.
À la suite de l’appel du cardinal du 11 décembre 1949, le délégué du MRU avait en effet écrit une lettre à Mgr Gerlier, dans laquelle il saluait la pertinence du cri d’alarme lancé par le prélat : « Les statistiques et les résultats d’enquêtes que je recueille à mon Service me permettent d’apprécier avec quelle justesse Elle[Votre Éminence]a estimé la gravité du problème et le chrétien que je m’efforce d’être s’est réjoui d’entendre son archevêque donner au devoir civique son vrai nom de Charité chrétienne »211. Louis Piessat exposait ensuite au cardinal les avantages du Fonds national d’amélioration de l’habitat (FNAH) qui ont été repris dans l’encart du bulletin diocésain212. Sans doute tous les confrères de Louis Piessat ne partagent-ils pas les derniers mots cités, mais attribuer à la seule communauté de foi entre ces deux responsables la convergence des efforts, sur la question du logement, entre pouvoirs publics et autorités religieuses, apparaît comme réducteur.
L’État législateur est en effet perçu comme un allié fiable dans la bataille du logement. Un second communiqué du cardinal Gerlier confirme en octobre 1951 que l’Église n’a pas le monopole des actions menées. Des entreprises, les « castors », mais surtout les pouvoirs publics prennent part à la lutte : « Des efforts très louables, et dont il est équitable de ne pas nier la valeur, ont été entrepris de différents côtés : initiatives des pouvoirs publics, textes législatifs, réalisations des municipalités, des coopératives, de certaines grandes entreprises, sans oublier les efforts plus modestes, mais efficaces, qui ont mis en œuvre, chez ceux qui les ont tentés, les plus belles qualités du cœur à côté du travail personnel ». L’État est reconnu comme un partenaire essentiel : « Il convient que les pouvoirs publics, et tous ceux qui travaillent à donner une solution au problème de l'habitat, soient soutenus dans leurs efforts par les catholiques »213.
Les fidèles catholiques doivent exploiter au maximum les dispositifs créés et, pour cela, commencer par les connaître : « Il faut également que ces derniers [les catholiques] se tiennent bien au courant des lois et règlements qui favorisent la construction et l'aménagement des locaux d'habitation »214. Les chrétiens doivent dès lors s’informer, c’est là le premier de leurs devoirs pour une action efficace. La Semaine religieuse joue donc un double rôle : elle propose quelques conseils d’ordre juridique pour guider les catholiques dans leurs démarches en même temps qu’elle apporte une caution morale à la législation existante215.
Au-delà de la sensibilisation des diocésains aux possibles mesures auxquelles ils peuvent recourir pour améliorer la salubrité de leurs propriétés, le cardinal plaide pour une insertion accrue des catholiques dans ces mouvements de lutte. L’Action catholique et les œuvres doivent certes continuer à travailler à faire disparaître cette situation dramatique, mais le cardinal incite les catholiques à investir « les divers organismes de réalisation » dans les domaines de « la construction et de l’aménagement des locaux d’habitation »216. Cette insertion revendiquée par l’Église sur le terrain du logement n’est pas sans risques pour elle. Elle place l’autorité diocésaine dans une situation qui devient délicate car elle l’oblige à montrer l’exemple en matière de réquisition de logements inoccupés.
« Avis important concernant le problème du logement », Semaine religieuse du diocèse de Lyon du 23 décembre 1949.
AAL, fonds Gerlier, 11.II.182, lettre de Louis Piessat au cardinal Gerlier, 12 décembre 1949.
Ce fonds créé en juin 1945 a pour but d’aider les propriétaires bailleurs à financer les travaux dans les locaux proposés à la location. Voir Frédérique Boucher, « Abriter vaille que vaille, se loger coûte que coûte », dans Images, discours et enjeux de la reconstruction…, op. cit., p. 119-141, en particulier p. 129.
« Déclaration de l'ACA sur le problème du logement », Semaine religieuse du diocèse de Lyon du 25 octobre 1951.
Dans les papiers Gerlier figure en outre une circulaire (non datée) de la Préfecture du Rhône qui précise les avantages des ordonnances des 28 juin et 26 octobre 1945 relatives à la création et au fonctionnement du Fonds National d’Amélioration de l’Habitat. La présence de ce document dans le carton « Logements » confirme les échanges d’informations sur le logement entre les services de l’État et l’Archevêché (AAL, fonds Gerlier, 11.II.182).
Des mouvements proposent également dans les colonnes de leurs revues des informations pratiques à destination des usagers sur l’action de l’État en faveur du logement. Voir par exemple : Jacques Gauducheau, « Guide pratique pour une action en faveur du logement », dans Efficacité [bulletin d’Économie et Humanisme], 2, février - mars 1951, p. 53-54.
Idem.