Au tournant des années 1940-1950, l’Archevêché se trouve mêlé à une polémique à propos de logements que des lettres de dénonciation envoyées à Fourvière déclarent scandaleusement vacants en période de crise aiguë du logement.
Il faut rappeler les termes de l’appel déjà cité du cardinal Gerlier en faveur des « mal-logés » en avril 1947. Dans ce communiqué paru dans la Semaine religieuse, dans la presse et lu en chaire dans toutes les églises et chapelles du diocèse217, le prélat reprend une des conclusions de l’ACA sur les remèdes possibles au manque de logements : « Ceux qui subissent si durement les conséquences de cette crise du logement familial s'indignent souvent de constater ou de supposer que certains locaux sont inoccupés, ou insuffisamment occupés, et ils dénoncent le scandale de cette incurie égoïste en face de la misère lamentable de multiples foyers »218. Mgr Gerlier redoute sans doute les effets pervers qui peuvent naître de la rumeur sur ces questions sensibles. Il concède qu’il faut agir avec toute la prudence nécessaire, mais il n’en appelle pas moins les catholiques propriétaires de plusieurs logements à mettre en pratique leur foi : « S'il est vrai que certaines de ces critiques manquent parfois de fondement réel, et procèdent d'une information défectueuse, il reste qu'une charité fraternellemieux comprise et plus courageuse permettrait dans plus d'un cas de venir en aide à ceux qui souffrent. Il y faudrait sans doute certains sacrifices assez pénibles »219.
Les appels réguliers qui ont succédé à celui-ci, exacerbés par une crise du logement qui s’amplifie, semblent avoir encouragé certains diocésains à dénoncer des situations devenues inacceptables en temps de crise. C’est le cas par exemple d’un habitant de Lyon-Vaise qui s’indigne auprès du cardinal de l’existence de maisons de villégiature dans les campagnes autour de Lyon, ce qui est « inadmissible à l’époque actuelle surtout qu’une bonne partie des familles ayant deux appartements sont chrétiennes ou se disent telles »220. Mais Mgr Gerlier souhaite que l’Église aussi montre l’exemple sur cette question. En décembre 1949, le troisième appel du cardinal en faveur du logement s’adresse ainsi également aux communautés religieuses221. Deux cas peuvent alors se produire : soit l’Archevêché contacte directement des congrégations dont les services diocésains connaissent l’importance du patrimoine immobilier dans l’agglomération ; soit des diocésains écrivent au cardinal pour lui confirmer, exemples à l’appui, la justesse de son appel. L’analyse qui va suivre ne souhaite pas s’en tenir à une simple description, somme toute banale, de pratiques de délation. Elle doit surtout permettre de reconstituer les lignes directrices des débats à propos du logement chez les catholiques.
« Le problème actuel du logement. Communiqué de Son Éminence à lire en chaire, dans les paroisses urbaines, au premier dimanche libre », Semaine religieuse du diocèse de Lyon du 4 avril 1947.
Cette affirmation fait référence à l’ordonnance du 11 avril 1945 qui prévoit une procédure de réquisition par le préfet des logements vacants, inoccupés ou insuffisamment occupés.
Idem.
AAL, fonds Gerlier, 11.II.182, lettre d’André Chalvet au cardinal Gerlier, 28 mars 1953.
« Troisième appel de Son Éminence en faveur des mal-logés. Le problème toujours tragique du logement (à lire en chaire) », Semaine religieuse du diocèse de Lyon du 11 décembre 1949.